Glycosaminoglycanes

Hyaluronane

Les glycosaminoglycanes sont des hétéropolysaccharides formés par la répétition d'unités disaccharidiques, souvent sulfatées.

Les chaînes hétéropolysaccharidiques liées à des protéines sont appelées glycosaminoglycanes (on les appelait autrefois mucopolysaccharides). Ce sont des polymères linéaires formés par la répétition (jusqu'à 200 fois en moyenne) d'une unité disaccharidique comportant un ose aminé, le plus souvent N-acétylé (GlcNAc ou GalNAc) et un acide uronique (D-GlcA ou L-IdoA) ou un ose neutre (D-Gal). Dans certains glycosaminoglycanes comme l'héparine, bien connue pour son effet anti-coagulant, l'ose aminé est N-sulfaté. Divers degrés de sulfatation s'observent également en d'autres positions de l'ose aminé et/ou de l'acide uronique.

Chez les animaux, les glycosaminoglycanes entrent dans la composition de la substance fondamentale des divers tissus conjonctifs. Leur caractère polyanionique, dû à la présence des uronates (voir Uronates) et des sulfates, leur permet de combler les espaces intercellulaires (remplissage) en liant d'énormes quantités d'eau (maintien de l'hydratation), de repousser les molécules chargées négativement (filtration sélective) et d'échanger les molécules chargées positivement. Leurs solutions aux propriétés visco-élastiques remarquables contribuent à l'amortissement des chocs au niveau des articulations.

L'hyaluronane se distingue de tous les autres glycosaminoglycanes.

L'hyaluronane (acide hyaluronique ou HA) diffère de tous les autres glycosaminoglycanes en ce qu'il existe à l'état libre, sans liaison covalente avec aucune protéine. Il n'est jamais sulfaté, et peut avoir une très grande taille, de 250 à 25 000 unités disaccharidiques liées en β(1 \(\rightarrow\) 4). Chaque unité disaccharidique est un motif β-GlcA-(1 \(\rightarrow\) 3)-GlcNAc.

Complément

L'unité répétitive (encadrée) de l'hyaluronane est un disaccharide β-GlcA-(1\( \rightarrow\) 3)-GlcNAc. Les unités répétitives sont liées entre elles par des liaisons glycosidiques β(1\( \rightarrow\) 4).

Les molécules d'hyaluronane se présentent sous la forme de très longs rubans flexibles et hélicoïdaux (2 disaccharides = 4 résidus par tour) pouvant avoir plusieurs dizaines de micromètres de longueur. En solution dans les fluides biologiques, ces molécules peuvent se replier sur elles-mêmes et adopter de multiples conformations. La tendance est à la répulsion des résidus de GlcA chargés négativement, et à l'occupation du plus grand volume accessible à la molécule. A l'état hydraté, 1 g d'hyaluronane peut occuper un volume de 1 L. Sous l'effet de variations de la pression ambiante, les molécules peuvent s'associer entre elles, et s'orienter de diverses manières à l'origine des propriétés visco-élastiques de l'hyaluronane. Ces propriétés en font un matériel particulièrement adapté à la protection des tissus contre les chocs et les déformations.

Complément

Chaque unité disaccharidique est retournée de 180° par rapport aux unités voisines. L'ensemble donne une structure secondaire hélicoïdale assez lâche, maintenue par de nombreuses liaisons hydrogène intramoléculaires (figurées en orange).

On trouve l'hyaluronane chez tous les vertébrés, mais il est aussi présent dans la capsule de certaines souches de bactéries (Streptocoques). Chez l'homme, il est particulièrement abondant dans le cordon ombilical (c'est un des composants de la gelée de Wharton), dans le derme et dans l'épiderme de la peau, dans l'humeur vitrée de l'oeil et dans le liquide synovial des articulations. Il est moins abondant, mais néanmois présent en quantités très significatives dans le cartilage et dans les tissus conjonctifs.

Parmi les animaux, le tissu le plus riche en hyaluronane est la crête de coq dont la gelée interne en contient jusqu'à 7,5 mg/ml. L'hyaluronane hautement purifié à partir de ce matériel est utilisé en chirurgie pour compenser les pertes d'humeur vitrée (chirurgie ophtalmique) ou de liquide synovial (chirurgie articulaire).

Protéoglycanes

Les protéoglycanes sont des glycoprotéines.

Un protéoglycane est une protéine liée par liaisons covalentes à plusieurs (40 à 100) chaînes de glycosaminoglycanes. Longtemps considérés comme des molécules distinctes, les protéoglycanes sont maintenant reconnus comme des glycoprotéines, sur la double base de leur structure et de leur voie de biosynthèse. Les protéoglycanes entrent dans la catégorie des O-glycosylprotéines. La classification des glycoprotéines est donnée au chapitre des oligosaccharides (voir Glycoconjugués).

Les glycosaminoglycanes sont des hétéropolysaccharides formés par la répétition d'unités disaccharidiques sulfatées.

L'enchaînement répétitif des motifs disaccharidiques constitue la région répétitive du glycosaminoglycane. La liaison à la protéine s'effectue par l'intermédiaire d'un tétrasaccharide appelé région de liaison. L'extrémité réductrice du glycosaminoglycane forme un acétal avec la fonction alcool primaire d'une sérine (un acide aminé de la protéine). La structure de la région de liaison est la même dans la plupart des protéoglycanes, et correspond à l'enchaînement :

.........XY-XY-XY-XY-β(1\(\rightarrow\) 3)-Gal-β(1\(\rightarrow\) 3)-Gal-β(1\(\rightarrow\) 4)Xyl-β(1\(\rightarrow\) O)-Protéine

... où XY représente l'unité disaccharidique répétée.

Complément

Il s'agit ici d'un arabinoglucuronoxylane dont la chaîne principale est constituée de résidus de D-xylopyranose en configuration anomérique β. De courtes ramifications sont constituées par des résidus d'α-L-arabinofuranose et d'α-D-glucuronate méthylé en position 4. Les charges négatives (-) signalent les ions carboxylate.

La région de liaison peut également être sulfatée sur les résidus de galactose, et aussi phosphorylée sur le résidu de xylose.

Divers protéoglycanes constituent la substance fondamentale des tissus conjonctifs chez les animaux.

Les glycosaminoglycanes constitutifs des protéoglycanes sont classés selon la structure du motif répétitif, et portent souvent des noms rappelant leur origine tissulaire.

Les chondroitine sulfates (CS, du grec chondros = cartilage) et les dermatane sulfates (DS, mis en évidence dans le derme) dérivent tous deux du même polymère d'acide D-glucuronique et de D-galactosamine. La différence entre les deux est l'épimérisation (en C5) plus ou moins complète, après synthèse, de l'acide D-glucuronique en acide L-iduronique dans les dermatane sulfates, qui contiennent donc les deux uronates.

Les chondroïtine sulfates abondent dans le cartilage et les parois artérielles. Les sulfatations concernent soit l'alcool secondaire du C4 (chondroïtine 4-sulfates), soit l'alcool primaire du C6 (chondroïtine 6-sulfates) de GalNAc et ajoutent à la charge négative de la molécule. Les proportions de deux types de molécules varient d'un tissu à l'autre.

Les kératane sulfates (KS) accompagnent les chondroïtine sulfate dans les mêmes glycoprotéines du cartilage, de la cornée de l'oeil et dans le noyau des disques intervertébraux. L'osamine (GlcNAc) peut être sulfatée en C6. Ce sont donc également des polyanions, en dépit du remplacement des acides uroniques par le galactose neutre dans l'unité répétitive. Leur charge est cependant nettement moins forte que celle des autres glycosaminoglycanes.

L'aggrécane est un gigantesque assemblage de protéoglycanes représentant 10% du poids sec du cartilage animal (le cartilage articulaire renferme environ 75% d'eau). Les monomères d'aggrécane sont des protéoglycanes mixtes dont la protéine porte 100 à 200 chaînes de chondroitine sulfates et de kératane sulfates. Chaque monomère est lié à une très longue chaîne d'hyaluronane par le biais d'une petite protéine de liaison. Un complexe d'aggrécane peut compter jusqu'à 100 monomères liés au même hyaluronane.

Complément

La protéine est figurée en noir, avec ses deux extrémités N- et C-terminales. Les chaînes de chondroïtine sulfates sont représentées par des lignes vertes, les chaînes de kératane sulfates par des lignes rouges. Les petits traits bleus symbolisent de courtes chaînes d'oligosaccharides intercalées entre les glycosaminoglycanes.

Comme les dermatane sulfates, les héparane sulfates contiennent à la fois du D-glucuronate et du L-iduronate dans leurs unités répétitives, mais les glucosamines ne sont que partiellement N-acétylées. On trouve les héparane sulfates principalement associés au collagène dans les membranes basales, où ils contractent également des liaisons avec les cellules par le biais de protéines spécialisées : fibronectine des fibroblastes, laminine des cellules endothéliales, chondronectine des cellules du cartilage (chondrocytes)... Comme leur nom l'indique, ils sont structuralement apparentés à l'héparine, mais cette dernière n'est pas un constituant des tissus conjonctifs.

L'héparine est secrétée par les mastocytes qui bordent les artères, dans le foie, les poumons et la peau. Bien connue pour son effet anticoagulant, l'héparine est utilisée en médecine pour lutter contre l'embolie pulmonaire et la thrombose veineuse, qui font partie des risques post-opératoires. La structure de l'héparine est complexe et montre une unité répétitive à 6 résidus :

[(1 \(\rightarrow\) 4)-α IdoA-(1 \(\rightarrow\) 4)-α GlcN-(1 \(\rightarrow\) 4)-α IdoA-(1 \(\rightarrow\) 4)-β GlcN-(1 \(\rightarrow\) 4)- α GlcA-(1 \(\rightarrow\) 4)-α GlcN-]n

Chaque glucosamine peut être sulfatée au niveau de l'alcool primaire en C6 (ester), mais aussi au niveau de l'amine en C2 (amide), ce qui donne un maximum de 8 sulfatations possibles pour 6 résidus. Les chaînes sont relativement courtes avec une cinquantaine de résidus en moyenne.

L'héparine et l'héparane sulfate ralentissent la coagulation du sang, et interviennent dans la régulation de la croissance cellulaire.

La fonction physiologique la mieux connue des glycosaminoglycanes est l'effet anticoagulant de l'héparine sécrétée par les mastocytes, et de l'héparane sulfate présent à la surface des vaisseaux. Le caillot sanguin (thrombus) se forme à la suite d'une chaîne de réactions protéolytiques catalysées par des protéases plasmatiques, sous le contrôle d'un grand nombre de facteurs sanguins. L'inhibiteur de protéases antithrombine 111 (ATIII) est l'un de ces facteurs. Il se lie fortement et spécifiquement à l'héparine et à l'héparane sulfate, de même que plusieurs des protéases plasmatiques qui sont inactivées par l'ATIII. En fixant simultanément les deux types de molécules, les glycosaminoglycanes favorisent vraissemblablement la rencontre entre les enzymes et l'inhibiteur, augmentant l'efficacité de ce dernier de plusieurs milliers de fois.

Les facteurs de croissance de la famille FGF (pour Fibroblast Growth Factors), ainsi que plusieurs autres facteurs de croissance, se lient avec avidité à l'héparane sulfate de la matrice extracellulaire. Il y a des preuves que cette liaison piège et concentre les facteurs de croissance à la surface de la cellule, là où se trouvent les récepteurs adéquats.

Le nombre et la diversité des protéoglycanes nouvellement découverts ne cessent d'augmenter.

On connaît à l'heure actuelle (septembre 2000) une vingtaine de gènes distincts codant pour des protéines porteuses de glycosaminoglycanes. Certaines des molécules nouvellement découvertes (versicane) sont, comme l'aggrécane, des composants structuraux du cartilage. D'autres (décorine, fibromoduline) participent à l'assemblage du réseau de collagène dans les tissus conjonctifs. Le perlecane est spécifiquement trouvé dans les membranes basales. Le phosphocane n'est connu que dans le tissu nerveux. L'étude détaillée de toutes ces molécules est hors programme.