Utilisation d'une équation différentielle

Soit \(f\) une fonction de classe \(C^{+\infty}\) sur un intervalle ouvert contenant 0.

Supposons les conditions suivantes réalisées :

  • il existe une équation différentielle \((E)\) et un intervalle ouvert \(I\) contenant 0, tels que la restriction de \(f\) à \(I\) soit l'unique solution de \((E)\) vérifiant certaines conditions initiales ;

  • on a déterminé une série entière \(\sum a_nx^n\) de rayon de convergence \(r > 0\), dont la somme est solution de \((E)\) sur l'intervalle \(]-r,r[\) et vérifiant les mêmes conditions initiales.

On a alors : \(\forall x \in ]-r,r[, f(x)=\displaystyle\sum_{n=0}^{+\infty}a_nx^n\).

La méthode consiste à déterminer les coefficients \(a_n\) en identifiant, grâce au théorème d'unicité, les développements des fonctions figurant dans les deux membres de l'équation différentielle.

Exemple

Ainsi, considérons la fonction \(f_{\alpha}:x\mapsto(1+x)^{\alpha}, (\alpha \in R)\). Elle est de classe \(C^{\infty}\) sur l'intervalle \(]-1,+\infty[\) et vérifie, pour tout \(x >-1\) :

\((1+x)f'_\alpha(x)=\alpha f_\alpha(x)\)

La fonction \(f_\alpha\) est solution de l'équation différentielle

\((E)\) \((1+x)y'=\alpha y\)

Plus précisément, c'est l'unique solution de \((E)\) qui vaut \(1\) pour \(x = 0\).

Si \(f_\alpha\) est développable en série entière dans un intervalle \(I\) centré en 0, on a, pour tout \(x\) de \(I\) :

\(f(x)=\displaystyle\sum_{n=0}^{+\infty}a_nx^n\) et \(f'(x)=\displaystyle\sum_{n=1}^{+\infty}na_nx^{n-1}\).

En identifiant alors, grâce au théorème d'unicité les développements des fonctions figurant dans les deux membres de\( (E)\), on obtient, pour tout entier \(n\) :

\((n+1)a_{n+1}+na_n=\alpha a_n\) et donc \(a_{n+1}=\frac{\alpha-n}{n+1}a_n\).

On en déduit

  • Si \(\alpha\) est un entier naturel :

    les coefficients sont nuls si \(n\geq \alpha+1\). Le développement se réduit à un polynôme et on retrouve la formule du binôme de Newton.

  • Si \(\alpha\) n'est pas un entier naturel,

    on a les égalités : \(a_1=\alpha a_0=\alpha\) car \(a_0=1\) et \(a_n=\frac{\alpha(\alpha-1)\ldots(\alpha-n+1)}{n!}\) \(n\geq 1\).

    On doit donc vérifier que la série entière \(1+\displaystyle\sum_{n\geq 1}\frac{\alpha(\alpha-1)\ldots(\alpha-n+1)}{n!}x^n\)

  • a un rayon de convergence non nul ;

  • a pour somme la fonction \(f_\alpha\) dans l'intervalle de convergence.

On vérifie la première propriété, en remarquant que l'égalité : \(\left|\frac{a_{n+1}}{a_n}\right|=\left|\frac{\alpha-n}{n+1}\right|\) entraîne \(\displaystyle\lim_{n\rightarrow +\infty}\left|\frac{a_{n+1}}{a_n}\right|=1\) et donc\( R = 1\).

Pour la seconde propriété, on écrit que, dans l'intervalle \(]-1,1[\), on a : \(f'_\alpha(x)=\displaystyle\sum_{n=1}^{+\infty}\frac{\alpha(\alpha-1)\ldots(\alpha-n+1)}{(n-1)!}x^{n-1}\) et on identifie les développements en série entière des fonctions figurant dans les deux membres de l'équation différentielle \((E)\). La vérification est immédiate. La somme de la série entière \(1+\displaystyle\sum_{n\geq 1}\frac{\alpha(\alpha-1)\ldots(\alpha-n+1)}{n!}x^n\) est solution de l'équation différentielle \((E)\) et vaut 1 pour \(x = 0\). Elle est donc égale à \(f_\alpha\).

Si \(\alpha\) n'est pas un entier naturel, pour tout \(x\) appartenant à l'intervalle \(]-1,1[\), on a donc :

\((1+x)^\alpha=1+\displaystyle\sum_{n=1}^{+\infty}\frac{\alpha(\alpha-1)\ldots(\alpha-n+1)}{n!}x^n\).

Cas particuliers

Pour \(\alpha<0\), le rayon de convergence de la série entière ne pouvait, a priori, être supérieur à 1 car \(f_\alpha\) n'est pas définie en –1.

Dans le cas \(\alpha=-\frac12\), on a :\(\forall u\in ]-1,1[, \frac{1}{\sqrt{1+u}}=\displaystyle\sum_{n=0}^{+\infty}(-1)^n\frac{(2n)!}{2^{2n}(n!)^2}u^n\).

On en déduit \(\forall x\in ]-1,1[, \frac{1}{\sqrt{1-x^2}}=\displaystyle\sum_{n=0}^{+\infty}\frac{(2n)!}{2^{2n}(n!)^2}x^{2n}\).

En intégrant, terme à terme, on obtient le développement de la fonction arcsin :

\(\forall x\in ]-1,1[, \arcsin{x}=\displaystyle\sum_{n=0}^{+\infty}\frac{(2n)!}{2^{2n}(n!)^2}\frac{x^{2n+1}}{2n+1}\)

Remarque

Ce procédé se généralise aux équations d'ordre supérieur. Cette méthode est très fructueuse : de nombreuses fonctions sont définies comme solutions d'équations différentielles (problèmes de physique, de mécanique), et on peut, dans certains cas, déterminer ces solutions comme sommes de séries entières. C'est le cas en particulier des fonctions de Bessel, solutions de l'équation différentielle : \(y''+\frac{y'}{x}+\left(1-\frac{v^2}{x^2}\right)y=0\).

Dans le cas particulier où \(v\) est un entier naturel \(n\), on obtient la fonction :

\(J_n(x)=\left(\frac x2\right)^n\displaystyle\sum_{p=0}^{+\infty}\frac{(-1)^p}{p!(n+p)!}\left(\frac x2\right)^{2p}\) (cf. exercice dans la partie s'exercer).

Exercice

Retrouver le développement de la fonction exponentielle, en utilisant la propriété : c'est l'unique solution de l'équation différentielle \(y'=y\) valant 1 pour \(x=0\).