Diversité de formes des oligosaccharides

La forme d'un oligosaccharide dépend aussi des rotations autour des liaisons constituant la liaison glycosidique.

Dans un oligosaccharide, la flexibilité des cycles, furanoses et pyranoses (voir Conformations des oses cyclisés), reste limitée, et les différentes orientations des substituants des cycles (-H, -OH, -CH2OH) n'ont qu'un effet réduit sur la conformation d'un oligosaccharide. Dans ce contexte, les orientations relatives des unités osidiques (monomères) ont un rôle fondamental dans la structure tridimensionnelle de la molécule. Ces orientations sont simplement exprimées par des valeurs d'angles dièdres de la liaison glycosidique, appelés ϕ, ψ, et ω.

DéfinitionLa notion d'angle dièdre

Les angles dièdres mesurent la rotation des atomes autour des liaisons qui les unissent...

La structure tridimensionnelle d'une molécule est décrite par un jeu de coordonnées internes.

Les coordonnées internes d'une molécule incluent les distances de liaison (distances mesurées entre atomes liés), les angles de liaison (angles plans formés par deux liaisons consécutives) et les angles de torsion, encore appelés angles dièdres. Une distance de liaison est déterminée par 2 atomes, un angle de liaison par 3 atomes (intersection de 2 liaisons), et un angle dièdre par 4 atomes (intersection de 3 liaisons). Deux droites séquentes définissant un plan, trois liaisons consécutives définissent deux plans dont l'angle d'intersection constitue un angle dièdre.

Angle dièdre

L'angle α mesure la rotation des atomes A et D autour de la liaison BC. L'angle est fermé (α = 0°) quand A et D sont éclipsés. L'angle est ouvert dès qu'α prend une valeur non nulle, positive ou négative. Le plus grand décalage des atomes A et D correspond à l'ouverture maximum de l'angle α = 180°.

Deux angles ϕ et ψ décrivent la liaison O-glycosidique la plus simple.

Dans le cas le plus simple, la liaison O-glycosidique assemble deux résidus d'oses sur un même atome d'oxygène. Les deux liaisons formées par cet atome constituent deux axes de rotation des résidus l'un par rapport à l'autre. Les deux angles dièdres appelés ϕ et ψ permettent de décrire les positions respectives des deux monomères. Dans l'exemple du lactose illustré ci-dessous, l'angle ϕ mesure la rotation du résidu de D-galactose non réducteur.

Angle ϕ

L'angle ϕ illustré ici correspond à l'intersection d'un plan (vert) passant par O5, C1 et O1, et d'un autre plan (brun) contenant C1, O1 et C'4. L'angle ϕ mesure la rotation des deux plans selon l'axe C1-O1.

L'angle ψ mesure la rotation du résidu de D-glucose réducteur.

Angle ψ

L'angle ψ illustré ici correspond à l'intersection d'un plan (vert) passant par C1, O1 et C'4, et d'un autre plan (brun) contenant O1, C'4 et C'3. L'angle ψ mesure la rotation des deux plans selon l'axe O1-C'4.

Chaque conformation moléculaire est définie par un couple de valeurs de ϕ et ψ.

Toutes les valeurs de ϕ et ψ ne sont pas permises. Certaines conduisent en effet à des collisions, ou à de fortes interactions répulsives entre les atomes des résidus voisins. Il en résulte une élévation de l'énergie interne de la molécule (tensions intramoléculaires) qui rendent ces conformations très improbables. Au contraire, d'autres valeurs des angles dièdres donnent plus d'espace aux atomes voisins, ou permettent de satisfaire à des interactions attractives entre atomes qui abaissent l'énergie interne. Les conformations correspondantes, plus stables, sont donc plus largement représentées.

La représentation graphique des valeurs d'énergie interne, calculées pour chaque couple de valeurs des angles ϕ et ψ, permet d'identifier les conformations pour lesquelles l'énergie interne est la plus faible, donc les conformations les plus probables de la molécule. Une telle représentation est une carte d'énergie potentielle. L'énergie y est représentée par des courbes de niveau joignant tous les points de coordonnées ϕ et ψ, où l'énergie interne des molécules a la même valeur (exactement comme les courbes de niveau d'une carte géographique joignent les points de même altitude). Les régions de la carte où l'énergie est la plus faible peuvent se comparer à des vallées où s'accumulent les molécules. On parle de puits de potentiels.

Carte d'énergie potentielle

Exemple du cellobiose β-D-Glc-(1 \(\rightarrow\) 4)-D-Glc ci-dessus.

Les valeurs d'énergie interne de la molécule, calculées pour chaque couple de valeurs d'angles ϕ et ψ sont représentées par des courbes de niveau joignant les points de même valeur. La différence d'énergie entre deux courbes voisines est de 1 kcal.mol-1 (4,18 kJ.mol-1). Les courbes les plus claires correspondent aux énergies les plus élévées, et les courbes les plus sombres aux énergies les plus faibles. Un puits de potentiel délimite nettement les combinaisons d'angles ϕ et ψ les plus favorables (ici +10° à -60° pour ϕ et +25° à +60° pour ψ).

Un puits de potentiel occupe une zone plus ou moins large de la carte, ce qui signifie que dans une population de molécules, les angles dièdres peuvent varier de plusieurs dizaines de degrés sans remettre en cause la stabilité de l'édifice moléculaire. Pour une même molécule, il peut aussi exister plusieurs puits de potentiel distincts.

Les conformations du lactose en solution sont régies par deux angles dièdres.

La liaison glycosidique du lactose associe les liaisons chimiques C1-O1 du résidu galactosyle et O1-C'4 du résidu glucose, et crée deux axes de rotation des monomères l'un par rapport à l'autre.

Complément

L'angle dièdre ϕ (O5-C1-O-C'4) mesure les possibilités de libre rotation autour de la liaison C1-O du résidu D-galactopyranosyle (à gauche sur la figure). L'angle dièdre ψ (C1-O-C'4-C'3) mesure les possibilités de libre rotation autour de la liaison O-C'4 du résidu D-glucopyranose (à droite).

En solution aqueuse (comme dans le lait par exemple), le lactose tend à adopter des conformations proches de celle illustrée ci-dessus, avec des angles de torsion ϕ et ψ oscillant autour de -70° et +120°, respectivement.

Les liaisons glycosidiques impliquant un alcool primaire donnent un plus grand degré de liberté conformationnelle.

Lorsqu'un des résidus est lié par une fonction alcool primaire exocyclique (cas d'une liaison 1 \(\rightarrow\) 6 sur un glucopyranose par exemple), la libre rotation sur la liaison C5-C6 définit un angle de torsion supplémentaire appelé ω.

Complément

L'angle de torsion ϕ (O5-C1-O-C'4) mesure les possibilités de libre rotation autour de la liaison C1-O du résidu D-galactopyranosyle (en haut sur la figure). L'angle de torsion ψ (C1-O-C'4-C'3) mesure les possibilités de libre rotation autour de la liaison O-C'4 du résidu D-glucopyranose (en bas). L'angle ω mesure les possibilités de libre rotation autour de la liaison C5-C6 du D-glucopyranose (en bas de la figure).

Impliquant 3 liaisons chimiques au lieu de 2, ce type d'enchaînement offre un plus grand degré de liberté conformationnelle, et permet une plus grande souplesse dans le positionnement des monomères les uns par rapport aux autres.

Les oligosaccharides sont des molécules souples et mobiles.

Comportant de nombreuses liaisons glycosidiques, les oligosaccharides complexes peuvent se déformer au gré de l'agitation thermique, et adopter successivement un grand nombre de formes. Cette dynamique moléculaire, qui dépend essentiellement de la flexibilité des liaisons glycosidiques, joue un rôle important dans les processus de signalisation intra- et intercellulaire, où sont impliqués les Oligosaccharines et certains Glycoconjugués.

ComplémentSimuler

Simuler les déformations d'un pentasaccharide

Cette simulation réalisée sur ordinateur montre les possibilités de déformation permises par les liaisons glycosidiques.