Différenciation
Le dernier processus impliqué dans le développement de la plante est, de loin, le plus complexe et le plus important ; à la fois pour l'individu lui-même et pour l'évolution de l'espèce.
La différenciation se manifeste à tous les niveaux du développement d'un être vivant. Elle se fait suivant des modalités variables si on l'observe chez un être uni-cellulaire ou chez un être multi-cellulaire.
Pour une cellule donnée, la différenciation commence à la naissance (au terme de la mitose pour les cellules en division). Elle se déroule en même temps que la croissance, les deux processus étant étroitement imbriqués.
Le terme "différenciation" désigne l'ensemble des événements qui transforment une cellule méristématique en cellule mature. Ce faisant, la cellule acquiert la structure et la fonction qui seront les siennes, à l'état mature.
Chez les végétaux uni-cellulaires, après la mitose, les deux cellules-filles se séparent l'une de l'autre.
Chacune, pour son propre compte, va se différencier de façon à s'organiser grossièrement comme la cellule-mère qui l'a produite. Sa taille doublera ainsi que le nombre de ses organites. Elle devra évidemment posséder toutes les fonctions nécessaires à sa vie.
Chez les végétaux multi-cellulaires, la différenciation prend des aspects originaux.
Chaque cellule devenant solidaire des autres cellules de l'organisme pourra se spécialiser dans telle ou telle fonction, en même temps qu'elle sera déchargée des autres.
Par exemple, une cellule de phloème sera nourrie par les cellules compagnes qui l'entourent et se consacrera ainsi uniquement à la conduction de la sève élaborée (dont elle alimentera ces mêmes cellules compagnes).
La différenciation de cette cellule phloémienne, pour reprendre le même exemple, se fera à partir d'une cellule méristématique dont les organites se différencieront chacun dans un sens bien défini. La coordination de toutes ces différenciations partielles au sein de la cellule devra se faire avec une grande rigueur afin que la cellule soit viable et qu'elle puisse assurer le plus harmonieusement possible le rôle qui lui est réservé dans l'organisme.
I _ Principe
Chez les végétaux supérieurs, chaque individu en train de naître commence sa vie sous la forme d'une cellule unique : le zygote. Le nombre de cellules de cet individu s'accroît par divisions équationnelles, ou "mitoses du zygote".
Il faut donc admettre que chez une plante à fleurs, entre autres, toutes les cellules d'un même organisme possèdent la même garniture chromosomique, le même génome.
Deux cellules voisines peuvent se différencier en deux éléments cellulaires très dissemblables (une cellule stomatique et une cellule de sclérenchyme, par exemple), ce ne sont pas les mêmes gènes qui se sont exprimés dans les génomes de ces deux types de cellules.
On sait aujourd'hui que, au cours du développement, il n'y a pas perte mais expression différentielle des gènes. Pour un individu donné, dans chaque type cellulaire, une partie - une batterie - des gènes est exprimée le reste du génome restant silencieux, étant inhibé.
Les cellules 2, 3, et 4 qui dérivent de la cellule mère 1, illustrent ce mécanisme.
Dans les cellules 2, 3 et 4, ce sont des batteries de gènes différents a, b et c qui s'expriment.
Évidemment, suivant la partie du génome qui est utilisée, c'est telle ou telle variété de cellule qui sera construite.
Les mécanismes d'expression ou de non expression des gènes sont encore largement méconnus.
II _ Exemple / Différenciation d'une cellule de xylème
La séquence d’événements qui, partant de la cellule méristématique procambiale aboutit à une cellule de xylème, est bien connue aujourd'hui.
Différenciation du cytoplasme.
La cellule commence par se différencier en cellule parenchymateuse typique.
Sa taille s'accroît, les organites constituant son cytoplasme achèvent leur différenciation : augmentation du nombre des mitochondries, des dictyosomes, des systèmes membranaires du reticulum endoplasmique, des chloroplastes éventuels.
Puis la volumineuse vacuole unique de la cellule végétale typique se constitue.
Fig. 02 : Photographie au microscope et schémas de cellules xylémiennes
La cellule s'est fortement allongée dans le sens d'étirement de l'organe où elle se trouve, un rameau de tige par exemple.
Souvent, elle fait partie de tout un ensemble de cellules superposées qui se différencient de façon identique : le résultat final constituera un vaisseaux de xylème.
Dans un deuxième temps, la cellule va entrer dans une phase de dégénérescence
Le cytoplasme est profondément remanié. La membrane vacuolaire est rompue et le contenu de la vacuole dissout plus ou moins le hyaloplasme. Mitochondries, plastes, golgi voient leur nombre diminuer. Leur structure est fortement altérée par des hydrolyses importantes et ils finissent par disparaître totalement. Le reticulum endoplasmique est lui-même hydrolysé et éliminé. A terme, c'est la totalité du cytoplasme qui est détruite : la cellule est réduite à sa paroi pecto-cellulosique.
C'est une cellule morte qui va s'inscrire dans le matériel de circulation des sèves brutes.
Différenciation de la paroi pecto-cellulosique.
Fortement étirée, la cellule présente désormais la forme d'un cylindre.
Les parois latérales de ce cylindre, déjà plus ou moins épaissies vont alors se rigidifier et s'imperméabiliser par incrustation de lignine. Ces incrustations varient avec : l'espèce, l'âge de la cellule et sa position dans le cylindre central.
Plusieurs types ont été décrits classiquement :
a) Ornementation annelée du Zea mais
La paroi reste largement pecto-cellulosique. Les incrustations de lignine se localisent par endroits où ils forment des anneaux rigides, chargés essentiellement de permettre à la cellule de garder son diamètre.
b) Ornementation spiralée du Yucca sp.
Les incrustations, dans ce type de lignification, sont plus importantes qu'en a). C'est une spirale de lignine plus ou moins dense qui se dépose sur les parois pecto-cellulosique.
c) Ornementation réticulée de Fraxinus sp.
C'est ici un ensemble de barres de lignine qui s'entrecroisent en un réseau incrusté plus ou moins dense. Entre les mailles du réseau lignifié, la paroi garde son caractère pecto-cellulosique classique.
d) Ornementation ponctuée de Ricinus sp.
La cellule xylémienne à ornementation de lignine ponctuée ne reste pecto-cellulosique que suivant des plages réduites, en forme de points. C'est le terme ultime de la différentiation que peut atteindre une cellule xylémienne.
Les parois transversales de la cellule, quant à elles, sont totalement hydrolysées et finissent par disparaître. Les cellules xylémiennes superposées constituent alors un vaisseau xylémien.
II _ Exemple / Différenciation d'une cellule de phloème
N = Noyau ; V = Vacuole ; B = Bouchon de cal ; C = Cytoplasme avec organites ; P = Protéine P.
Les événements moléculaires présidant à la différenciation du phloème sont en partie identiques à ceux déjà rencontrés à propos de la cellule xylémienne.
Dans les deux cas, la différenciation se fait à partir de cellules procambiales qui s'allongent dans le sens de l'organe et s'organisent en files de cellules conductrices qui deviendront des vaisseaux de phloème.
Après sa vacuolisation et le développement de sa garniture d'organites, le symplasme entame une phase de dégénérescence où, comme pour le xylème, la majorité des éléments sont hydrolysés et disparaissent (plastes, mitochondries, systèmes membranaires divers).
Seules quelques travées de RE (reticulum endoplasmique) subsistent, et se disposent à la périphérie cellulaire. Avant sa disparition totale, le noyau participe à la synthèse de nombreuses molécules d'une protéine particulière : la protéine P. C'est une phosphatase qui pourrait jouer un rôle dans les transports de sève élaborée.
Contrairement au xylème, le phloème reste un tissu vivant, au moins pendant une grande partie de sa vie et c'est son symplasme qui semble assurer les circulations de sève élaborée les plus rapides au sein de la plante.
L'apoplasme à également un développement sensiblement différent dans le phloème. Aucune lignification ne se forme sur les parois cellulaires, qui restent entièrement pecto-cellulosiques.
La paroi transversale commune à deux cellules phloémiennes juxtaposées ne disparait pas. Elle se creuse d'ouvertures plus ou moins circulaires, plus ou moins importantes : les cribles.