Rareté du 13C
La pauvreté en \(\textrm{}^{13}\textrm C\) à des conséquences très spécifiques sur le signal et sur les couplages observables en RMN du \(\textrm{}^{13}\textrm C\).
Signal :
Pour une molécule donnée, pour un groupement d'atome dans cette molécule, le signal RMN d'un \(\textrm{}^{13}\textrm C\) est nettement plus faible que celui obtenu pour un \(\textrm{}^1\textrm H\) de la même molécule. Cette situation résulte de deux paramètres, la dilution isotopique et la perte de sensibilité.
Seul un carbone sur cent (en réalité 1.1%) est un \(\textrm{}^{13}\textrm C\). Donc, un carbone donné d'une molécule ne sera observable par RMN que dans une molécule sur cent. C'est l'équivalent d'une dilution de 100.
Mais ce n'est pas tout... voyons la sensibilité...
La sensibilité d'une technique spectroscopique repose, entre autres, sur l'écart énergétique existant entre l'état stable et l'état excité. Nous avons vu, dans le chapitre sur la théorie simplifiée de la RMN (exposée dans la RMN du proton), que les écarts\( \Delta\textrm E\) observés en RMN était les plus faibles que l'on sache à ce jour étudier.
Dans ce contexte de faible sensibilité,\( \textrm{}^1\textrm H\) est le noyau le plus sensible en RMN.
Avec, \(\Delta\textrm{E = h.}\nu \textrm{ = 2}\pi \textrm h \gamma \textrm B\) c'est bien entendu le rapport gyromagnétique \(\gamma\) qui marque cette propriété.
Le proton a le plus fort des rapports gyromagnétiques, celui du \(\textrm{}^{13}\textrm C\) est sensiblement égal au \(\frac{1}{4}\) de celui de \(\textrm{}^1\textrm H\). Ainsi la différence d'énergie \(\Delta\textrm E\) est réduite de quatre ce qui affecte les populations relatives des états \(\textrm m =+\frac{1}{2}\) et \(\textrm m =-\frac{1}{2}\), et donc l'intensité de Mo, magnétisation macroscopique. On démontre que la sensibilité est une fonction de \(\gamma^3\) ce qui pour le passage du \(\textrm{}^1\textrm H\) au \(\textrm{}^{13}\textrm C\) correspond à \((\frac{1}{4})^3\) soit \(\frac{1}{64}\).
En ajoutant la dilution isotopique, à nombres de \(\textrm H\) et \(\textrm C\) identiques, nous arrivons à une perte de sensibilité de 1/6400 entre les deux spectroscopies. Pour une technique déjà peu sensible pour le proton, cette perte conséquente de sensibilité aurait pu être fatale à la RMN du \(\textrm{}^{13}\textrm C\) (comme à celle d'autres noyaux peu sensibles...). Pour répondre à cette perte de sensibilité, il a fallu trouver une alternative à la RMN par simple balayage, au travers de méthodes d'accumulation du signal, particulièrement performante en RMN pulsée.
Couplage :
En matière de couplages, la situation est également assez particulière. Désormais il y a lieu d'identifier trois populations de molécules différentes :
celles ne contenant aucun \(\textrm{}^{13}\textrm C\), de loin la plus importante, totalement transparente à la RMN du \(\textrm{}^{13}\textrm C\) ;
celles ne contenant qu'un seul \(\textrm{}^{13}\textrm C\) ;
celles contenant plusieurs \(\textrm{}^{13}\textrm C\) (de loin les moins probables).
Prenons par exemple le cas de l'éthanol \(\textrm{CH}_3\textrm{-CH}_2\textrm{-OH}\). Un échantillon à analyser contient :
un peu moins de 98% des molécules \(\textrm{}^{12}\textrm{CH}_3\textrm{}^{12}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\) qui ne contiennent pas de \(\textrm{}^{13}\textrm C\) et ne donnent aucun signal en RMN du 13C (bien entendu, ces molécules seront visibles en \(\textrm{}^1\textrm H\) RMN) ;
environ 2% d'un mélange (50/50) de molécules dans lesquelles seul un des carbones est un \(\textrm{}^{13}\textrm C\), \(\textrm{}^{13}\textrm{CH}_3\textrm-\textrm{}^{12}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\) et \(\textrm{}^{12}\textrm{CH}_3\textrm-\textrm{}^{13}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\) . Ces deux combinaisons isotopiques contribuent à l'essentiel du spectre de RMN \(\textrm{}^{13}\textrm C\) . Ces isomères isotopiques portent le nom d'isotopomères (vous trouverez un développement sur les populations d'isotopomères dans la partie « étude du pic parent » dans la spectroscopie de masse).
environ 0.01% de molécules dans lesquelles les deux carbones sont des \(\textrm{}^{13}\textrm C\), \(\textrm{}^{13}\textrm{CH}_3\textrm-\textrm{}^{13}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\). Le signal de ces molécules, encore plus rares que les précédentes, est perdu dans le bruit de fond, alors qu'il est le seul à pouvoir offrir des couplages homonucléaires entre \(\textrm{}^{13}\textrm C\).
En conclusion :
Le spectre de RMN du \(\textrm{}^{13}\textrm C\) nécessite le recours à des techniques d'accumulation et correspond statistiquement à des molécules dans lesquelles seul un des carbones présents est un \(\textrm{}^{13}\textrm C\). Le signal de ce carbone nous donnera :
au travers de son déplacement chimique \(\delta\), une bonne information sur son environnement chimique (l'effet isotopique sur les déplacements chimiques entre \(\textrm{}^{12}\textrm C\) et \(\textrm{}^{13}\textrm C\) est extrêmement faible, voire négligeable
avec sa multiplicité, divers types de couplages J envisageables, des informations sur son environnement hétéronucléaire, notamment sa relation immédiate avec les protons qu'il porte et donc sa nature en terme de méthyle, méthylène, méthyne ou carbone non hydrogéné.
Mais nous n'aurons pas d'information (on sait les mesurer autrement) concernant le couplage \(\textrm{}^{13}\textrm C\textrm{}^{13}\textrm C\) qui aurait pu être si riche d'informations pour les enchaînements carbonés. Dans cette problématique, le \(\textrm{}^3\textrm J\textrm{}^ 1\textrm H\textrm{}^1\textrm H\), aisément observable en RMN du proton, garde toute sa puissance dans l'étude des enchaînements. En revanche, l'absence de couplage homonucléaire (du moins dans la partie exploitable hors du bruit de fond) va ouvrir de nouvelles possibilités d'enregistrement des spectres RMN du \(\textrm{}^{13}\textrm C\), dépendantes du statut que l'on réservera au(x) noyau(x) participant aux couplages hétéronucléaires ; notamment il sera possible d'observer le spectre du \(\textrm{}^{13}\textrm C\) totalement découplé ce qui est peu envisageable en RMN du \(\textrm{}^1\textrm H\).