Applications linéaires et matrices associées (1/2)
Partie
Soit \(f\) l'application linéaire de\(\mathbb R^3\) dans \(\mathbb R^3\), qui à tout \((x,y,z)\) de \(\mathbb R^3\) : \(f((x,y,z))=(-x+y+z,-6x+4y+2z,3x-y+z)\)
Question
Donner la matrice \(M\) de \(f\) dans la base canonique de \(\mathbb R^3\)
Aide simple
La matrice associée à une application linéaire \(\phi\) par rapport à des bases données est formée à l'aide des images par \(\phi\) des vecteurs de la base de départ : les colonnes de la matrice sont données par les coordonnées de ces images sur les vecteurs de la base d'arrivée.
Solution détaillée
Les vecteurs colonnes de la matrice de \(f\) dans la base canonique de \(\mathbb R^3\) sont donnés par les coordonnées des images des vecteurs de cette base dans cette même base.
On calcule ces images : \(f((1,0,0)=(-1,-6,3)\), \(f((0,1,0))=(1,4,-1)\) et \(f((0,0,1))=(1,2,1)\)
D'où \(M=\left(\begin{array}{ccc}-1&1&1\\-6&4&2\\3&-1&1\end{array}\right)\)
Question
Montrer que \(f\circ f=2f\)
Aide simple
Penser aux propriétés des matrices d'applications linéaires.
Solution détaillée
Résultat acquis : matrice \(M\) de \(f\)
\(M=\left(\begin{array}{ccc}-1&1&1\\-6&4&2\\3&-1&1\end{array}\right)\)
D'après les propriétés des matrices d'applications linéaires, l'endomorphisme \(f\) de \(\mathbb R^3\) vérifie la relation \(f\circ f=2f\)
si et seulement si sa matrice (notée \(M\)) relativement à une base vérifie la relation \(M^2=2M\).
On calcule \(M^2\) : \(\left(\begin{array}{ccc}-1&1&1\\-6&4&2\\3&-1&1\end{array}\right)\times\left(\begin{array}{ccc}-1&1&1\\-6&4&2\\3&-1&1\end{array}\right)=\left(\begin{array}{ccc}-2&2&2\\-12&8&4\\6&-2&2\end{array}\right)\)
On vérifie bien que \(M^2=2M\), donc \(f\circ f=2f\).
Question
Donner une base et la dimension du noyau de \(f\)
Solution détaillée
Le noyau de \(f\) est l'ensemble des vecteurs \(u\) de \(\mathbb R^3\) dont l'image par \(f\) est nulle. Le vecteur \(u=(x,y,z)\) appartient donc à \(Ker(f)\) si et seulement si le triplet \((x,y,z)\) est solution du système \(S\) suivant :
\((S)\left\{\begin{array}{ccccccc}-x&+&y&+&z&=&0\\-6x&+&4y&+&2z&=&0\\3x&-&y&+&z&=&0\end{array}\right.\)
\(\Leftrightarrow\left\{\begin{array}{cccccccc}-x&+&y&+&z&=&0&\\&&-2y&-&4z&=&0&L_2\leftarrow L_2-6L_1\\&&2y&+&4z&=&0&L_3\leftarrow L_3+3L_1\end{array}\right.\)
\(\Leftrightarrow\left\{\begin{array}{ccccccc}-x&+&y&+&z&=&0\\&&y&+&2z&=&0\end{array}\right.\)
\(\Leftrightarrow\left\{\begin{array}{ccc}y&=&-2z\\x&=&-z\end{array}\right.\)
Donc \(Ker(f)=\{u\in\mathbb R^3/\exists\alpha\in\mathbb R,u=(\alpha,2\alpha,-\alpha)=\alpha(1,2,-1)\}\).
Le noyau de \(f\) est donc le sous-espace vectoriel de \(\mathbb R^3\) engendré par le vecteur \((1,2,-1)\). Comme ce vecteur n'est pas nul, il détermine une base de \(Ker(f)\).
\(Ker(f)=Vect\{(1,2,-1)\}\).
La dimension de \(Ker(f)\) est donc 1.
Question
Déterminer l'image de \(f\) et en donner une base
Aide simple
Pour déterminer l'image d'une application linéaire, on peut
soit chercher quelles sont les conditions sur les coordonnées d'un vecteur pour que ce vecteur appartienne à cette image,
soit se servir du fait que l'image d'une application linéaire est le sous-espace vectoriel engendré par les images des vecteurs d'une base.
Rappel du théorème du rang : Soient \(E\) et \(F\) deux espaces vectoriels sur un même corps K\(,\) \(E\) de type fini. Soit \(f\) une application linéaire de \(E\) dans \(F\). Alors \(dim(Ker(f))+dim(Im(f))=dim E\)
Solution détaillée
Première méthode :
Un vecteur \((X,Y,Z)\) appartient à l'image de \(f\) si et seulement si il existe un vecteur \((x,y,z)\)
tel que \(f(x,y,z)=(X,Y,Z)\) donc si et seulement si il existe un triplet \((x,y,z)\) vérifiant le système suivant :
\((S)\left\{\begin{array}{ccccccc}-x&+&y&+&z&=&X\\-6x&+&4y&+&2z&=&Y\\3x&-&y&+&z&=&Z\end{array}\right.\)
\(\Leftrightarrow\left\{\begin{array}{cccccclc}-x&+&y&+&z&=&X&\\&&-2y&-&4z&=&Y-6X&L_2\leftarrow L_2-6L_1\\&&2y&+&4z&=&Z+3X&L_3\leftarrow L_3+3L_1\end{array}\right.\)
\(\Leftrightarrow(S')\left\{\begin{array}{cccccclc}-x&+&y&+&z&=&X&\\&&-2y&-&4z&=&Y-6X&\\&&&&0&=&Y+Z+3X&L_3\leftarrow L_3+L_2\end{array}\right.\)
Pour qu'un vecteur \((X,Y,Z)\) appartienne à l'image de \(f\) il est donc nécessaire d'avoir la condition \(Y+Z-3X=0\) ; cette condition est suffisante car en choisissant un réel \(z\) quelconque, on peut déduire du système \((S')\) les valeurs de \(y\) et de \(x\) en fonction de \(z\), \(X\), \(Y\) et \(Z\), telles que le triplet \((x,y,z)\) soit solution de ces systèmes équivalents :
Si \(Y+Z-3X=0\), \((X,Y,Z)=f(u)\) où \(\left(-z+2X-\frac{Y}2,-2z+3X-\frac{Y}2,z\right)\).
Donc, en revenant à des notations minuscules, on a : \(Im(f)=\{(x,y,z)\in\mathbb R^3/y+z-3x=0\}\).
L'image de f est un plan vectoriel.
Pour trouver une famille génératrice de ce plan, il suffit de remarquer les équivalences suivantes :
\(\begin{array}{ccl}u=(x,y,z)\in Im(f)&\Leftrightarrow& u=(x,y,z)\textrm{ et }y+z-3x=0\\&\Leftrightarrow&u=(x,y,z)\textrm{ et }y=3x-z\\&\Leftrightarrow&u=(x,3x-z,z)\end{array}\)
Donc \(u\in Im(f) \Leftrightarrow \exists(\alpha,\beta)\in\mathbb R^2, u=\alpha(1,3,0)+\beta(0,-1,1)\)
Soient \(u_1=(1,3,0)\) et \(u_2=(0,-1,1)\), ces deux vecteurs forment une famille génératrice de \(Im(f)\), comme de plus ces deux vecteurs ne sont pas colinéaires, ils forment une famille libre, donc ils déterminent une base de \(Im(f)\).
(Pour montrer que \((u_1,u_2)\) est une base de \(Im(f)\), on peut aussi se servir de la question précédente : on a vu que la dimension de \(Ker(f)\) est \(1\), donc d'après le théorème du rang, la dimension de \(Im(f)\) est \(2\) ; la famille \({u_1,u_2}\) est alors une famille génératrice de deux éléments dans un sous-espace vectoriel de dimension 2, elle détermine donc une base de \(Im(f)\))
D'où \((u_1,u_2)\) est une base de \(Im(f)\) avec \(u_1=(1,3,0)\) et \(u_2=(0,-1,1)\).
Deuxième méthode :
L'image de l'application linéaire \(f\) est entièrement déterminée par les images d'une base. Dans la première question on a trouvé : \(f((1,0,0)=(-1,-6,3)\), \(f((0,1,0))=(1,4,-1)\) et \(f((0,0,1))=(1,2,1)\)
donc \(Im(f)\) est le sous-espace vectoriel engendré par ces trois vecteurs : \(Im(f)=Vect\{(-1,-6,3),(1,4,-1),(1,2,1)\}\)
Dans la question précedente on a vu que la dimension de \(Ker(f)\) est \(1\), donc d'après le théorème du rang, la dimension de \(Im(f)\) est \(2\).
On en déduit qu'il suffit de choisir deux vecteurs non colinéaires parmi les trois vecteurs engendrant \(Im(f)\), pour avoir une base de \(Im(f)\), par exemple une base de \(Im(f)\) est \((v_1,v_2)\) avec \(v_1=(1,2,1)\) et \(v_2=(1,4,-1)\).
Ceci détermine entièrement l'image de \(f\).
On peut compléter cette démonstration pour retrouver le résultat obtenu avec la première méthode.
Comme le sous-espace vectoriel \(Im(f)\) est de dimension \(2\), c'est un plan vectoriel de \(\mathbb R^3\); on peut chercher une équation cartésienne de ce plan c'est-à-dire des réels \(a,b,c\) tels que \(Im(f)=\{(x,y,z)\in\mathbb R^3/ax+by+cz=0\}\)
Pour déterminer \(a, b, c\) il suffit de remarquer que les coordonnées des vecteurs de la base de \(Im(f)\) vérifient une telle équation. On obtient alors le système
\(\left\{\begin{array}{c}a+2b+c=0\\a+4b-c=0\end{array}\right.\Leftrightarrow\left\{\begin{array}{r}a+2b+c=0\\2b-2c=0\end{array}\right.\Leftrightarrow\left\{\begin{array}{l}b=c\\a=-3c\end{array}\right.\)
Une équation du plan est donc \(-3x+y+z=0\) et \(Im(f)=\{(x,y,z)\in\mathbb R^3/-3x+y+z=0\}\)
Question
Montrer que \(Ker(f)\) et \(Im(f)\) sont des sous-espaces vectoriels supplémentaires.
Aide simple
Deux sous-espaces vectoriels \(F\) et \(G\) d'un espace vectoriel \(E\) sont dits supplémentaires si \(E\) est leur somme directe.
Commencer par montrer que l'intersection de \(Ker(f)\) et \(Im(f)\) est réduite à l'élément nul, puis utiliser des arguments de dimensions.
Solution détaillée
Résultats acquis :
\(Kerf(f)=\{u\in\mathbb R^3/\exists\alpha\in\mathbb R,u=(\alpha,2\alpha,-\alpha)\}\)
\(Im(f)=\{(x,y,z)\in\mathbb R^3/-3x+y+z=0\}\)
Les sous-espaces \(Ker(f)\) et \(Im(f)\) sont des sous-espaces vectoriels supplémentaires si on a l'égalité \(\mathbb R^3=Ker(f)\oplus Im(f)\)
donc si \(Ker(f)\cap Im(f)=\{0\}\)et si \(\mathbb R^3=Ker(f)+Im(f)\).
On montre : \(Ker(f)\cap Im(f)=\{0\}\)
soit \(u=(x,y,z)\)appartenant à \(Ker(f)\cap Im(f)\); comme \(u\) appartient à \(Im(f)\), les coordonnées \((x,y,z)\) de \(u\) vérifient l'équation \(-3x+y+z=0\), et comme \(u\) appartient à \(Ker(f)\), il existe un réel \(\alpha\) tel que \(u=(\alpha,2\alpha,-\alpha)\). Donc ici \(-3\alpha+2\alpha+(-\alpha)=0\), d'où \(\alpha=0\), donc \(u=0_{\mathbb R^3}\).
Donc la somme de \(Ker(f)\) et \(Im(f)\) est directe : \(Ker(f)+Im(f)=Ker(f)\oplus Im(f)\)
On en déduit que \(dim(Ker(f)+Im(f))=dim(Ker(f)+dim(Im(f))\),
donc d'après le théorème du rang : \(dim(Ker(f)+Im(f))=3\).
Ceci entraîne, puisque \(Ker(f)+Im(f)\) est un sous-espace vectoriel de \(\mathbb R^3\) et qu'il a la même dimension que \(\mathbb R^3\): \(\mathbb R^3=Ker(f)+Im(f)=Ker(f)\oplus Im(f)\).
Question
Trouver une base \(\mathcal B=(\epsilon_1,\epsilon_2,\epsilon_3)\) de \(\mathbb R^3\) telle que la matrice de \(f\) dans cette base soit égale à :
\(N=\left(\begin{array}{ccc}0&0&0\\0&2&0\\0&0&2\end{array}\right)\)
Aide simple
Sachant que les colonnes de la matrice \(N\) sont données par les coordonnées des images des vecteurs de la base sur ces mêmes vecteurs, en déduire ce que doivent valoir \(f(\epsilon_1)\), \(f(\epsilon_2)\) et \(f(\epsilon_3)\) pour que la base \((\epsilon_1,\epsilon_2,\epsilon_3)\) satisfasse à la condition imposée.
Solution détaillée
Résultats acquis :
\(f\circ f=2f\)
Une base de \(Im(f)\) est \(\{v_1,v_2\}\) où \(v_1=(1,2,1)=f((0,0,1))\) et \(v_2=(1,4,-1)=f((0,1,0))\)
Une base de \(Ker(f)\) est \(\{(1,2,-1)\}\)
Les vecteurs colonnes de la matrice \(N\) sont formés avec les coordonnées des images de la base cherchée \(\mathcal B =(\epsilon_1,\epsilon_2,\epsilon_3)\), donc on cherche une base \(\mathcal B =(\epsilon_1,\epsilon_2,\epsilon_3)\) telle que \(f(\epsilon_1)=0\), \(f(\epsilon_2)=2\epsilon_2\) et \(f(\epsilon_3)=2\epsilon_3\).
Ceci montre que \(\epsilon_1\) doit être choisi dans \(Ker(f)\), et \(\epsilon_2\) et \(\epsilon_3\)dans \(Im(f)\).
Soit alors \(\epsilon_1\) non nul dans \(Ker(f)\), par exemple \(\epsilon_1=(1,2,-1)\), donc \(f(\epsilon_1)=0\).
Soit \(\epsilon_2=(1,4,-1)\) alors \(\epsilon_2=(1,4,-1)=f(0,0,1)\) et comme \(f\circ f=2f\) on en déduit que \(f(\epsilon_2)=f(f(0,0,1))=2f(0,0,1)=2\epsilon_2\).
De même soit \(\epsilon_3=(1,4,-1)\), alors \(\epsilon_3=(1,4,-1)=f((0,1,0))\) donc \(f(\epsilon_3)=f(f(0,1,0))=2f(0,1,0)=2\epsilon_3\).
De plus comme \(\epsilon_1\) détermine une base de \(Ker(f)\), comme \(\epsilon_2\)et \(\epsilon_3\)déterminent une base de \(Im(f)\), et comme \(Ker(f)\) et \(Im(f)\) sont supplémentaires, la réunion des vecteurs de ces deux bases détermine une base de \(\mathbb R^3\).
Donc \(\epsilon_1=(1,2,-1)\), \(\epsilon_2=(1,4,-1)\)et \(\epsilon_3=(1,4,-1)\)déterminent une base \(\mathcal B\) telle que \(Mat_{\mathcal B}(f)=N=\left(\begin{array}{ccc}0&0&0\\0&2&0\\0&0&2\end{array}\right)\).
Remarque : on pouvait choisir aussi pour \(\epsilon_2\) et \(\epsilon_3\) les vecteurs \(u_1=(1,3,0)\) et \(u_2=(0,-1,1)\) (qui formaient la base de \(Im(f)\) trouvée par la première méthode), ou les vecteurs de n'importe quelle base de \(Im(f)\).