Produit dans un espace d'endomorphismes (avec notion de polynôme minimal)

Partie

Soit \(E\) un espace vectoriel sur un corps \(\mathbf K\), \(\mathbf K=\mathbb R\) ou \(\mathbf K=\mathbb C\), de dimension finie \(n\) et soit \(f\) un endomorphisme non nul de \(E\), admettant au moins une valeur propre.

On note \(\textrm{Id}_E\) l'application identique de \(E\) dans lui-même.

Soit \(T\) l'application de \(\textrm{End}_\mathbf KE\) (espace vectoriel sur \(\mathbf K\) des endomorphismes de \(E\)) dans lui-même définie par :

\(\begin{array}{cccc}T :&\textrm{End}_\mathbf K(E)&\rightarrow&\textrm{End}_\mathbf K(E)\\&g&\mapsto&f\bigcirc g\end{array}\)

Question

Vérifier que \(T\) est un endomorphisme de \(\textrm{End}_\mathbf KE\).

Solution détaillée

On considère l'application T définie par :

\(T : \begin{array}{cccccccc}& \textrm{End}_K(E)\rightarrow \textrm{End}_K(E) \\ &g\rightarrow f\bigcirc g \end{array}\)

On peut tout d'abord remarquer que le composé de deux endomorphismes d'un espace vectoriel \(E\) est encore un endomorphisme de \(E\), ce qui justifie à postériori le texte (l'image de \(T\) est bien contenue dans \(\textrm{End}_K(E)\)).

Soit \(g\) et \(h\) deux endomorphismes de \(E\) et \(\alpha\) et \(\beta\) deux scalaires.

Alors \(T(\alpha g+\beta h)=f\bigcirc(\alpha g+\beta h)\).

Comme \(f\) est linéaire, on peut écrire \(f\bigcirc(\alpha g+\beta h)=\alpha(f\bigcirc g)+\beta(f\bigcirc h)\),

donc \(T(\alpha g+\beta h)=\alpha T(g)+\beta T(h)\).

Ce qui prouve que l'application \(T\) de \(\textrm{End}_KE\) dans lui-même est linéaire.

Question

Montrer que pour tout polynôme \(P\) de \(\mathbf K[X]\), on a l'égalité \(P(T)(g)=P(f)\bigcirc g\) et en déduire que \(f\) et \(T\) ont le même polynôme minimal.

Aide simple

Établir la propriété : \(\forall l\in\mathbb N^*, T^l(g)=f^l\bigcirc g\)

Solution détaillée

Soit \(P\) un polynôme de \(\mathbf K[X], P(X)=a_0+a_1X+...+a_pX^p\), et \(g\) un endomorphisme de \(E\), alors

\(P(T)(g)=(a_0\textrm{Id}_E+a_1T+...+a_pT^p)(g)=a_0g+a_1T(g)+...+a_pT^p(g)\)

Comme \(T(g)=f\bigcirc g\), on a :

\(T^2(g)=T(f\bigcirc g)=f\bigcirc(f\bigcirc g)=f^2\bigcirc g\),

et par une récurrence simple

\(\forall l\in\mathbb N^*, T^l(g)=f^l\bigcirc g\).

D'où \(P(T)(g)=P(f)\bigcirc g\).

On considère alors les polynômes minimaux de \(T\) et de \(f\), \(P_{min,T}\) et \(P_{min,f}\).

Comme, pour tout endomorphisme g de \(E, P_{min,T}(f)(g)=P_{min,T}(f)\bigcirc g\), et comme \(P_{min,T}(T)=0\) (d'après la définition du polynôme minimal), on en déduit \(P_{min,T}(f)=0\). D'où \(P_{min,T}\) est un polynôme annulateur de \(f\), il est donc divisible par le polynôme minimal de \(f\), \(P_{min,f}\).

De même, comme \(P_{min,f}(f)=0\), pour tout endomorphisme \(g\) de \(E, P_{min,f}(T)(g)=P_{min,f}(f)\bigcirc g=0\), on en déduit que \(P_{min,f}(T)=0\) et donc \(P_{min,f}\) est divisible par \(P_{min,T}\).

Comme les deux polynômes \(P_{min,T}\) et \(P_{min,f}\) sont unitaires, on a bien :

\(P_{min,T}=P_{min,f}\)

Question

Soit \(\lambda\), \(\lambda\in\mathbf K\), une valeur propre de \(f\).

  1. Justifier que \(\lambda\) est valeur propre de \(T\) et montrer qu'un endomorphisme non nul \(g\) de \(E\) est un vecteur propre de \(T\) associé à \(\lambda\) si et seulement si l'inclusion \(\textrm{Im }g\subset\textrm{ker }(f-\lambda\textrm{Id}_E)\) est vérifiée.

  2. En déduire une relation entre la dimension du sous-espace propre de \(T\) associé à \(\lambda\) et la dimension du sous-espace propre de \(f\) associé à \(\lambda\).

Aide simple
  1. Les valeurs propres d'un endomorphisme sont les racines de son polynôme minimal.

    Remarquer la propriété : \(h\bigcirc g=0\Leftrightarrow\textrm{Im}g\subset\ker h\).

  2. Montrer que le sous-espace propre de \(T\) associé à \(\lambda\) peut être identifié à l'espace vectoriel des applications linéaires de \(E\) dans \(\ker(f-\lambda\textrm{Id}_E)\).

    La dimension de \(\mathcal L(E,F)\) (espace vectoriel des applications linéaires de l'espace vectoriel \(E\) dans l'espace vectoriel \(F\)) est égale au produit \(\dim E\times\dim F\).

Solution détaillée

1. Les valeurs propres d'un endomorphisme sont les racines de son polynôme minimal. Comme \(P_{min,T}=P_{min,f}\), on en déduit que l'endomorphisme \(f\) de \(\textrm{End}_KE\) et l'endomorphisme \(T\) de ont les mêmes valeurs propres.

Un endomorphisme \(g\) non nul de \(E\) est un vecteur propre de \(T\) associé à la valeur propre \(\lambda\) si et seulement si \(T(g)=\lambda g\).

Or on a les équivalences suivantes :

\(T(g)=\lambda g\Leftrightarrow T(g)-\lambda g=(f\bigcirc g)-\lambda g=0\)

\(\Leftrightarrow (f-\lambda\textrm{Id}_E)\bigcirc g=0\)

\(\Leftrightarrow\forall u\in E, g(u)\in\ker(f-\lambda\textrm{Id}_E)\)

\(\Leftrightarrow \textrm{Im}(g)\subset\ker(f-\lambda\textrm{Id}_E)\).

Donc un endomorphisme non nul \(g\) de \(E\) est un vecteur propre de \(T\) associé à \(\lambda\) si et seulement si l'inclusion \(\textrm{Im}g\subset\ker(f-\lambda\textrm{Id}_E)\) est vérifiée.

2. Soit \(\textrm{Id}_{End_K(E)}\) l'application identique de \(\textrm{End}_KE\).

Le sous-espace propre de \(T\) associé à est \(\ker\bigg(T-\lambda\textrm{Id}_{End_{K}(E)}\bigg)\), sous-espace vectoriel de \(\textrm{End}_KE\) contenant le vecteur nul et les vecteurs propres de \(T\) associés à \(\lambda\).

Dans la question 3.a on a vu qu'un endomorphisme non nul \(g\) de \(E\) est un vecteur propre de \(T\) associé à si et seulement si l'inclusion \(\textrm{Im}g\subset\ker(f-\lambda\textrm{Id}_E)\) est vérifiée.

Donc le sous-espace propre de \(T\) associé à \(\lambda\) est l'ensemble des endomorphismes \(g\) de \(E\) vérifiant \(\textrm{Im}g\subset\ker(f-\lambda\textrm{Id}_E)\) , et peut être identifié à l'espace vectoriel \(\mathcal L(E,\ker(f-\lambda\textrm{Id}_E))\) des applications linéaires de \(E\) dans \(\ker(f-\lambda\textrm{Id}_E)\).

Or, si \(E\) et \(F\) sont des espaces vectoriels sur le corps \(\mathbf K\), de dimensions finies, la dimension \(\mathcal L(E,F)\) de est égale au produit \(\dim E\times\dim F\). On en déduit :

\(\dim[\ker(T-\lambda\textrm{Id}_{End_K(E)})]=\dim E\times\dim[\ker(f-\lambda\textrm{Id}_E)]=n\dim[\ker(f-\lambda\textrm{Id}_E)]\)

Donc la dimension du sous-espace propre de \(T\) associé à \(\lambda\) est égale au produit de la dimension de \(E\) par la dimension du sous-espace propre de \(f\) associé à \(\lambda\).

Question

Justifier que \(T\) est diagonalisable si et seulement si \(f\) est diagonalisable, et montrer que dans ce cas les polynômes caractéristiques de \(T\) et de \(f\) vérifient la relation :

\(P_{\textrm{car},T}(X)=[P_{\textrm{car},f}(X)]^n\)

Aide simple

Se servir de la relation trouvée à la question 3.b, et du résultat :

Lorsqu'un endomorphisme d'un espace vectoriel est diagonalisable, la dimension du sous-espace propre associé à une valeur propre est égale à l'ordre de multiplicité de cette valeur propre en tant que racine du polynôme caractéristique.

Solution détaillée

On sait qu'un endomorphisme d'un espace vectoriel est diagonalisable si et seulement si son polynôme minimal est scindé et a toutes ses racines simples.

Puisque l'endomorphisme \(f\) de \(E\) et l'endomorphisme \(T\) de \(\textrm{End}_{K(E)}\) ont le même polynôme minimal, on en conclut que \(f\) est diagonalisable si et seulement si \(T\) est diagonalisable.

On suppose dans la suite que \(f\) est diagonalisable. Donc \(T\) est lui aussi diagonalisable.

Un autre résultat de la théorie de la diagonalisation est le suivant :

Lorsqu'un endomorphisme d'un espace vectoriel est diagonalisable, la dimension du sous-espace propre associé à une valeur propre est égale à l'ordre de multiplicité de cette valeur propre en tant que racine du polynôme caractéristique.

Donc si on note \(\lambda_1, \lambda_2,\lambda_3\) les \(p\) valeurs propres distinctes de \(f\) (et donc de \(T\)), et \(P_{car,f}\) le polynôme caractéristique de \(f\) (\(P_{car,T}\) celui de \(T\)) on a les relations :

  • \(P_{car,f}(X)=(-1)^n(X-\lambda_1)^{m_1}(X-\lambda_2)^{m_2}...(X-\lambda_p)^{m_p}\),

    avec \(m_1+m_2+...+m_p=n\)

  • \(\forall l\in N, 1\leq l\leq p, \dim[\ker(f-\lambda_l\textrm{Id}_E)]=m_l\)

Or dans la question 3.b, on a montré que pour chaque valeur propre \(\lambda\)

\(\dim[\ker(T-\lambda\textrm{Id}_{End_K(E)})]=n\dim[\ker(f-\lambda\textrm{Id}_E)\)].

On en déduit :

  • \(\forall l\in N, 1\leq l\leq p, \dim[\ker(f-\lambda_l\textrm{Id}_{End_K(E)})]=nm_l\), et donc

  • \(P_{car,T}(X)=(-1)^{n^2}(X-\lambda_1)^{nm_1}(X-\lambda_2)^{nm_2}...(X-\lambda_p)^{nm_p}\)

(On retrouve le résultat connu \(\dim(\textrm{End}_K(E))=n^2\)).

On en conclut que les polynômes caractéristiques de \(T\) et de \(f\) vérifient la relation (lorsque \(f\) et \(T\) sont diagonalisables) :

\(P_{car,T}(X)=[P_{car,f}(X)]^n\)