Les temps de relaxation

Comme nous l'avons déjà vu pour la RMN du proton il faut distinguer deux temps de relaxation. Rappel.

Suite à l'action du champ tournant B le vecteur magnétisation macroscopique bascule d'un angle \(\theta\) de sa position initiale Mo pour se positionner en M. Son retour à sa position initiale Mo constitue le phénomène décrit par le spectre de R.M.N. Ce retour est appelé relaxation. Il est possible de décomposer la magnétisation M en deux vecteurs Mz et Mxy. Mz le long de l'axe des z est appelé magnétisation longitudinale. Mxy dans le plan xy est appelé magnétisation transversale.

Le retour de la magnétisation longitudinale Mz à la valeur d'équilibre Mo suit une cinétique du 1er ordre dont la constante de temps \(\textrm T_1\) est appelée temps de relaxation longitudinale.

La disparition de la magnétisation transversale (Mxy allant vers 0) suit une cinétique du 1er ordre dont la constante de temps \(\textrm T_2\) est appelée temps de relaxation transversale.

Une reconstitution de 95% de Mo nécessite un temps de 5 à 6 fois \(\textrm T_1\).

La relaxation longitudinale (constante de temps \(\textrm T_1\)) est liée à l'environnement moléculaire du noyau. Son étude pour les noyaux du \(\textrm{}^{13}\textrm C\) donne des informations importantes sur les mouvements moléculaires.

La relaxation transversale (constante de temps \(\textrm T_2\)) dépend de l'homogénéité du champ Bo. A une faible valeur de \(\textrm T_2\), il faut associer un "FID" court dans le temps, c'est-à-dire un signal large dépendant des fréquences.

On mesure la valeur (en Hz) de \(\textrm T_2\) à partir de la largeur à mi-hauteur \(\Delta\) d'un signal RMN.

On a \(\Delta = \frac{1}{2.\pi.T_2}\).

Alors que les valeurs de \(\textrm T_1\) et de \(\textrm T_2\) pour le noyau d'hydrogène sont voisines et de l'ordre de la seconde (notez que c'est le cas de la situation de relaxations concomitantes représentée ci-dessus). En RMN du \(\textrm{}^{13}\textrm C\) , les valeurs de \(\textrm T_1\) peuvent être nettement supérieures à celles du \(\textrm T_2\) . Certaines valeurs du \(\textrm T_1\) sont de l'ordre de la minute, ce qui a des conséquences importantes sur la spectroscopie de RMN du \(\textrm{}^{13}\textrm C\).

En effet pour le noyau de \(\textrm{}^{13}\textrm C\), la donnée nouvelle est la difficulté de relaxation longitudinale du noyau, que nous avons déjà évoquée dans la partie acquisition des spectres en RMN du \(\textrm{}^{13}\textrm C\). L'une des raisons des difficultés de relaxation du \(\textrm{}^{13}\textrm C\) est souvent, mais pas uniquement, l'absence de proton dans un proche environnement ce qui nous a très vite conduit à observer que les signaux des \(\textrm{CH}\), \(\textrm{CH}_2\), et \(\textrm{CH}_3\) étaient en général d'une intensité relative importante vis à vis des signaux de résonance des carbones non hydrogénés. Sans entrer trop dans les détails on peut dire que la relaxation longitudinale va se faire grâce à des mécanismes d'origine moléculaires reproduisant le champ \(\textrm B_1\) (artificiel) du pulse à l'origine du phénomène de RMN. Ce champ de radiofréquence est caractérisé par deux grandeurs :

  • une intensité (du champ magnétique en Tesla) importante pour \(\textrm B_1\) puisque l'on envisage de concerner tous les noyaux lors d'un très courte impulsion,

  • une variabilité ou une fréquence de variation (en MHz) proche de la fréquence de précession pour «suivre» le magnéton lors de sa précession et provoquer son basculement quantique (c'est la base des phénomènes de résonance : égalité des fréquences)

La relaxation va donc se faire par l'intermédiaire d' «équivalents moléculaires de \(\textrm B_1\)» ; on doit chercher dans l'environnement du noyau concerné des contributions caractérisées par : - des propriétés magnétiques, - de la «variabilité».

Les propriétés magnétiques seront celles de spins (électroniques ou nucléaires) nécessairement voisins, compte tenu de leurs faibles intensités, spins pris individuellement pour les noyaux de spin I non nul, par paires pour les électrons appariés, ou par regroupement d'électrons dans des circulation électroniques comme dans le cas du benzène à l'origine d'anisotropie magnétique, c'est à dire porteuse d'un champ magnétique local (à l'échelle moléculaire).

La dimension "variation" relève pour sa part de la dynamique moléculaire et donc de la température mais aussi de la taille et plus remarquable encore de la forme des molécules. Dans l'isotopomère du néopentane dont le \(\textrm{}^{13}\textrm C\) est le carbone central, le premier environnement porteur de mécanisme n'est constitué que des électrons de liaison, les 4 carbones voisins étant tous des \(\textrm{}^{12}\textrm C\). Le \(\textrm T_1\) de ce carbone dépasse la minute !!

On distingue essentiellement deux mécanisme principaux :

  • le mécanisme SR : spin (électronique) rotation : c'est lui qui intervient dans le cas précédent. C'est un mécanisme de «secours» toujours disponible puisque basé sur les électrons de liaison mais peu efficace du fait de l'appariement des spins électroniques,

  • le mécanisme dipôle-dipôle : basé sur les interactions de couplage entre spins nucléaires voisins et nettement justifié par l'observation de l'effet Overhauser (voir chapitre 1).

En effet, l'existence d'un couplage pour un noyau donné prouve bien que ce noyau «voit» le dipôle magnétique de son voisin, la constante de couplage décrivant l'importance de cette interaction. Par exemple pour les \(\textrm{}^1\textrm J \textrm{}^{13}\textrm{C-}^1\textrm H\) les valeurs du couplage variant entre 125 à 250 Hz montre bien l'importance de cette interaction. Reste à définir la variabilité ou la fréquence de changement des orientations relatives de ces deux dipôles. Elle est directement dépendante des mouvements moléculaires. Ces mouvements pour un carbone donné sont décrits par un «temps de corrélation» \(\tau_c\) qui représente le temps moyen nécessaire pour qu'un carbone effectue une rotation de 1 radian. Ainsi, la fréquence apparente des mouvements du noyau (et donc du spin qui se réaligne systématiquement avec le champ) est donnée par :

\(\nu_\textrm c=\frac{1}{2} \pi^*\tau_\textrm c\)

Les valeurs idéales de \(\tau_\textrm c\) , pour améliorer la relaxation longitudinale, sont celles pour lesquelles cette fréquence est égale ou voisine de celle du \(\textrm{}^{13}\textrm C\). Ainsi, pour un champ tel que le \(\textrm{}^{13}\textrm C\) résonne à 100 MHz, il faut un temps de corrélation de l'ordre de \(10^{-9}\textrm s\). Ce temps de corrélation est en général observé pour des molécules en \(\textrm C_{20}\) à \(\textrm C_{40}\) tels les stéroïdes. Il est remarquable d'obtenir des spectre du \(\textrm{}^{13}\textrm C\) d'excellent qualité en des temps d‘accumulation records pour les stéroïdes. Vous en connaissez désormais la raison : les déplacements (non translationnelle) de ce type de molécule se font dans le même domaine de fréquence que la fréquence d'observation de la résonance du \(\textrm{}^{13}\textrm C\). Cela rend très efficace le mécanisme dipôle-dipôle pour les carbones voisins de spin nucléaire notamment des protons soit pour \(\textrm{CH}\), \(\textrm{CH}_2\) et \(\textrm{CH}_3\).

A contrario, les petites molécules «bougent trop vite» car les temps de corrélation dépendent de la masse des molécules, mais aussi de leur «sphéricité». Le mécanisme dipôle-dipôle est alors moins actif : le spin des protons voisins est toujours perçu avec autant d'intensité mais les variations d'orientations se font à des fréquences moyennes trop éloignées de la fréquence de résonance. Ainsi pour le benzène le temps de relaxation longitudinale observé est de 29.3s ce qui explique pourquoi bien que présent de façon prépondérante les solvants donnent de signaux assez faible en RMN du \(\textrm{}^{13}\textrm C\). Leur relaxation longitudinale est médiocre.

On peut penser que les \(\textrm{CH}_3\) porteurs de 3 \(\textrm H\) profitent de 3 mécanismes concomitants, devraient donc avoir de meilleures relaxations que les \(\textrm{CH}\) et les \(\textrm{CH}_2\) . Il n'en est rien car les \(\textrm{CH}_3\) sont porteurs de la fréquence de corrélation propre à l'ensemble de la molécule (mouvement du centre de gravité) à laquelle on doit ajouter les mouvements propres au \(\textrm{CH}_3\) dus à la libre rotation. Ainsi bien souvent les \(\textrm{CH}_3\) «tournent également trop vite» ce qui affecte la qualité relative de leur signaux vis à vis des \(\textrm{CH}\) et \(\textrm{CH}_2\) .

Remarque

Nous ne développerons pas plus avant ces propriétés qui permettent au travers de la connaissances des T1 de chaque carbone d'approcher les mouvements interne et externe des molécules.

Signal des solvant deutérés

Pour finir, on peut noter que l'importance de la dépendance de l'intensité du signal à la relaxation longitudinale en RMN du \(\textrm{}^{13}\textrm C\) a des conséquences positives. Elle permet de libérer les spectres du signal, a priori conséquent, que l'on peut attendre d'un solvant carboné. Les T1 des petites molécules sont déjà très longs, (29.3 s pour les carbones du benzène) ; la nécessité de disposer d'un troisième noyau pour suivre la stabilité des champs (lock) conduit à utiliser des solvants deutérés, ce qui va supprimer le mécanisme de relaxation dipôle-dipôle reposant sur ses protons. Il en résulte une aggravation de la durée de relaxation transverse pour ces solvants deutérés, (plus de 150 s pour \(\textrm C_6\textrm D_6\) car il ne reste plus que le mécanisme SR) et donc une réduction considérable (parfois proche de la disparition) du signal du solvant. Voilà au moins un avantage à opposer à la désillusion de la perte de l'intégration.