Ordre de multiplicité d'une racine

Sur les deux exemples précédents, il est possible de faire la remarque suivante : on sait d'avance que si \(a\) est une racine dans \(K\) d'un polynôme \(P\) de \(K[X]\), le polynôme \(P\) est divisible par \(X-a\), mais il peut être divisible par une puissance de \(X-a\) strictement supérieure à 1.

C'est le cas dans l'exemple 1 mais pas dans l'exemple 2.

Cela nous conduit à l'introduction de la notion d'ordre de multiplicité d'une racine d'un polynôme.

Définitionde l'ordre de multiplicité d'une racine

Soit \(a\) une racine dans \(K\) de \(P\), où \(P\) est un polynôme non nul de \(K[X]\).

Le plus grand entier \(n\) tel que \(P\) soit divisible par \((X-a)^n\) est appelé l'ordre de multiplicité de la racine \(a\) dans \(P\).

Un tel entier existe bien car l'ensemble des entiers \(k\) tels que \((X-a)^k\) divise \(P\) est non vide ; il contient l'entier 1 puisque \(a\) est racine de \(P\) (théorème précédent), et cet ensemble est fini car majoré par le degré de \(P\). Donc il a un plus grand élément (propriété de \(N\)).

On peut traduire cette définition de la manière suivante :

Corollaire

Un entier \(n\) est l'ordre de multiplicité de la racine \(a\) d'un polynôme \(P\) si et seulement si il existe un polynôme \(Q\) appartenant à \(K[X]\), vérifiant les propriétés suivantes :

\(P(X)=(X-a)^nQ(X)\) et \(\tilde{Q}(a)\neq 0\)

Vocabulaire : Une racine d'ordre 1, est dite aussi racine simple.

Une racine d'ordre 2 (respectivement 3), est dite aussi racine double (respectivement racine triple).

Exemple

  • Si l'on reprend le polynôme de l'exemple 1, \(P(X)=(X-3)^2(X+1)\),

    on observe que \(-1\) est une racine réelle d'ordre 1, et que \(3\) une racine réelle d'ordre 2.

  • Si l'on reprend le polynôme de l'exemple 2, \(P(X)=X(X-1)(X^2+1)\),

    on voit que 0 et 1 sont toutes les deux des racines simples de \(P\) dans \(R\).

Il résulte du corollaire la proposition suivante :

Proposition

Soit \(P\) un polynôme non nul de \(K[x]\) et soient \((a_i), 1\leq i\leq m\), \(m\) racines distinctes de \(P\), d'ordre de multiplicité respectif \(k_i\).

Alors il existe un polynôme \(Q\), élément de \(K[X]\), n'admettant aucun des \(a_i\) comme racines, vérifiant l'égalité :

\(P(X)=(X-a_i)^{k_i}(X-a_2)^{k_2}\ldots(X-a_m)^{k_m}Q(X)\)

Preuveelle est immédiate, à partir des définitions ou propriétés suivantes :

  • Définition d'une racine et de son ordre de multiplicité

  • Les polynômes de la forme \((X-a)^k\) et \((X-b)^l\) avec \(a\) et \(b\) distincts, \(k\) et \(l\) étant des entiers positifs, sont premiers entre eux.

  • Un polynôme, divisible par des polynômes premiers entre eux deux à deux, est divisible par leur produit.

Corollaire(très important)

Un polynôme non nul, de degré \(n\), a au plus \(n\) racines (si l'on convient de compter une racine d'ordre \(r\) comme l'équivalent de \(r\) racines simples).

Ceci est une conséquence immédiate de la proposition et des propriétés du degré du produit des polynômes.

Illustration : Pour un polynôme du troisième degré dans \(K(X]\), les possibilités de racines dans \(K\) sont les suivantes :

aucune racine (par exemple \(X^3-2\) dans \(Q[X]\))

une racine simple (par exemple \((X-2)(X^2+1)\) dans \(R[X]\))

trois racines simples (par exemple \((X-2)(X+1)X\) dans \(R[X]\))

une racine simple et une racine double (par exemple \((X-2)(X+1)^2\)dans \(R[X]\))

une racine triple (par exemple \((X-2)^3\) dans \(R[X]\))

Remarque

la démonstration du premier exemple est basée sur le fait que \(\sqrt[3]{2}\) n'appartient pas à \(Q\). La justification est tout à fait semblable à celle que l'on fait pour montrer que \(\sqrt{2}\) n'appartient pas à \(Q\).