Vitesse absolue de réaction

L'objectif est d'établir une expression de la vitesse de la réaction à partir de la connaissance de son mécanisme réactionnel. Du fait que cette expression ne fait pas intervenir de facteur empirique, on l'appelle souvent "vitesse absolue".

La vitesse de la réaction est égale à la vitesse de formation des produits, donc à la vitesse de transformation du complexe, soit : \(\mathbf{\textrm v = k^\# . C_{\textrm{AB}^\#}}\)

\(k\#\) étant assimilable au coefficient de vitesse de la réaction de décomposition du complexe activé en produits.

Pour exprimer \(k^\#\) on doit faire appel des notions de mécanique statistique qui dépassent le cadre de ce cours. On en donnera donc ici seulement les résultats sans pouvoir en fournir les justifications.

\(k^\#\) va être estimé en considérant que la décomposition du complexe activé se fait par un mouvement similaire à une vibration interne qui se produirait suivant la coordonnée de la réaction. On peut dès lors montrer que la vitesse de la réaction s'exprime par

\(\mathbf{\textrm v=\kappa\frac{k_B.T}{h}C_{\textrm{AB}^\#}      (1)}\)

relation dans laquelle :

\(k_B\) est la constante de Boltzmann (\(k_B = \textrm{1,381}.10^{-23} \textrm{J.K}^{-1}\)),

\(h\) la constante de Planck ( \(h = \textrm{6,626}.10^{-34} \textrm{J.s}\))

et \(T\) la température absolue de réaction.

\(\kappa\) étant le facteur de transmission.

\(\kappa\) représente la proportion de molécules activées, qui franchissant le sommet de la barrière énergétique se transforment effectivement pour donner les produits de réaction. Dans la plupart des cas , ce facteur est égal à 1 (toutes les molécules activées qui franchissent le col donnent les produits). Pour simplifier l'écriture, nous ne le ferons pas figurer dans ce qui suit. Pour plus de détails sur le facteur de transmission \(\kappa\) , cliquez ici[1].

Pour évaluer \(C_{\textrm{AB}^\#}\) on peut admettre qu'il s'établit un équilibre rapide entre les réactifs et le complexe activé.

On peut donc écrire : \(\mathbf{K_\textrm C^\#=\frac{C_{\textrm{AB}^\#}}{C_\textrm A.C_\textrm B}}\)

\(K^\#_\textrm C\) étant la constante d'équilibre relative aux concentrations entre les réactifs et le complexe activé, d'où l'expression de la concentration de ce complexe : \(\mathbf{C_{\textrm{AB}^\#} = K_\textrm C^\# . C_\textrm A . C_\textrm B}\)

La vitesse de la réaction peut donc s'écrire \(\mathbf{\textrm v=\frac{k_B.T}{h}K_\textrm C^\#.C_\textrm A.C_\textrm B     (2)}\)

La loi de vitesse est donc du second ordre (ordre 1 par rapport à chaque réactif) et son coefficient de vitesse \(k\) est égal à \(\frac{k_B.T}{h}K_\textrm C^\#\).

On peut relier la constante \(K^\#_\textrm C\) à la constante thermodynamique d'équilibre \(K^\#\) entre les réactifs et le complexe activé.

En effet, \(\mathbf{K^\#=\frac{\Bigg(\frac{p_{\textrm{AB}^\#}}{p^{\circ}}\Bigg)}{\Bigg(\frac{p_\textrm A}{p^{\circ}}\Bigg).\Bigg(\frac{p_\textrm B}{p^{\circ}}\Bigg)}=\frac{p_{\textrm{AB}^\#}}{p_\textrm A.p_\textrm B}.p^{\circ}}\)

\(p^o\) étant la pression de référence (1bar), \(p_\textrm A\), \(p_\textrm B\) et \(p_{\textrm{AB}^\#}\) étant les pressions partielles de \(\textrm A\), \(\textrm B\) et \(\textrm{AB}^\#\) .

Or \(p_i = RT . \frac{n_i}{V} = RT . C_i\) d'où \(\mathbf{K^\#=\frac{C_{\textrm{AB}^\#}}{C_\textrm A.C_\textrm B}.\frac{p^{\circ}}{R.T}=K^\#_\textrm C.\frac{p^{\circ}}{R.T}    (3)}\)

La constante thermodynamique d'équilibre \(K^\#\) est reliée à l'enthalpie libre standard \(\Delta^\#G^{\circ}\) de formation du complexe activé à partir des réactifs (voir le module de Thermodynamique).

Plus simplement, on appelle aussi \(\Delta^\#G^{\circ}\) l'enthalpie libre d'activation.

En effet, la considérant l'équilibre entre les réactifs et le complexe activé : \(\mathbf{\textrm A + \textrm B\to \textrm{AB}^\#}\)

La constante thermodynamique \(K^\#\) de cet équilibre est reliée à \(\Delta^\#G^{\circ}\) par \(\Delta^\#G^{\circ} = - R.T . \ln K^\#\)

Le coefficient de vitesse \(k=\frac{k_B.T}{h}.K_\textrm C^\#\) s'écrit donc \(\mathbf{k=\frac{k_B.T}{h}.\frac{R.T}{p^{\circ}}.\exp\Big(\frac{-\Delta^\#G^{\circ}}{R.T}\Big)      (4)}\)

D'après la définition de l'enthalpie libre \(G = H - T.S\) , on peut décomposer l'enthalpie d'activation \(\Delta^\#G^{\circ}\) en un terme enthalpique et un terme entropique : \(\Delta^\#G^{\circ} = \Delta^\#H^{\circ} - T.\Delta^\#S^{\circ}\)

D'où l'expression du coefficient de vitesse \(\mathbf{k=\frac{k_B.T}{h}.\frac{R.T}{p^{\circ}}.\exp\Big(\frac{-\Delta^\#S^{\circ}}{R}\Big).\exp\Big(\frac{-\Delta^\#H^{\circ}}{R.T}\Big)      (5)}\)

Voyons comment cette expression peut être reliée à l'équation d'Arrhenius : \(k=A.\exp\Big(\frac{-E_a}{R.T}\Big)\)

en en prenant le \(\log\) et en dérivant on obtient : \(\mathbf{\frac{\partial\ln k}{\partial T}=\frac{E_a}{R.T^2}     (6)}\)

De même, en prenant le logarithme de la relation (5) et en dérivant on trouve :

\(\mathbf{\frac{\partial\ln k}{\partial T}=\frac{2}{T}+\frac{\Delta^\#H^{\circ}}{R.T^2}=\frac{2.R.T+\Delta^\#H^{\circ}}{R.T^2}     (7)}\)

En identifiant les relations (6) et (7) il vient : \(\mathbf{E_a = 2.R.T + \Delta^\#H^{\circ}      (8)}\)

d'où : \(\Delta^\#H^{\circ} = E_a - 2.R.T\)

Et l'expression du coefficient de vitesse de la réaction :

\(\mathbf{k=\frac{k_B.R.T^2}{h}.\frac{1}{p^{\circ}}.\exp(2).\exp\Big(\frac{-\Delta^\#S^{\circ}}{R}\Big).\exp\Big(\frac{-E_a}{R.T}\Big)    (9)}\)

D'où l'expression théorique du facteur de fréquence \(A\) de la relation d'Arrhenius :

\(\mathbf{A=\frac{k_B.R.T^2}{h}.\frac{1}{p^{\circ}}.\exp(2).\exp\Big(\frac{-\Delta^\#S^{\circ}}{R}\Big)        (10)}\)

On voit donc que l'énergie d'activation d'Arrhenius, qui est d'origine empirique, est reliée à l'enthalpie standard de formation du complexe activé à partir des réactifs \(\Delta^\#H^{\circ}\) (relation 8) et que l'expression théorique du facteur de fréquence fait intervenir l'entropie standard de formation du complexe activé \(\Delta^\#S^{\circ}\) (relation 10)

C'est par ces deux grandeurs que la théorie du complexe activé prend en compte la nature chimique des réactifs et de la façon dont ils réagissent, chose que ne pouvait pas faire la théorie des collisions sauf en introduisant à posteriori le facteur stérique.