Surfaces d'énergie potentielle

Pour illustrer plus précisément la notion de chemin réactionnel et d'état de transition, nous construirons la surface d'énergie potentielle dans le cas le plus simple où un atome d'hydrogène vient réagir avec une molécule de dihydrogène pour remplacer un de ces atomes.

Pour pouvoir distinguer les trois atomes participant à la réaction, nous les indicerons par les lettres \(\textrm A\), \(\textrm B\), \(\textrm C\).

La réaction considérée s'écrit :

\(\mathbf{\textrm H_\textrm A+\textrm H_\textrm B\textrm{-H}_\textrm C=\textrm H_\textrm A\textrm{-H}_\textrm B+\textrm H_\textrm C}\)

Ou encore plus simplement, pour alléger la notation :

\(\mathbf{\textrm A+\textrm{BC}=\textrm{AB}+\textrm C}\)

L'atome \(\textrm A\) peut approcher la molécule \(\textrm{BC}\) selon toutes les directions. Les calculs d'énergie montrent que l'approche de l'atome \(\textrm A\) le long de l'axe moléculaire \(\textrm{B-C}\) est la direction qui requiert le moins d'énergie. Pour simplifier nous n'envisagerons que cette direction d'approche.

Examinons les modes de vibrations dans l'état de transition :

En résumé :

Dans le cas présent, nous avons simplifié le problème en ne considérant que les positions dans lesquelles les trois atomes restent alignés.

Ceci est justifié car on peut montrer que lorsque l'atome d'hydrogène arrive ou part selon une direction différente de l'axe de la molécule de dihydrogène, la surface d'énergie potentielle est déformée et se trouve à une énergie supérieure à celle obtenue lorsque les trois atomes restent alignés. On n'a donc à considérer que les modes de vibration d'élongation (ce qui ne veut pas dire que les vibrations de déformation angulaire n'existent pas, mais qu'ils correspondent à des énergies plus élevées).

Dans la surface d'énergie potentielle les deux modes de vibration correspondent à des déplacements du point représentatif du système selon la bissectrice pour la vibration symétrique et sa perpendiculaire pour la vibration antisymétrique. Il est facile de voir que la vibration symétrique n'a pas d'influence sur la réaction considérée, tandis que la vibration antisymétrique s'effectue en quelque sorte le long du chemin réactionnel. Lorsque l'amplitude de cette vibration augmente, elle conduit à la rupture de l'état de transition et à la formation des produits de réaction ou des réactifs selon que l'élongation positive concerne la liaison \(\textrm{BC}\) ou \(\textrm{AB}\).

C'est donc la vibration antisymétrique qui permet le passage par l'état de transition.

RemarqueLe parcours sur la surface d'énergie potentielle

Le chemin réactionnel a été défini comme la suite d'états du système qui permet de passer de l'état initial (réactifs) à l'état final (produits) avec l'apport minimum d'énergie pour franchir la barrière d'énergie potentielle. Comme son nom l'indique, la surface d'énergie potentielle représente seulement l'énergie potentielle à laquelle il faut ajouter l'énergie cinétique (translation, rotation, vibration) de tous les constituants du système pour avoir son énergie totale. Si on considère le système dans son état initial (\(\textrm A + \textrm{BC}\)), la molécule \(\textrm{BC}\) a un mouvement de vibration qui lui confère une énergie cinétique de vibration. En tenant compte de ce mouvement, le point représentatif du système n'est plus fixe mais se déplace de part et d'autre de la position d'équilibre.

Si maintenant on considère l'approche des deux réactifs (\(\textrm A\) et \(\textrm{BC}\)) le long de l'axe \(\textrm{BC}\), on doit ajouter un terme d'énergie cinétique qui place le point représentatif du système à une certaine hauteur par rapport à la surface d'énergie potentielle. Au fur et à mesure que les réactifs s'approchent l'un de l'autre, la projection du point représentatif du système sur le plan va se déplacer comme sur l'animation.

Au fur et à mesure que le système "remonte" vers le col, son énergie potentielle augmente et il perd de l'énergie cinétique (ou son énergie cinétique diminue d'autant). Si l'énergie cinétique du système est suffisante, le système va pouvoir atteindre l'état de transition avec une énergie de vibration antisymétrique suffisante pour le franchir et donner les produits de réactions. Lors de la séparation des produits, le système regagne de l'énergie cinétique en perdant de l'énergie potentielle.

Si l'énergie cinétique du système n'est pas suffisante, le système ne va pas pouvoir atteindre l'état de transition. Il va donc "revenir" en arrière et les réactifs vont se séparer sans avoir réagi.

ComplémentGénéralisation

Dans la présentation ci-dessus, nous avons étudié le cas le plus simple qui soit : trois atomes identiques (d'hydrogène de surcroît), approchant l'un de l'autre selon une direction privilégiée. Cela nous a permis de définir l'énergie potentielle du système comme étant fonction de deux paramètres seulement (\(r_\textrm{AB}\) et \(r_\textrm{BC}\)) donc de représenter la surface d'énergie potentielle dans un espace à trois dimensions.

Il est alors possible de développer les calculs de mécanique quantique et de thermodynamique statistique dans le cadre de la théorie du complexe activé et d'obtenir des valeurs des coefficients de vitesse avec une bonne précision. Un premier niveau de complexité apparaît dès que l'on s'intéresse à trois atomes qui ne sont pas identiques. La surface d'énergie potentielle n'est plus symétrique mais les calculs restent possibles et les résultats dépendent de la précision de ces calculs.

Dès que l'on a à faire a des systèmes plus complexes comportant plus de trois atomes, il devient impossible de représenter la surface d'énergie potentielle. Mais les concepts développés ci-dessus restent valables. On doit donc imaginer le chemin réactionnel et le valider en effectuant des calculs ponctuels en une série de points caractéristiques de ce chemin. Un des points délicats réside dans la caractérisation de l'état de transition et de ses modes de vibration. En effet, dans l'exemple développé ci-dessus, la nature de la vibration qui est responsable du passage par l'état de transition est facile à identifier. Dans le cas de réactions faisant intervenir des réactifs plus complexes, la vibration correspondant au passage par l'état de transition peut faire intervenir de nombreux atomes et ne peut pas toujours être facilement associée à une liaison particulière. Cependant, le concept de vibration de l'état de transition s'effectuant " selon le chemin réactionnel " demeure.