Approximation de l'état quasi stationnaire
Cette approximation peut être utilisée pour l'étude de systèmes complexes faisant intervenir un ou plusieurs intermédiaires très réactifs.
Ces intermédiaires étant consommés par des réactions rapides, ils ne peuvent pas s'accumuler. Après une phase initiale de courte durée dite phase d'induction (ou période d'induction), ils atteignent une concentration qui reste faible et quasiment constante. On dit qu'on est dans un état quasi-stationnaire.
L'approximation consiste à considérer que cet état se maintient pendant la majeure partie de la réaction. On peut alors exprimer la concentration des intermédiaires dans l'état quasi-stationnaire en posant que leur vitesse de transformation est nulle.
Considérons un premier exemple relativement simple, celui d'un système constitué de trois réactions élémentaires :
\(\mathbf\displaystyle{\begin{array}{ccccccc} \textrm A+\textrm B & \to & \textrm C & \textrm{de coefficient de vitesse }k_1\\ \textrm C & \to & \textrm A+\textrm B & \textrm{de coefficient de vitesse }k_{-1} \\\textrm C+\textrm D & \to & \textrm E& \textrm{de coefficient de vitesse }k_2\end{array}}\)
Cette réaction est bien une réaction complexe.
Elle fait intervenir à la fois
des réactions opposées
\(\mathbf{\textrm A+\textrm B\to\textrm C \textrm{et} \textrm C\to\textrm A+\textrm B}\)
des réactions séries
\(\mathbf{\textrm A+\textrm B\to\textrm C \textrm{et} \textrm C+\textrm D\to\textrm E}\)
\(\textrm C\) étant le produit intermédiaire
On peut également considérer les réactions comme des réactions parallèles
\(\mathbf{\textrm C\to\textrm A+\textrm B \textrm{et} \textrm C+\textrm D\to\textrm E}\)
L'équation bilan de la réaction est
\(\mathbf{\textrm A+\textrm B+\textrm D=\textrm E}\)
En effet, lorsque la réaction est complète, le composé \(\textrm C\) sera entièrement transformé (s'il y a une quantité suffisante de \(\textrm D\) disponible).
Notons que s'il n'y a pas suffisamment de \(\textrm D\), il restera une certaine quantité de l'intermédiaire \(\textrm C\) non transformé en \(\textrm E\).
S'il est facile d'écrire le système d'équations différentielles représentatif des lois de vitesse, ce système ne peut pas s'intégrer analytiquement.
Complément : Lois de vitesses - Formes différentielles
Les vitesses de transformation de chaque espèce s'écrivent :
\(\mathbf{\frac{\textrm dC_\textrm A}{\textrm dt}=\frac{\textrm dC_\textrm B}{\textrm dt}=-k_1.C_\textrm A.C_\textrm B+k_{-1}.C_\textrm C}\)
\(\mathbf{\frac{\textrm dC_\textrm C}{\textrm dt}=k_1.C_\textrm A.C_\textrm B-k_{-1}.C_\textrm C-k_2.C_\textrm C.C_\textrm D}\)
\(\mathbf{\frac{\textrm dC_\textrm D}{\textrm dt}=-k_2.C_\textrm C.C_\textrm D}\)
\(\mathbf{\frac{\textrm dC_\textrm E}{\textrm dt}=k_2.C_\textrm C.C_\textrm D}\)
L'approximation de l'état quasi stationnaire consiste à considérer que l'intermédiaire \(\textrm C\) ne s'accumule pas, et qu'après un bref instant sa concentration peut être considérée comme constante. On peut alors écrire : \(\frac{\textrm dC_\textrm C}{\textrm dt}\approx0\) . Cet intermédiaire \(\textrm C\) est formé par la première réaction avec une vitesse égale à \(K_1.C_\textrm A.C_\textrm B\). Il est détruit par la réaction inverse avec une vitesse égale à \(K_{-1}.C_\textrm A.C_\textrm B\), ainsi que par la réaction de formation de \(\textrm E\) avec une vitesse égale à \(K_2.C_\textrm C.C_\textrm D\).
Au total, sa vitesse de transformation est donc \(\mathbf{\frac{\textrm dC_\textrm C}{\textrm dt}=k_1.C_\textrm A.C_\textrm B-k_{-1}.C_\textrm C-k_2.C_\textrm C.C_\textrm D}\).
En posant \(\frac{\textrm dC_\textrm C}{\textrm dt}\approx0\) on peut tirer l'expression de la concentration de \(\textrm C\) dans son état quasi stationnaire : \(\mathbf{C_\textrm{C,Stat}\approx\frac{k_1.C_\textrm A.C_\textrm B}{k_{-1}+k_2.C_\textrm D}}\).
La vitesse de formation du produit \(\textrm E\) est simplement égale à \(\mathbf{\frac{\textrm dC_\textrm D}{\textrm dt}=k_2.C_\textrm C.C_\textrm D}\)
Par conséquent, une fois le régime pseudo stationnaire établi, la vitesse de formation du produit s'écrit :
\(\mathbf{\frac{\textrm dC_\textrm E}{\textrm dt}=k_2.C_\textrm C.C_\textrm D\approx k_2.\frac{k_1.C_\textrm A.C_\textrm B}{k_{-1}+k_2.C_\textrm D}.C_\textrm D=\frac{k_1.C_\textrm A.C_\textrm B}{1+\frac{k_{-1}}{k_2.C_\textrm D}}}\)
On voit que la réaction n'admet pas d'ordre (puisque l'expression de la vitesse de réaction n'a pas la forme simple d'un monôme).
Cependant, selon les valeurs respectives des coefficients de vitesse, on peut se trouver dans des cas limites où des simplifications sont possibles.
1er cas limite :
\(k_2.C_\textrm D\) est négligeable devant \(k_1\).
L'expression de la vitesse se simplifie en \(\mathbf{\frac{\textrm dC_\textrm E}{\textrm dt}\approx k_2.\frac{k_1}{k_{-1}}.C_\textrm A.C_\textrm B.C_\textrm D}\).
La réaction apparaît comme étant du troisième ordre. On trouve le même résultat que si on avait appliqué l'approximation de l'équilibre rapide.
2ème cas limite :
\(k_1\) est négligeable devant \(k_2.C_\textrm D\).
L'expression de la vitesse se simplifie alors en \(\mathbf{\frac{\textrm dC_\textrm E}{\textrm dt}\approx k_1.C_\textrm A.C_\textrm B}\).
La réaction apparaît comme étant du second ordre. On trouve le même résultat que si on avait appliqué l'approximation de l'étape déterminante à la réaction.
\(\mathbf{\textrm A+\textrm B\to\textrm C}\) de coefficient de vitesse \(k_1\).
Remarque :
Bien que l'approximation de l'état quasi-stationnaire soit d'un usage très fréquent, on doit garder à l'esprit qu'elle n'est pas toujours applicable.
Si les valeurs des coefficients de vitesse sont telles que l'intermédiaire puisse s'accumuler, il ne sera pas possible de considérer que sa concentration est quasiment constante, sauf pendant le court instant où elle passe par son maximum.