Applications à la prédiction de l'affinité dans un système ligand récepteur
Les approches de type « Mutation alchimique »
La mise en œuvre de ces approches ainsi qu'une discution sur les aspects pratique est passée en revue dans la ref 1[1].
Nous avons vu que l'enthalpie libre est décrite via la fonction de partition du système considéré :
\(A=-kT\ln Q\)
Cette fonction de partition remplit le fossé entre les propriétés macroscopiques et microscopique du système. Elle peut être définie comme la somme des facteurs de Boltzmann correspondant à la répartition des particules sur leur états d'énergie accessibles.
Dans un système simple, constitué de particules indiscernables et localisées, disposées sur des états d'énergies quantifiés, on écrit :
\(Q=\frac{q^n}{N !}\quad et\quad q={\displaystyle{\sum_i}{p_i}e^{-\frac{\epsilon_i}{kT}}}\)
Dans un système plus complexe, dans lequel les particules interagissent, le concept reste identique mais nécessite de calculer les états d'énergies du système via son Hamiltonien qui est une fonction des positions \(r\) et des quantités de mouvement \(p\).
L'Hamiltonien de ce système complexe est une fonction continue et la sommation devient alors une intégrale sur l'espace des phases \(\Gamma = (r,p)\).
\(Q=\frac{1}{N !}\frac{1}{h^3N}\int...\int{e^{\frac{-H(\Gamma)}{kT}}}dr \, dp\)
Cette équation donne en principe accès à la fonction de partition, dans la mesure où elle est en principe toujours calculée (ou calculable) parfaitement. Dans le cas de systèmes bio-macro-moléculaires, l'espace des phases est bien trop complexes pour être totalement décrit avec les approches de simulations actuelles.
En fait, et heureusement, nous sommes surtout intéressés par des variations de cette fonction entre deux états que par la connaissance de sa valeur absolue.
Considérons un système typique en équilibre : \(A=B\)
Cet équilibre peut être représenté par sa constante d'équilibre, elle-même reliée à l'enthalpie libre de la réaction :
\(K=\frac{[B]}{[A]}\quad et \quad \Delta{A}=-kT\ln(\frac{Q_b}{Q_a})\)
QB et QA représentant les fonctions de partition des états A et B, respectivement.
On peut exprimer cette différence d'enthalpie libre en remplaçant chaque fonction de partition par sa définition :
\(\Delta{A}=-kT\,\ln{\frac{\int...\int{e^{\frac{-H_B}{kT}}dr \, dp}}{\int...\int{e^{\frac{-H_A}{kT}}dr \, dp}}}\)
Si l'on écrit que la différence entre les états A et B est faible, on écrit que l'état B est un état perturbé de l'état A :
\(H_B=H_A+\Delta{H}\)
On en déduit :
\(\Delta{A}=-kT\,\ln{\frac{\int...\int{{e^{\frac{-H_A}{kT}}}}{.e^{\frac{-\Delta H}{kT}}dr \, dp}}{\int...\int{e^{\frac{-H_A}{kT}}dr \, dp}}}\)
Cette dernière formule représente en fait exactement la valeur moyenne de la perturbation, calculée pour le système dans l'état A :
\(\Delta{A}=-kT\langle{e^{\frac{-\Delta H}{kT}}\rangle_A}\)
Il s'agit là de la formule de la perturbation d'enthalpie libre (ou FEP an anglais), qui représente une variation entre deux états comme une perturbation apportée à l'état initial pour former l'état final.
D'un point de vue plus général, si la différence entre les deux états est assez importante, il s'agira alors de diviser la transformation en plusieurs étapes entre \(A\) et \(B\) \((A..A_1...A_n...A_z...B)\) et de calculer le changement d'enthalpie libre entre chaque état intermédiaire puis de faire la somme.
L'approche dite “Intégration thermodynamique” est aussi basée sur le traitement des statistiques issues des simulations. On considère ici que l'énthalpie libre est une fonction paramétrique d'une valeur de couplage appelée \(\lambda\) qui décrit le passage de \(A\) à \(B\). La transition de l'état \(A\) à l'état \(B\) s'écrit alors :
\(\Delta {A}_{A\to B}\mathrm{=}A({\lambda }_{A})\mathrm{-}A({\lambda }_{B})\mathrm{=}\underset{{\lambda }_{A}}{\overset{{\lambda }_{B}}{\mathrm{\int }}}\frac{\mathit{dA}(\lambda )}{d\lambda }d\lambda\)
Cette relation peut s'écrire à partir des valeurs moyennes de la dérivée de l'Hamitonien par rapport à \(\lambda\) :
\(\Delta {A}_{A\to B}\mathrm{=}\underset{{\lambda }_{A}}{\overset{{\lambda }_{B}}{\mathrm{\int }}}{\mathrm{\langle }\frac{\mathrm{\partial }H(\lambda )}{\mathrm{\partial }\lambda }\mathrm{\rangle }}_{\lambda }d\lambda\)
L'enthalpie libre peut alors être calculée par des approches d'intégrations numériques de la dérivée de l'Hamitonien par rapport au paramètre de couplage.
L'approche MM-GBSA
L'approche s'appuie sur le traitement statistique obtenu lors de simulations à l'équilibre traitant le solvant éventuellement explicitement et d'autres traitements représentant le solvant comme un continuum diélectrique ref2[2]. L'enthalpie libre est exprimée comme la somme de plusieurs contributions :
\(G=E_{MM}+H_{rot/trans}+G_{sol}-TS\)
\(E_{MM}\) est la valeur moyenne de l'énergie calculée avec un potentiel de mécanique moléculaire (\(E_{MM}=E_{bond}+E_{angle}+E_{dihedral}+E_{vdw}+E_{coulomb}\)), \(G_{sol}\)
est l'enthalpie libre de solvatation, \(H{rot/trans}\) correspond aux 6 degrés de liberté de rotation et de translation, tirée de la théorie cinétique des gaz \(H{rot/trans}=6\times{\frac{1}{2}kT={\textrm{1,8}\,kcal.mol^{-1}}{\textrm{à 300}K}}\)
L'enthalpie libre de solvatation est calculée à partir de deux contributions. La contribution non-polaire est due à la création de la cavité et des interactions de van der Waals dans le solvant. Elle est dépendante de la surface accessible au solvant par la relation :
\(G_{SA}=\gamma{A}+\beta\)
Où \(A\) est la surface accessible au solvant, estimée en faisant rouler une bille de la taille d'une molécule de solvant sur le soluté.
\(\gamma\) et \(\beta\) sont des constantes obtenues en reproduisant des valeurs de courbes d'énergie de transfert d'alcanes en fonction de leur surface.
La contribution polaire est obtenue en utilisant l'équation de 'Born Généralisée', dans laquelle le soluté est représentée par une sphère ayant une constante diélectrique différente de celle du solvant.
\({G}_{sol-polar}=(1-\frac{1}{\epsilon }){\sum }\frac{{q}_{i}{q}_{j}}{\sqrt{r_{ij}^2+\alpha_i\alpha_j{exp-(r_{ij}^2/2\alpha_i\alpha_j)}}}\)
\(q\) et \(\alpha\) sont la charge et le rayon de Born de l'atome considéré.
La composante entropique \(S\) est calculée en utilisant une approximation harmonique et en calculant la matrice des dérivées secondes (Hessien). Une alternative est de réaliser ces calculs avec une approximation quasi-harmonique.
La différence d'enthalpie libre est alors obtenue par différence entre les 3 composantes du système :
\(\Delta{G_{bind}}=\langle{G_{complex}}\rangle\,-\,\langle{G_{prot.}}\rangle\,-\,\langle{G_{lig.}}\rangle\,\)
\(\langle G_{x}\rangle\) correspond à la moyenne de l'enthalpie libre du composé x lors de la simulations de dynamique moléculaire à l'équilibre de ce composé.
L'approche LIE (Linear Interaction Energy)
Cette approche est basée sur l'idée que lors d'une interaction entre un ligand et un récepteur, l'enthalpie peut être décomposée en une composante polaire et une autre non-polaire. La théorie de la réponse linéaire est invoquée afin d'estimer la contribution polaire (électrostatique). L'autre composante est considérée comme étant proportionnelle aux interactions intermoléculaires de type van der Waals, moyennées lors d'un échantillonnage statistique. L'enthalpie libre s'écrit alors :
\(\Delta{G_{bind}}=\alpha\Delta\,\langle{V^{vdw}_{l-s}}\rangle\,+\,\beta\Delta\,\langle{V_{l-s}^{el}}\rangle\,+\,\gamma\)
\(\langle{x}\rangle\) est la moyenne de la valeur sur une méthode d'échantillonnage statistique pour les composantes de van der Waals où électrostatique impliquant le ligand et son environnement \((l-s)\). représente la différence entre le ligand libre et lié à son récepteur. Les paramètres \(el\) représentent des paramètres optimisés à travers des comparaisons avec des résultats expérimentaux ou éventuellement calculés par des approches de premier principe.