Introduction : pourquoi les réels ?

A l'origine les mathématiques sont apparues à partir de problèmes concrets. Les nombres, en particulier, ont servi d'abord à compter (entiers naturels) puis à mesurer: il s'agit alors de représenter une longueur géométrique, une unité de longueur étant choisie. Les nombres rationnels (quotients de deux entiers) ne suffisent pas. On s'en rend compte dès l'époque de Pythagore (-560,-480) : la longueur de la diagonale d'un carré de côté1 (qu'on représente par le symbole \(\sqrt2\) ) n'est pas un rationnel.

Démonstration

Supposons que l'on ait \(\displaystyle{\sqrt2=\frac{p}{q}, (p,q)\in\mathbb N^*\times\mathbb N^*, \frac{p}{q}}\) irréductible.

Alors \(\displaystyle{2=\frac{p^2}{q^2} , \textrm{ soit }p^2=2q^2}\).

L'entier \(p\) est donc pair sinon \(p^2\) serait impair ;

d'où \(p=2h \quad(h\in\mathbb N^*) \textrm{ et }4h^2=2q^2\), donc \(q^2\) et \(q\) sont pairs.

La fraction \(\displaystyle{p}{q}\) n'est pas irréductible, ce qui est contraire à l'hypothèse.

Ainsi on peut construire un segment dont la longueur n'est pas représentée par un rationnel : le problème de la droite réelle est posé, on peut le formuler ainsi:

Étant donné une droite avec une origine et une unité de longueur (ou deux points de la droite affectés respectivement des nombres 0 et 1), on cherche à associer à tout point de la droite un nombre ou encore à représenter la droite par un ensemble de nombres. Cet ensemble de nombres est celui des réels .

D'autre part avec les entiers naturels, et avec les rationnels on calcule : on additionne (et, si cela est possible, on soustrait), on multiplie (et, si cela est possible, on divise). Les ensembles de nombres ont des structures algébriques (on y définit des opérations qui ont certaines propriétés). Sans donner la construction de ces ensembles rappelons en brièvement le principe de la méthode.

L'ensemble de base est \(\mathbb N\), ensemble des entiers naturels, il est muni de deux lois:

  • addition notée +

  • multiplication notée . ou \(\times\)

En symétrisant l'addition, ce qui revient à rendre la soustraction toujours possible, on obtient l'ensemble \(\mathbb Z\) des entiers relatifs.

De même, en symétrisant sur \(\mathbb Z^*=\mathbb Z\setminus\{0\}\) la multiplication, on obtient l'ensemble \(\mathbb Q\) des rationnels.

On remarque que, dans les deux cas, il s'agit de la même méthode: opération algébrique de symétrisation.

L'ensemble \(\mathbb Q\) est un corps commutatif .

RappelDéfinition d'un corps

On dit que un ensemble K muni des deux lois de composition internes \(+\) et . est un corps si

  • (K, +) est un groupe abélien,

  • la loi . est associative, commutative, unitaire, distributive sur +,

  • tout élément différent de l'élément neutre de + admet un inverse.

Exemple

  • les corps de nombres \(\mathbb Q\), \(\mathbb R\), et \(\mathbb C\) pour l'addition et la multiplication habituelles

  • les corps finis \(F_p\) pour les opérations déduites de celles de \(\mathbb Z\) par passage au quotient.

D'autre part les entiers naturels servent à ordonner (premier, second,..) ; la relation d'ordre sur \(\mathbb N\) se prolonge sur \(\mathbb Z\) puis sur \(\mathbb Q\). Cette relation d' ordre (total) notée \(\leq\) est compatible avec la structure de corps.

RappelRappel de la définition de la relation d'ordre

La relation d'ordre \(\leq\) est compatible avec la structure algébrique (corps) de \(\mathbb Q\).

ce qui signifie:

  1. \(\forall x\in\mathbb Q,\forall y\in\mathbb Q,\forall z\in\mathbb Q\;x\leq y\iff x+z\leq y+z\)

    en particulier \(\displaystyle x\leq y\iff y-x\geq 0\)

  2. \(\forall x\in\mathbb Q,\forall y\in\mathbb Q,\forall z\in\mathbb Q_+^*\;x\leq y\iff xz\leq yz\)

La construction de \(\mathbb R\) est une opération plus difficile, il existe plusieurs méthodes suivant que l'on cherche à combler l'une ou l'autre des "lacunes" \(\mathbb Q\). On admet ici l'existence de \(\mathbb R\), on en donne les propriétés fondamentales : propriétés algébriques, propriétés de l'ordre total (ces propriétés sont liées par la condition de compatibilité), propriétés topologiques. Des propriétés de la relation d'ordre se dégage le concept de borne supérieure , des propriétés topologiques celui de voisinage. Il s'agit de notions qui sont à la base de l'étude des suites comme de l'étude locale des fonctions. Notons l'importance, théorique et pratique, du fait que \(\mathbb Q\) est dense dans \(\mathbb R\).

L'ensemble \(\mathbb R\) n'en a pas moins des "lacunes", ainsi l'équation \(x^2+1=0\) n'a pas de racines réelles; d'où la nécessité de construire \(\mathbb C\) (construction algébrique exclusivement).