Généralités
Définition : forme bilinéaire
Soient \(E\) et \(F\) deux espaces vectoriels sur \(\mathbb{K}\) (\(\mathbb{K} = \mathbb{R}\) ou \(\mathbb{K} = \mathbb{C}\)).
Une forme bilinéaire sur \(E \times F\) est une application \(f\) de \(E \times F\) dans \(\mathbb{K}\), telle que :
pour \(x\) fixé dans \(E\), l'application \(y \mapsto f(x,y)\) est une forme linéaire sur \(F\), c'est-à-dire une application linéaire de \(F\) dans \(\mathbb{K}\).
pour \(y\) fixé dans \(F\), l'application \(x \mapsto f(x,y)\) est une forme linéaire sur \(E\), c'est-à-dire une application linéaire de \(E\) dans \(\mathbb{K}\).
Exemple :
Soit \(F\) l'espace vectoriel des applications linéaires de \(E\) dans \(\mathbb{K}\) (autrement dit l'espace des formes linéaires).
L'application de \(E \times F\) dans \(\mathbb{K}\) qui à \((x,f)\) associe \(f(x)\) est une forme bilinéaire.
Dans toute la suite on va supposer que \(E = F\).
Vocabulaire : Si \(E = F\), on parle de forme bilinéaire sur \(E.\)
Exemple :
Forme bilinéaire sur \(\mathbb{K}\)
Soit \(E = \mathbb{K}\). Soit \(a\) un élément de \(\mathbb{K}\) et \(f\) l'application de \(\mathbb{K} \times \mathbb{K}\) dans \(\mathbb{K}\) définie par : \((x,y) \mapsto axy.\)
C'est une forme bilinéaire sur \(\mathbb{K}\).
Réciproquement toutes les formes bilinéaires sur \(\mathbb{K}\) sont de ce type. En effet, soit \(f\) une forme bilinéaire sur \(\mathbb{K}\).
Alors, pour tout \((x,y)\) de \(\mathbb{K} \times \mathbb{K}\), \(f(x,y) = xf(1,y)\) (linéarité par rapport à la première variable).
Or \(f(1,y) = yf(1,1)\) (linéarité par rapport à la deuxième variable).
D'où : \(f(x,y) = xy(1,1).\)
En posant \(a = f(1,1)\) qui est bien un scalaire, il vient \(f(x,y) = axy.\)
Soit \(E = \mathbb{R}^{2}\) et \(f\) l'application de \(E \times E\) dans \(\mathbb{R}\) définie pour tout \(x = (x_{1},x_{2})\) et \(y = (y_{1},y_{2})\) de \(\mathbb{R}^{2}\) par
\(f(x,y) = x_{1}y_{1} - 2x_{2}y_{1} + 2x_{1}y_{2} - x_{2}y_{2}\)C'est une forme bilinéaire sur \(\mathbb{R}^{2}\) (vérification immédiate).
Définition : forme bilinéaire symétrique
Soit \(E\) une espace vectoriel sur \(\mathbb{K}\).Une forme bilinéaire \(f\) sur \(E\) est dite symétrique si :
\(\forall(x,y) \in E^{2}, f(x,y) = f(y,x)\)
Exemple :
Forme bilinéaire symétrique sur \(\mathbb {K}\)
D'après l'exemple précédent, toute forme bilinéaire sur \(E\) est de la forme \(f\): \((x,y) \mapsto axy.\) Or il est immédiat que \(f\) vérifie \(f(x,y) = f(y,x).\) Donc toute forme bilinéaire sur \(\mathbb{K}\) est symétrique.
Soit \(E = \mathbb{K}^{2}\). L'application de \(\mathbb{K}^{2} \times \mathbb{K}^{2}\) dans \(\mathbb {K}\) qui à \(((x,y),(x',y'))\) associe \(xx' + yy'\) est une forme bilinéaire symétrique.
Soit \(E\) l'espace vectoriel des fonctions continues de \([0,1]\) dans \(\mathbb{R}.\) L'application \(\varphi\) de \(E \times E\) dans \(\mathbb{K}\) définie par : \((h,g)\mapsto\int_{0}^{1} h(t) g(t) dt\) est une forme bilinéaire symétrique sur \(E.\)
Soit \(f\) une forme bilinéaire quelconque sur \(E.\) Alors il est facile de vérifier que l'application de \(E \times E\) dans \(\mathbb{K}\) définie par : \((x,y) \mapsto \frac{1}{2} \big[f(x,y) + f(y,x)\big]\) est une forme bilinéaire symétrique.
Soit \(E = \mathbb{R}^{2}\) et \(f\) l'application de \(\mathbb{R}^{2} \times \mathbb{R}^{2}\) dans \(\mathbb{R}\) définie pour tout \(x = (x_{1},x_{2})\) et \(y = (y_{1},y_{2})\) de \(\mathbb{R}^{2}\) par
\(f(x,y) = x_{1}y_{1} - 2x_{2}y_{1} + 2x_{1}y_{2} - x_{2}y_{2}\)
On a déjà vu au paragraphe précédent que c'est une forme bilinéaire sur \(\mathbb{R}^{2}.\) Ce n'est pas une forme bilinéaire symétrique sur \(\mathbb{R}^{2}.\) En effet soit \(x = (1,0)\) et\( y = (0,1).\)
Alors \(f(x,y) = 2\) et \(f(y,x) = -2.\)
Définition : forme bilinéaire antisymétrique
Soit \(E\) une espace vectoriel sur \(\mathbb{K}.\)Une forme bilinéaire \(f\) sur \(E\) est dite antisymétrique si: \(\forall (x,y) \in E^{2}, f(x,y) = - f(y,x)\)
Il est facile de démontrer que cette propriété est équivalente à \(\forall x \in E, f(x,x) = 0\)
Démonstration : Démonstration de l'équivalence
Il s'agit donc de démontrer que, si \(f\) est une forme bilinéaire, les propriétés suivantes sont équivalentes :
\(\textrm{i}\). \(\forall (x,y) \in E^{2} , f(x,y) = - f(y,x)\)
\(\textrm{ii}\). \(\forall x \in E, f(x,x) = 0\)
\((\textrm{i}) \Rightarrow (\textrm{ii})\) :
Soit \(x\) un élément quelconque de \(E.\) En appliquant \((\textrm{i})\) au couple \((x,x)\) on obtient \(f(x,x) = - f(x,x).\)
Comme le corps de base est \(\mathbb{R}\) ou \(\mathbb{C}\), cela entraîne \(f(x,x) = 0.\)
\((\textrm{ii}) \Rightarrow (\textrm{i})\)
Soient \(x\) et \(y\) deux éléments de \(E.\) Considérons \(f(x+y,x+y).\)
D'une part en utilisant la propriété \((\textrm{ii}),\) on obtient \(f(x+y,x+y) = 0.\)
D'autre part, en utilisant l'hypothèse \(f\) bilinéaire on peut développer \(f(x+y,x+y)\) et on obtient :
\(f(x+y,x+y) = f(x,x) + f(x,y) + f(y,x) + f(y,y).\)
Or en utilisant \((\textrm{ii})\) il vient \(f(x,x) = f(y,y) = 0.\)
Donc ces calculs conduisent à l'égalité : \(f(x,y) + f(y,x) = 0.\)
D'où le résultat.
Exemple :
Soit \(E = \mathbb{K}^{2}.\) L'application de \(\mathbb{K}^{2} \times \mathbb{K}^{2}\) dans \(\mathbb{K}\) qui à \(((x,y),(x',y'))\) associe \(xy' - x'y\) est une forme bilinéaire antisymétrique.
Soit \(E\) un espace vectoriel de dimension 2 et \(B = (e_{1},e_{2})\) une base de \(E.\) L'application de \(E^{2}\) dans \(\mathbb{K}\) définie par : \((V_{1},V_{2}) \mapsto \textrm{det}_{B}(V_{1},V_{2})\)
est une forme bilinéaire antisymétrique.
Reprenons l'exemple déjà étudié précèdemment.
Soit \(E = \mathbb{R}^{2}\) et \(f\) la forme bilinéaire sur \(\mathbb{R}^{2}\) définie pour tout \(x = (x_{1},x_{2})\) et \(y = (y_{1},y_{2})\) de \(\mathbb{R}^{2}\) par \(f(x,y) = x_{1}y_{1} - 2x_{2}y_{1} + 2x_{1}y_{2} - x_{2}y_{2}\)
On a vu que ce n'est pas une forme bilinéaire symétrique. Ce n'est pas non plus une forme bilinéaire antisymétrique sur \(\mathbb{R}^{2}.\) En effet soit \(x = (1,0)\) et \(y = (1,1).\) Alors \(f(x,y) = 3\) et \(f(y,x) = -1.\)
Ce dernier exemple montre qu'il y a des formes bilinéaires qui ne sont ni symétriques ni antisymétriques. Il existe cependant un lien de structure fort entre ces différentes notions. Cela fait l'objet du paragraphe suivant.