Methodes intégrales

Comme leur nom l'indique, les méthodes intégrales de vérification de l'ordre reposent sur l'utilisation des lois de vitesse sous leurs formes intégrées. Pour ce faire, on peut utiliser l'expression du temps de demi-vie ou la relation entre la concentration d'un réactif ou d'un produit en fonction du temps .

Donc, deux possibilités :

  • utilisation des temps de demi-vie \(t_{\frac12}\) (ou période)

  • utilisation de la relation \(C = f (C_0, t)\)

Utilisation des temps de demi-vie t1/2 (ou période)

L'expression du temps de demi-vie dépend de l'ordre de la réaction.

  • Pour une réaction d'ordre 1

Le temps de demi-vie se calcule par \(\mathbf{t_{\frac12}=\frac{\ln2}{k}}\).

Sa valeur est donc indépendante de la concentration du réactif choisi pour le mesurer. On peut le vérifier en faisant plusieurs expériences avec des concentrations initiales différentes, ou avec une seule expérience en relevant plusieurs intervalles de temps correspondant à la division par deux de la concentration en réactif.

  • Pour une réaction d'ordre 2

Le temps de demi-vie se calcule par \(\mathbf{t_{\frac12}=\frac{1}{k.C}}\).

Sa valeur est donc inversement proportionnelle à la concentration du réactif choisi pour le mesurer.

Attention

L'ordre d'une réaction n'est pas toujours un nombre entier, de plus toutes les réactions n'admettent pas un ordre. Il y a donc des cas pour lesquels aucune des relations déduites des lois de vitesse correspondant à des ordres simples ne s'appliquent.

ExempleUtilisation de périodes successives

Considérons à nouveau l'exemple de la décomposition en phase gazeuse du pentoxyde de diazote \(\textrm N_2\textrm O_5\) en dioxyde d'azote \(\textrm{NO}_2\) et dioxygène \(\textrm O_2\), vu précédemment. L'équation bilan s'écrit :

\(\mathbf{2. \textrm N_2\textrm O_5 = 2. \textrm{NO}_2 + \textrm O_2}\)

En considérant l'expérience réalisée avec une concentration initiale de 0,04 mol.L-1 :

ExempleUtilisation de périodes déterminées sur plusieurs expériences

Considérons maintenant un autre exemple, celui de la décomposition thermique du bromure de nitrosyle \(\textrm{NOBr}\) :

\(\mathbf{\textrm{NOBr} (\textrm g) = \textrm{NO} (\textrm g) + \frac{1}{2}. \textrm O_2 (\textrm g)}\)

La réaction s'effectue en phase gazeuse.

Puisqu'il y a variation du nombre de moles, on peut suivre la réaction en relevant la variation de pression totale en opérant dans un récipient de volume fixe.

Soit \(P_0\) la pression initiale de \(\textrm{NOBr}\), lorsque la moitié de la quantité initiale aura réagit,

les pressions partielles des constituants seront respectivement : \(\mathbf{p_\textrm{NOBr} = \frac{P_0}{2}}\), \(p_\textrm{NO} = \frac{P_0}{2}\) et \(p_{\textrm O_2} = \frac{P_0}{4}\)

et la pression totale : \(\mathbf{P_t = P_0 + \frac{P_0}{4} = \frac{5.P_0}{4}}\)

Il est donc facile de déterminer la période, c'est le temps nécessaire pour que la pression totale passe de la valeur de la initiale \(P_0\) à la valeur \(\frac{5.P_0}{4}\).

En effectuant différentes expériences avec des pressions initiales différentes (donc des concentrations initiales \(C_0\) différentes), on a trouvé les valeurs suivantes :

Expérience n°

I

II

III

IV

C0 mol.L-1

0.02

0.04

0.06

0.08

t1/2 s

27

13

9

7

Il est facile de voir que le temps de demi-vie n'est pas constant. La réaction n'obéit donc pas à une loi d'ordre 1.

Voyons si elle est d'ordre 2. Pour cela il faut vérifier si \(\mathbf{t_{\frac12}=\frac{1}{k .C_0}}\).

On peut le faire de manière numérique, en calculant la valeur de \(k\) pour chaque expérience,

ou de manière graphique en portant les points de coordonnées \(t_{\frac12} , \frac{1}{C_0}\).

Solution numérique :

Pour les 4 expériences effectuées, on trouve :

Expérience n°

I

II

III

IV

C0 mol.L-1

0.02

0.04

0.06

0.08

t1/2 s

27

13

9

7

k mol-1.L.s-1

1.85

1.92

1.85

1.79

Les valeurs calculées pour chaque expérience sont sensiblement constantes. On peut donc considérer que la réaction suit bien une loi d'ordre deux et calculer la valeur moyenne du coefficient de vitesse \(\mathbf{k_\textrm{moyen} = \textrm{1,85 mol}^{-1}\textrm{.L.s}^{-1}}\).

Solution graphique :

On calcule \(\frac{1}{C_0}\) et on porte les points \(t_{\frac12} , \frac{1}{C_0}\) sur un graphique.

Utilisation de la relation C = f (C0, t)

Chaque loi de vitesse conduit, par intégration à une relation différente \(\mathbf{C = f (C_0, t)}\).

Les cas des ordres simples entiers sont rappelés dans le tableau suivant :

Ordre 0

Forme différentielle

\(V = -\frac{dC_A}{dt} = k\)

Forme intégrée

\(C_A = C_{A,0} - kt\)

Ordre 1

A = P

Forme différentielle

\(V = -\frac{dC_A}{dt} = k.C_A\)

Forme intégrée

\(C_A = C_{A,0}.exp^{-kt}\)

\(lnC_A = ln C_{A,0} - kt\)

\(ln \frac{C_{A,0}}{C_A} = kt\)

Ordre 2

A = P

Forme différentielle

\(V = -\frac{dC_A}{dt} = k.C_A^2\)

Forme intégrée

\(\frac{1}{C_A} = \frac{1}{C_{A,0}} + kt\)

Ordre 2

2A = P

Forme différentielle

\(V = -\frac{1}{2}\frac{dC_A}{dt} = k.C_A^2\)

Forme intégrée

\(\frac{1}{C_A} = \frac{1}{C_{A,0}} + 2kt\)

Ordre 2

A + B = P

CA,0 = CB,O

Forme différentielle

\(-\frac{dC_A}{dt} =-\frac{dC_B}{dt} =k.C_A.C_B= k.C_A^2\)

Forme intégrée

\(\frac{1}{C_A} = \frac{1}{C_{A,0}} + kt\)

Ordre 2

A + B = P

CA,0 \(\neq\) CB,0

Forme différentielle

\(-\frac{dC_A}{dt} =-\frac{dC_B}{dt} =k.C_A.C_B\)

Forme intégrée

\(ln\frac{C_{A,0}.C_B}{C_{B,0}.C_A}\) \(= (C_{B,0} - C_{A,0}).k.t\)

Lorsqu'on dispose des valeurs des concentrations mesurées à différents instants, on essaiera les expressions intégrées correspondant aux différents cas, pour voir si une d'entre elles rend convenablement compte des observations. Pour cela, on peut procéder de manière numérique ou de manière graphique.

  • La vérification numérique consiste à calculer la valeur de \(k\) pour chaque point et à s'assurer que ces valeurs sont sensiblement constantes.

    Si c'est le cas, la loi de vitesse correspondante est vérifiée, et on pourra faire la moyenne des valeurs calculées pour obtenir une valeur plus précise du coefficient de vitesse.

    Si ce n'est pas le cas, et en particulier si les valeurs obtenues montrent une dérive systématique avec le temps, il faut rejeter la loi de vitesse considérée et en tester une autre.

  • La vérification graphique consiste à transformer l'expression intégrée pour la mettre sous la forme de l'équation d'une droite. On porte alors les points ainsi transformés dans un graphique et on vérifie qu'ils sont bien alignés.

    Si c'est le cas, la loi de vitesse correspondante est vérifiée et on pourra déterminer la valeurs du coefficient de vitesse à partir du coefficient directeur de la droite.

    Si ce n'est pas le cas, et en particulier si les points obtenus s'écartent systématiquement de la droite moyenne que l'on pourrait tracer, il faut rejeter la loi de vitesse considérée et en tester une autre.

Attention

Les choses ne sont pas toujours aussi simples.

En particulier, il faut se rappeler que toutes les réactions n'admettent pas un ordre. Dans ce cas, aucune des expressions intégrées correspondant à des ordres simples ne peut convenir. D'autre part, pour que la vérification soit probante, il faut que les points expérimentaux soient bien choisis.

A ce propos, voyez l'exemple ci-dessous et reportez vous ensuite à l'exercice : "Difficultés pour déterminer un ordre" dans la partie S'exercer-Approche formelle-Difficultés.

Exemple