Influence de la complexation sur la solubilité de certains composés ioniques

Si les ions libérés lors de la dissolution dans l'eau d'un composé ionique peuvent réagir avec le solvant par des réactions acido-basiques, ces ions peuvent également être impliqués dans des réactions de types différents, comme par exemple des réactions de complexation[1]. L'existence de ces réactions ayant pour conséquence de modifier la concentration des ions libérés, ces réactions vont également modifier la solubilité d'un composé.

Disparition d'un précipité d'hydroxyde de cuivre en présence d'ammoniac

L'addition d'une solution concentrée d'ammoniac \(\textrm{NH}_3\) à un milieu dans lequel on observe un précipité[2] d'hydroxyde de cuivre(II) \(\textrm{Cu(OH)}_2 \textrm{(s)}\) a pour conséquence la disparition du précipité et le changement de couleur de la solution :

Précipitation de l'hydroxyde de cuivre et redissolution par complexation

Cette disparition du précipité s'explique par l'existence de la réaction :

\(\textrm{Cu}^{2+}+4.\textrm{NH}_3\rightleftarrows\textrm{Cu}(\textrm{NH}_3)_4^{2+}\textrm{ }K\gg1\)

qui entraîne une diminution considérable des la concentration des ions \(\textrm{Cu}^{2+}\) ; de ce fait, le quotient réactionnel \(\textrm Q\) associé à la réaction

\({\textrm{Cu}(\textrm{OH})_2}_{(s)}\rightleftarrows\textrm{ Cu}^{2+} + 2.\textrm{OH}^-\textrm{ }K = K_s \textrm{ , }Q = [\textrm{Cu}^{2+}].[\textrm{OH}^-]^2\)

diminue considérablement jusqu'à devenir inférieur à \(\textrm K_\textrm s\) avec pour conséquence la disparition totale du solide \(\textrm{Cu (OH)}_2\)(s). Le changement de couleur de la solution correspond au remplacement des ions \(\textrm{Cu}_{2+}\), bleu pâle, par le complexe \(\textrm{Cu (NH3)}_4^{2+}\), bleu foncé intense dit « bleu céleste ».

Précipitation et redissolution des hydroxydes métalliques

Les hydroxydes solides de certains métaux précipitent en milieu neutre ou faiblement basique et « disparaissent » en milieu basique concentré ! Ces hydroxydes sont appelés des hydroxydes amphotères car ils peuvent réagir à la fois comme des acides et comme des bases ; ainsi, l'hydroxyde \(\textrm{M(OH)}_\textrm x\) du métal \(\textrm M\) sera amphotère s'il réagit avec l'eau suivant une réaction du type :

\(\textrm M(\textrm{OH})_{\textrm x}+\textrm{y.H}_2\textrm O\rightleftarrows\textrm{ M}(\textrm{OH})_{\textrm x+\textrm y}^{\textrm y-}+\textrm{y.H}^+\)

et s'il réagit avec les ions hydronium suivant une réaction du type :

\(\textrm M(\textrm{OH})_{\textrm x}+\textrm{x.H}_3\textrm O^+\rightleftarrows\textrm{ M}^{\textrm x+}+(\textrm x+2).\textrm H_2\textrm O\)

Les ions \(\textrm{Zn}^{2+}\) et \(\textrm{Al}^{3+}\) vont former des hydroxydes amphotères contrairement aux ions \(\textrm{Fe}^{2+}\) et \(\textrm{Fe}^{3+}\) :

Précipitation de l'hydroxyde d'aluminium et redissolution par complexation

Les ions \(\textrm{Zn}^{2+}\) réagissent avec les ions hydroxyde d'une solution suivant la réaction :

\(\textrm{Zn}^{2+}+2.\textrm{OH}^-\rightleftarrows{\textrm{ Zn}(\textrm{OH})_2}{(s)}\textrm{ }K_1=\frac{1}{K_s}=10^{\textrm{16,9}}\)

Tant que le quotient réactionnel \(\textrm Q_1 = [\textrm{Zn}^{2+}].[\textrm{OH}^-]^ 2< K_s\) le précipité n'apparaît pas ; lorsque la concentration des ions hydroxyde est suffisante, c'est à dire au delà d'un certain \(\textrm{pH}\) on observe le précipité. Si l'on augmente encore le \(\textrm{pH}\), par exemple en ajoutant une quantité notable de base forte très soluble comme la soude \(\textrm{Na}^++\textrm{OH}^-\) ,une nouvelle réaction supplante le processus de précipitation :

\(\textrm{Zn}^{2+}+4.\textrm{OH}^-\rightleftarrows\textrm{ Zn}(\textrm{OH})_4^{2-}\textrm{ }K_2=10^{\textrm{15,5}}\)

Considérons une solution contenant des ions \(\textrm{Zn}^{2+}\) totalement dissous (en milieu acide) à la concentration de 0,010 mol.L-1 et ajoutons une solution de soude concentrée à cette solution ; la solubilité \(\textrm s\) du zinc va correspondre à la somme des concentrations des espèces solubles, c'est à dire \(\textrm s = [\textrm{Zn}^{2+}] + [\textrm{Zn}(\textrm{OH})_4^{2-}]\).

Dès l'apparition du précipité \(\textrm{Zn(OH)}_2\)(s), la relation \(\textrm K_\textrm s = [\textrm{Zn}^{2+}].[\textrm{OH}^-]^2\) est vérifiée ; de même, la présence de la réaction 2,

\(\textrm{Zn}^{2+}+4.\textrm{OH}^-\rightleftarrows\textrm{ Zn}(\textrm{OH})_4^{2-}\)

implique l'existence de la relation : \(\textrm Q_2=\textrm K_2=\frac{[\textrm{Zn}(\textrm{OH})_4^{2-}]}{[\textrm{Zn}^{2+}].[\textrm{OH}^-]^4}\)

On en déduit : \([\textrm{Zn}^{2+}]=\frac{\textrm K_\textrm s}{[\textrm{OH}^-]^2}=\frac{\textrm K_\textrm s.\textrm h^2}{{\textrm K_\textrm e}^2}\)

en notant : \(\textrm h=[\textrm H_3\textrm O^+]\) et \([\textrm{Zn}(\textrm{OH})_4^{2-}]=\frac{\textrm K_2.\textrm K_\textrm s.{\textrm K_\textrm e}^2}{\textrm h^2}\) soit

\(s=[\textrm{Zn}^{2+}]+[\textrm{Zn}(\textrm{OH})_4^{2-}]=\frac{\textrm K_\textrm s.\textrm h^2}{{\textrm K_\textrm e}^2}+\frac{\textrm K_2.\textrm K_\textrm s.{\textrm K_\textrm e}^2}{\textrm h^2}\)

Solubilité s de l'hydroxyde de zinc en fonction du pH

Les deux courbes ci-dessus représentent l'évolution de la quantité d'hydroxyde de zinc dissout dans un litre de solution en fonction du \(\textrm{pH}\) lorsque la concentration en ion \(\textrm{Zn}^{2+}\) est au maximum 0,01 mol.L-1. On constate que l'hydroxyde précipite pour un \(\textrm{pH}\) supérieur à 6,5 et se redissout totalement lorsque le \(\textrm{pH}\) devient supérieur à 13,7. La courbe rouge présentée en échelle logarithmique permet de constater que la quantité de précipité de \(\textrm{Zn(OH)}_2\) est maximale pour \(\textrm{pH}= 10\).