Problème réciproque

Soient \(E\) et \(\mathcal F\) deux espaces vectoriels de même dimension égale à \(n,\mathcal B_E\) et \(\mathcal B_F\) des bases de \(E\) et \(\mathcal F\) respectivement.

Soit \(\phi\) une application linéaire de \(E\) dans \(\mathcal F\) dont la matrice par rapport aux bases et est inversible. Peut-on en déduire que \(\phi\) est un isomorphisme ?

Soit \(\mathcal A\) la matrice associée à \(\phi\) par rapport aux bases \(\mathcal B_E\)  et\( \mathcal B_F\).

C'est une matrice carrée d'ordre \(n\) inversible. Cela signifie qu'il existe une matrice \(\mathcal A'\), carrée d'ordre \(n\), telle que \(\mathcal{AA'}=\mathcal{A'A}=\mathcal I_n\).

On peut considérer l'application linéaire \(\phi'\) de \(\mathcal F\) dans \(E\) dont la matrice dans les bases\( \mathcal B_F\)  et \(\mathcal B_E\) est égale à \(\mathcal A'\).

Alors l'égalité \(\mathcal{AA'}=\mathcal{A'A}=\mathcal I_n\) peut s'écrire :

\([\phi']_{\mathcal B_F}^{\mathcal B_E}[\phi]_{\mathcal B_E}^{\mathcal B_F}=[\phi]_{\mathcal B_E}^{\mathcal B_F}[\phi']_{\mathcal B_F}^{\mathcal B_E}=\mathcal I_n\)

Or, on sait que la matrice associée à l'application identique d'un espace vectoriel de type fini sur lui-même est la matrice unité à condition de prendre la même base sur l'espace de départ et d'arrivée. Donc la matrice \(\mathcal I_n\) peut être considérée soit comme la matrice de l'identité de\( E\) par rapport à la base \(\mathcal B_E\), soit comme la matrice de l'identité de \(\mathcal F\) par rapport à la base \(\mathcal B_F\).

Compte tenu du théorème vu au début de cette ressource, cela implique :

\([\phi'\circ\phi]_{\mathcal B_E}=[\mathcal Id_E]_{\mathcal B_E}\textrm{ et }[\phi\circ\phi']_{\mathcal B_F}=[\mathcal Id_F]_{\mathcal B_F}\)

Or, des bases étant choisies, l'application qui à une application linéaire associe sa matrice par rapport à ces bases, est une bijection donc est en particulier injective.

En fait, ici c'est l'injectivité de l'application construite dans ce théorème qui est utilisée. Il est toutefois intéressant de revoir la propriété dans sa globalité.

ThéorèmeThéorème d'isomorphisme entre \mathcal L(E ,\mathcal F) \textrm{ et }\mathcal M_{\textrm{dimF,dimE}}(\mathbf K)

Soient \(E \textrm{ et }\mathcal F\) deux espaces vectoriels de type fini ; soit \(p\) la dimension de\( E\) et \(n\) celle de \(\mathcal F\).

Les espaces vectoriels \(\mathcal L(E ,\mathcal F)\) et \(\mathcal M_{n,p}(\mathbf K)\) et sont isomorphes.

Pour prouver ce théorème, on a construit effectivement un isomorphisme entre ces deux espaces vectoriels.

RappelRappel des différentes étapes de la construction

On a une application naturelle entre \(\mathcal L(E ,\mathcal F)\) et \(\mathcal M_{n,p}(\mathbf K)\)

En effet, si p et n sont les dimensions de \(E\) et \(\mathcal F\) respectivement, on choisit une base de \(E,\mathcal B_E=(e_1,e_2,\cdots,e_p)\) et une base de\( \mathcal F,\mathcal B_F=(f_1,f_2,\cdots,f_n)\). On sait qu'étant donnée une application linéaire \(h \textrm{ de }E\) dans \(\mathcal F\), il y a unicité de la matrice associée à \(h\) par rapport aux bases choisies.

Alors, \(h\mapsto[h]_{\mathcal B_E}^{\mathcal B_F}\) est une application de \(\mathcal L(E ,\mathcal F)\) dans \(\mathcal M_{n,p}(\mathbf K)\).

Cette application est linéaire ; on la note \(\mathcal L\).

On démontre que \(\mathcal L\) est une bijection

L'outil essentiel pour ce qui suit est la propriété suivante :

Une application linéaire définie sur un espace de dimension finie est déterminée de façon unique par les images des vecteurs d'une base.

Soit \(h\) un élément de appartenant au noyau de \(\mathcal L\).

Cela signifie que\( \mathcal A=(a_{i,j})=[h]_{\mathcal B_E}^{\mathcal B_F}\) est la matrice nulle, soit :

\(\forall(i,j)\in\{1,2,\cdots,n\}\times\{1,2,\cdots,p\},a_{i,j}=0\)

Or\( \displaystyle{\forall j\in\{1,2,\cdots,p\},h(e_j)\sum_{i=1}^{i=n}a_{i,j}f_i,}\) alors \(\forall j\in\{1,2,\cdots,p\},h(e_j)=0\)

Donc, d'après la propriété rappelée ci-dessus, \(h\) est l'application linéaire nulle. Ceci prouve que\( \mathcal L\) est injective. Pour démontrer que \(\mathcal L\) est surjective, on considère une matrice quelconque dans \(\mathcal{M}_{n,p}(\mathbf K)\). On peut alors, d'après la propriété rappelée ci-dessus, définir une application linéaire \(\phi\) de \(E\) dans \(\mathcal F\) par les \(p\) égalités :

\(\displaystyle{\forall j\in\{1,2,\cdots,p\},\phi(e_j)=\sum_{k=1}^{k=n}m_{k,j}f_k}\)

La matrice associée à \(\phi\) par rapport aux bases \(\mathcal B_E\) et \(\mathcal B_F\) admet donc comme \(j\)-ème colonne \, qui est la \(j\)-ième colonne\( \begin{array}{cccccc}m_{1,j}\\\vdots\\m_{n,j}\end{array}\)de la matrice \(\mathcal M\). C'est donc la matrice \(\mathcal M\) d'où :\(\mathcal L(\phi)=\mathcal M\) .

Donc, des égalités précédentes, on déduit \(\phi'\circ\phi=\mathcal Id_E\) et \(\phi\circ\phi'=\mathcal Id_F\).

Cela prouve que \(\phi\) est inversible, donc que \(\phi\) est un isomorphisme et que son application réciproque est égale à \(\phi'\).

Comme on a l'égalité \(\mathcal A'=\textrm{Mat}_{\mathcal B_F}^{\mathcal B_E}(\phi')=\textrm{Mat}_{\mathcal B_F}^{\mathcal B_E}(\phi^{-1})\), on obtient \(\textrm{Mat}_{\mathcal B_F}^{\mathcal B_E}(\phi^{-1})=(\textrm{Mat}_{\mathcal B_F}^{\mathcal B_E}(\phi))^{-1}\).