Somme directe de sous-espaces propres

DéfinitionSomme directe de plus de deux sous-espaces vectoriels

Soit \(E\) est un espace vectoriel sur un corps \(\mathbf K\) et  \(E_1,E_2,\cdots,E_p,p\) sous-espaces vectoriels de \(E\). La somme \(E_1+E_2+\cdots+E_p\) est directe si et seulement si tout élément \(x\) de \(E_1+E_2+\cdots+E_p\) s'écrit d'une manière unique sous la forme \(x=x_1+x_2+\cdots+x_p\) avec \(x_i\) élément de \(E_i\) .

On la note alors \(E_1\oplus E_2\oplus\cdots\oplus E_p\).

RappelQuelques résultats sur les sommes directes de plus de deux sous-espaces vectoriels

  • Soit \(E\) un \(\mathbf K\)-espace vectoriel et \(E_1,E_2,\cdots,E_p\), des sous-espaces vectoriels de \(E\). La partie de \(E\), notée \(E_1+E_2+\cdots+E_p\), définie par

    \(E_1+E_2+\cdots+Ep=\{x_1+x_2+\cdots+x_p,\forall i,1\le i\le p\quad x_i\in E_i\}\)

    est un sous-espace vectoriel de \(E\), appelé somme des sous-espaces \(E_i\)

  • Une condition nécessaire et suffisante pour que la somme de \(p\) sous-espaces vectoriels \(E_1,E_2,\cdots,E_p\) soit directe est que \(0_E\) s'écrive de manière unique sous la forme de somme d'éléments des \(E_i\), autrement dit que l'on ait la propriété : \(\forall i,1\leq i\leq p\quad x_i\in E_i,\quad x_1+x_2+\cdots+x_p=0\Rightarrow\forall i,1\leq i\leq p\quad x_i=0\)

  • Si \(E\) est un espace vectoriel de type fini et si les sous-espaces \(E_1,E_2,\cdots,E_p\) sont en somme directe, on a la relation :

    dim\(\displaystyle{(E_1\oplus E_2\oplus\cdots\oplus E_p)=\sum_{i=1}^{i=p}}\)dim\((E_i)\)

On a le théorème suivant :

ThéorèmeSomme directe de sous-espaces propres

Soit \(f\) un endomorphisme d'un espace vectoriel \(E\) de type fini qui admet au moins deux valeurs propres distinctes. Soit \(k\) un entier supérieur ou égal à \(2\), \(\lambda_1,\lambda_2,\cdots,\lambda_k\) des valeurs propres distinctes de \(f\) et \(E_{\lambda_1},E_{\lambda_2},\cdots,E_{\lambda_k}\) les sous-espaces propres associés.

Alors la somme \(E_{\lambda_1}+E_{\lambda_2}+\cdots+E_{\lambda_k}\) est directe, ce qui est noté

\(E_{\lambda_1}+E_{\lambda_2}+\cdots+E_{\lambda_k}=E_{\lambda_1}\oplus E_{\lambda_2}\oplus\cdots\oplus E_{\lambda_k}\)

Preuve

Cette propriété joue un rôle essentiel dans cette théorie. Sa preuve est basée sur une démonstration par récurrence.

  • Si \(k=2\), soient \(\lambda_1,\lambda_2\) deux valeurs propres distinctes de \(f\).

    On va montrer que \(E_{\lambda_1}+E_{\lambda_2}=E_{\lambda_1}\oplus E_{\lambda_2}\) Pour cela il suffit de prouver que si \(V_1\) et \(V_2\) sont deux vecteurs respectivement de \(E_{\lambda_1}\) et \(E_{\lambda_2}\), alors \(V_1+V_2=0\Rightarrow V_1=V_2=0\)

    Or : \(V_1+V_2=0\Rightarrow f(V_1)=f(V_2)=f(0)=0\). Donc les vecteurs \(V_1\) et \(V_2\) vérifient les deux égalités \((S)\begin{array}{cccccc}V_1&+&V_2&=&0\\\lambda_1V_1&+&\lambda_2V_2&=&0\end{array}\)

    Ces égalités impliquent l'égalité \((\lambda_2-\lambda_1)V_2=0\) . (c'est la relation obtenue en prenant la deuxième ligne moins \(\lambda_1\) fois la première).

    Comme d'après l'hypothèse, \(\lambda_1\) et \(\lambda_2\) sont deux valeurs propres distinctes, il en résulte immédiatement \(V_2=0\) . D'où, d'après la première relation, \(V_1=0\).

  • Supposons la propriété vraie pour \(p-1\) valeurs propres et démontrons la pour \(p\).

  • Le type de calcul est le même que pour \(k=2\). Soient \(V_1,V_2,\cdots,V_p\) des éléments de \(E_{\lambda_1},E_{\lambda_2},\cdots,E_{\lambda_p}\) respectivement tels que \(V_1+V_2+\cdots+V_p=0\).

    Alors on a \(f(V_1)+f(V_2)+\cdots+f(V_p)=0\). Les vecteurs \(V_1,V_2,\cdots,V_p\) vérifient donc les deux relations \((S)\begin{array}{cccccc}V_1&+&V_1&+&V_p=&0\\\lambda_1V_1&+&\lambda_2V_2&+&\lambda_pV_p=&0\end{array}\)

    Ces deux relations impliquent \((\lambda_2-\lambda_1)V_2+\cdots+(\lambda_p-\lambda_1)V_p=0\) . Or, pour tout \(r\) compris entre \(2\) et \(p,(\lambda_r-\lambda_1)V_r\) est un élément de \(E_{\lambda_r}\) (puisque \(E_{\lambda_r}\) est un sous-espace vectoriel). Alors on est ramené à une somme de \(p-1\) éléments des \(p-1\) sous-espaces propres \(E_{\lambda_r}\) avec \(r\neq1\) et on peut appliquer l'hypothèse de récurrence. Il vient alors \(\forall r,2\leq r\leq p,(\lambda_r-\lambda_1)V_r=0\).

    Comme : \(\forall r,2\leq r\leq p,(\lambda_r-\lambda_1)\neq0\) , alors \(\forall r,2\leq r\leq p,V_r=0\) . La relation initiale \(V_1+V_2+\cdots+V_p=0\) donne \(V_1=0\) ce qui achève la démonstration.

Cette propriété peut aussi être démontrée par l'absurde. La technique de calcul utilisée est la même.

DémonstrationDémonstration par l'absurde de la propriété

Les hypothèses et les notations sont celles de l'énoncé.

Supposons que la somme \(E_{\lambda_1}+E_{\lambda_2}+\cdots+E_{\lambda_k}\) ne soit pas directe. Il existe donc des vecteurs non tous nuls de \(E_{\lambda_1},E_{\lambda_2},\cdots,E_{\lambda_k}\) dont la somme est nulle.

Le nombre de vecteurs d'une telle somme est un entier compris entre \(2\) et \(k\). Comme toute partie non vide de \(\mathbb N\) a un plus petit élément on peut choisir une telle famille ayant le plus petit nombre d'éléments.

Il existe donc un entier \(r\), plus petit entier compris entre \(2\) et \(k\) tel que les propriétés suivantes soient satisfaites :

  • il existe des entiers \(i_1,i_2,\cdots,i_r\) vérifiant \(1\leq i_1< i_2 < \cdots < i_r\leq k\)

  • il existe des vecteurs \(V_{i_1}\) appartenant à \(E_{\lambda_{i_1}}-\{0\},V_{i_2}\) appartenant à \(E_{\lambda_{i_2}}-\{0\},\cdots,V_{i_r}\) appartenant à \(E_{\lambda_{i_r}}-\{0\}\), tels que \(V_{i_1}+V_{i_2}+\cdots+V_{i_r}=0\).

L'égalité \(V_{i_1}+V_{i_2}+\cdots+V_{i_r}=0\) implique \(f(V_{i_1}+V_{i_2}+\cdots+V_{i_r})=f(0)=0\), soit \(f(V_{i_1})+f(V_{i_2})+\cdots+f(V_{i_r})=0\). Donc on a :

\(V_{i_1}+V_{i_2}+\cdots+V_{i_r}=0\)

\(\lambda_{i_1}V_{i_1}+\lambda_{i_2}V_{i_2}+\cdots+\lambda_{i_r}V_{i_r}=0\)

d'où on déduit l'égalité : \((\lambda_{i_2}-\lambda_{i_1})V_{i_2}+\cdots+(\lambda_{i_r}-\lambda_{i_1})V_{i_r}=0\).

Cette somme de vecteurs de \(E_{\lambda_2},\cdots,E_{\lambda_k}\) comporte \(r-1\) termes et est nulle.

Compte tenu de la définition de \(r\), les vecteurs qui interviennent sont tous nuls et par conséquent : \((\lambda_{i_2}-\lambda_{i_1})V_{i_2}=\cdots=(\lambda_{i_r}-\lambda_{i_1})V_{i_r}\) . On a donc une contradiction puisque les vecteurs \(V_{i_1},V_{i_2},\cdots,V_{i_r}\) sont non nuls et les valeurs propres considérées distinctes deux à deux.