Ordre de multiplicité d'une valeur propre et dimension du sous-espace propre associé

Quelques propriétés des polynômes utiles ici :

Propriété

Soit \(P\) un polynôme à coefficients dans un corps \(\mathbf K\), et \(\lambda\) un scalaire.

On rappelle que \(\lambda\) est racine de \(P\) si \(P(\lambda)=0\).

Alors on a la propriété suivante : l'élément \(\lambda\) de \(\mathbf K\) est racine de \(P\) si et seulement si il existe un polynôme \(Q\) à coefficients dans \(\mathbf K\) tels que \(P(X)=(X-\lambda)Q(X)\).

Cela permet de définir la notion d'ordre de multiplicité d'une racine d'un polynôme. Soit \(\lambda\), élément de \(\mathbf K\), une racine de \(P\). Alors il existe un entier strictement positif \(n_{\lambda}\) et un polynôme \(S\) à coefficients dans \(\mathbf K\) tels que :

\(P(X)=(X-\lambda)^{n_\lambda}.S(X)\textrm{ et }S(\lambda)\neq=0\)

L'entier \(n_{\lambda}\) est appelé l'ordre de multiplicité de la racine \(\lambda\). C'est la plus grande puissance \(X-\lambda\) de que l'on peut mettre en facteur dans \(P(X)\).

Si \(n_{\lambda}\) est égal à \(1\), on dit que \(\lambda\) est une racine simple de \(P\).

Le théorème suivant établit un lien entre l'ordre de multiplicité d'une valeur propre et la dimension du sous-espace propre associé.

Théorème

Soit \(f\) un endomorphisme d'un espace vectoriel \(E\) de type fini. On suppose que \(f\) a des valeurs propres et soit \(\lambda\) une valeur propre de \(f\) d'ordre de multiplicité \(n_{\lambda}\) en tant que racine du polynôme caractéristique. Alors, si \(E_\lambda\) est le sous-espace propre associé à \(\lambda\), on a l'inégalité :

\(1\leq\textrm{dim }E_{\lambda}\leq n_{\lambda}\)

Preuve

Elle est basée sur le théorème de la base incomplète qui permet d'obtenir une base dans laquelle la matrice associée à \(f\) a une expression rendant facile le calcul de son polynôme caractéristique.

Soit \(n\) la dimension de \(E\). Puisque \(\lambda\) est une valeur propre de \(f,E_\lambda\) n'est pas réduit à \(0\) ; soit \(m_\lambda\) sa dimension. On a \(1\leq m_\lambda\leq n\).

  • Si \(m_\lambda=n,\quad E_\lambda=E\), et\( f\) est égale à l'application linéaire \(\lambda Id_E\) dont le polynôme caractéristique est égal à \((X-\lambda)^n\). Alors \(n_\lambda=n\) et l'inégalité (large) souhaitée est vraie.

  • Si \(m_\lambda < n\), soit \((e_1,\cdots,e_{m_\lambda})\) une base de \(E_\lambda\). D'après le théorème de la base incomplète, il existe \(n-m_\lambda\) vecteurs \(e_{m_\lambda+1},\cdots,e_{n}\) tels que \((e_1,\cdots,e_{m_\lambda},e_{m_\lambda+1},\cdots,e_n)\) soit une base de \(E\). Alors la matrice associée à \(f\) dans cette base est de la forme \(\left(\begin{array}{cc}\lambda I_{m_{\lambda}}&A\\0_{n-m_{\lambda}}&B\end{array}\right)\). D'après les formules de développement des déterminants, il vient immédiatement \(P_{\textrm{car},f}(X)=(\lambda-X)^{m_\lambda}Q(X)\), ce qui prouve que \(\lambda\) est une racine de \(P_{\textrm{car},f}(X)\) d'ordre au moins égal à \(m_\lambda\), d'où l'inégalité souhaitée : \(m_\lambda\leq n_\lambda\) .

Une conséquence intéressante de cette propriété est donnée par le corollaire suivant.

CorollaireDimension du sous-espace propre associé à une valeur propre simple

Si \(\lambda\) est une valeur propre simple d'un endomorphisme (respectivement d'une matrice). La dimension du sous-espace propre associée est égale à \(1\).

En effet, d'une part, on sait que \(E_\lambda\) est non réduit à \(0\), donc sa dimension est supérieure ou égale à \(1\).

D'autre part, d'après la propriété précédente, la dimension de \(E_\lambda\) est inférieure ou égale à l'ordre de multiplicité \(\lambda\) de comme racine du polynôme caractéristique, donc : \(\textrm{dim }E_\lambda\leq1\).

D'où le résultat.