Endomorphisme dont le carré est l'opposé de l'identité

Durée : 20 mn

Note maximale : 14

Question

Soient \(E\) un espace vectoriel réel de dimension finie n, \(n>1\), \(Id_E\) l'application identique de \(E\) dans \(E\), et f un endomorphisme de \(E\) vérifiant :

\(f^2=-Id_E\).

  1. Montrer qu'aucun vecteur de \(E\) n'est vecteur propre de \(f\) et que la dimension de \(E\) est paire.

  2. Soit \(u\) un vecteur non nul de \(E\).

    Montrer que le sous-espace vectoriel Fu de E engendré par \(u\) et \(f(u)\) est de dimension 2 et qu'il est stable par \(f\) (c'est-à-dire \(f(F_u)\subset F_u\)).

  3. Soit \(F\) un sous-espace vectoriel de \(E\) stable par \(f (f(F)\subset F)\) et soit \(v\) un vecteur de \(E\), \(v\) n'appartenant pas à \(F\).

    Montrer que pour \(\alpha\) et \(\beta\) réels, la relation \(\alpha v+\beta f(v)\in F\) entraîne \(\alpha=\beta=0\).

  4. Montrer que \(E\) possède une base de la forme \((e_1,f(e_1),e_2,f(e_2),...,e_p,f(e_p)\).

  5. Quel est le polynôme caractéristique de \(f\) ?

Solution

  1. Soit \(u\) un vecteur non nul de \(E\).

    Si \(u\) était un vecteur propre de \(f\), il existerait un réel \(\lambda\) tel que \(f(u)=\lambda u\), par suite \(f^2(u)=f(\lambda u)=\lambda f(u)=\lambda^2u\).

    Or \(f^2=-Id_E,\) donc \(f^2(u)=-u\), d'où \((\lambda^2+1)u=0\), ce qui est absurde puisque \(u\) n'est pas nul et \(\lambda\) est réel.

    Si la dimension de \(E\) était impaire, le polynôme caractéristique de \(f\) serait de degré impair, il aurait donc une racine réelle qui serait valeur propre de \(f\) : \(f\) admettrait des vecteurs propres ce qui est contraire au résultat précédent.

    Autre démonstration : le déterminant de \(f\) est un nombre réel vérifiant \((\det f)^2=\det(f^2)=\det(-Id_E)=(-1)^n\).

    Comme \((\det f)^2\) est un nombre positif, on en déduit que \(n\) est pair.

  2. Soit \(u\) un vecteur non nul de \(E\).

    D'après la question précédente, \(u\) n'est pas vecteur propre de \(f\) donc \(u\) et \(f(u)\) ne sont pas colinéaires, et forment un système libre.

    Le sous-espace vectoriel Fu de E engendré par \(u\) et \(f(u)\) admet donc \((u,f(u))\) comme base, il est de dimension 2.

    Pour tout \(v\) appartenant à Fu, il existe \(\alpha\) et \(\beta\) tels que \(v=\alpha u+\beta f(u)\).

    Alors \(f(v)=f(\alpha u+\beta f(u)))=\alpha f(u)-\beta u\), donc \(f(v)\) appartient à Fu :

    Fu est stable par \(f\).

  3. Soit \(F\) un sous-espace vectoriel de \(E\) stable par \(f\), et soit \(v\) un vecteur de \(E\), \(v\) n'appartenant pas à \(F\).

    On suppose qu'il existe des réels \(\alpha\) et \(\beta\) tels que \(\alpha v+\beta f(v)\in F\).

    Comme \(F\) est stable par \(f\), on en déduit que l'image par \(f\) de \(\alpha v+\beta f(v)\) appartient à \(F\), cette image est \(-\beta v+\alpha f(v)\) ; comme \(F\) est un sous-espace vectoriel, toute combinaison linéaire de \(\alpha v+\beta f(v)\) et de \(-\beta v+\alpha f(v)\) appartient à \(F\), en particulier \(\alpha(\alpha v+\beta f(v))\beta(-\beta v+\alpha f(v))=(\alpha^2+\beta^2)v\) appartient à \(F\), ceci entraîne la relation \(\alpha^2+\beta^2=0\), sinon le nombre \(\alpha^2+\beta^2\) serait inversible dans \(\mathbb R\) et \(v\) appartiendrait à \(F\), ce qui est contraire à l'hypothèse faite sur \(v\).

    Donc\( \alpha^2+\beta^2=0\) et comme \(\alpha\) et \(\beta\) sont des réels, il vient \(\alpha=\beta=0\).

  4. On démontre la propriété (*) suivante :

    L'espace vectoriel E possède une base de la forme \((e_1,f(e_1),e_2,f(e_2),...,e_p,f(e_p))\) (*).

    Soit e1 un vecteur non nul de \(E\) et F1 soit le sous-espace de \(E\) engendré par e1 et \(f(e_1)\).

    Si F1 est égal à \(E\), la propriété (*) est démontrée car \((e_1,f(e_1))\) est une base de F1 (d'après la question 1).

    Si F1 n'est pas égal à \(E\), on sait de plus F1 que est stable par \(f\), et il existe un vecteur e2 de \(E\) n'appartenant pas à F1.

    Soit F2 le sous-espace de \(E\) engendré par e2 et \(f(e_2)\).

    De même que F1, le sous-espace F2 est stable par \(f\) et admet \((e_2,f(e_2))\) comme base.

    De plus, d'après la question 2, \(F_1\cap F_2=\{0\}\) donc la somme de F1 et F2 est directe et \(F_1\bigoplus F_2\) admet \((e_1,f(e_1),e_2,f(e_2))\) comme base.

    Si \(F_1\bigoplus F_2\) est égal à \(E\), la propriété (*) est démontrée.

    Sinon il est immédiat qu'on a aussi \(F_1\bigoplus F_2\) stable par \(f\), et il existe un vecteur e3 de \(E\) n'appartenant pas à \(F_1\bigoplus F_2\), et on recommence, \(F_1\bigoplus F_2\) jouant le rôle du sous-espace \(F\) de la

    question 2. On construira alors un sous-espace admettant \((e_1,f(e_1),e_2,f(e_2),e_3,f(e_3))\) comme base et stable par \(f\).

    Ce procédé s'achèvera au bout d'un nombre fini d'étapes, car \(E\) est de dimension finie.

    On aura ainsi construit une base de \(E\) de la forme \((e_1,f(e_1),e_2,f(e_2),...,e_p,f(e_p))\).

    On retrouve le fait que l'espace vectoriel \(E\) est de dimension paire \(n=2p\).

  5. Pour trouver le polynôme caractéristique de \(f\), on considère la matrice de \(f\) dans la base \((e_1,f(e_1),e_2,f(e_2),...,e_p,f(e_p))\).

    Comme \(f(f(e_i))=-e_i\), cette matrice est la matrice carrée d'ordre \(2p\) suivante :

    \(M=\left(\begin{array}{cccccccc} 0&-1&0&0&\ldots&0&0& \\1&0&0&0&\ldots&0&0 \\ 0&0&0&-1&\ldots&0&0 \\0&0&1&0&\ldots&0&0 \\ \vdots&\vdots&\vdots&\vdots&\ldots&\vdots&\vdots \\ 0&0&0&0&\ldots&0&-1\\0&0&0&0&\ldots&1&0 \end{array}\right)\)

    et \(\det(M-XI_{2p})=\left(\det\left(\begin{array}{cccccccc}-X&-1 \\1&-X\end{array}\right)\right)^p=(X^2+1)^p\).