Propriétés

Les propriétés du polynôme minimal d'une partie relativement à un endomorphisme sont données par la proposition suivante :

PropositionPropriétés du polynôme minimal d'une partie relativement à un endomorphisme

Soit \(E\) un espace vectoriel de type fini et \(f\) une application linéaire de \(E\) dans lui-même.

  1. Soient deux parties non vides \(\Omega\) et \(\Lambda\) de \(E\) telles que \(\Omega\subset\Lambda\). Alors \(P_{\textrm{min},f,\Omega}\) divise \(P_{\textrm{min},f,\Lambda}\).

  2. Soit une partie non vide \(\Omega\) de \(E\) et Vect\((\Omega)\) le sous espace vectoriel de \(E\) engendré par \(\Omega\). Alors \(P_{\textrm{min},f,\Omega}=P_{\textrm{min},f,\textrm{Vect}(\Omega)}\).

  3. Soient deux parties non vides \(\Omega\) et \(\Lambda\) de \(E\), alors \(P_{\textrm{min},f,\Omega\cup\Lambda}=\textrm{PPCM}(P_{\textrm{min},f,\Omega},P_{\textrm{min},f,\Lambda})\).

  4. Soient deux parties non vides \(\Omega\) et \(\Lambda\) de \(E\), alors \(P_{\textrm{min},f,\Omega\cap\Lambda}\) divise \(\textrm{PGCD}(P_{\textrm{min},f,\Omega},P_{\textrm{min},f,\Lambda})\).

DémonstrationPreuve de la propriété 1.

D'après la définition de \(P_{\textrm{min},f,\Lambda}\), on a : \(\forall x\in\Lambda,(P_{\textrm{min},f,\Lambda}(f))(x)=0\).

Comme la partie \(\Omega\) est incluse dans la partie \(\Lambda\) on a en particulier :

\(\forall x\in\Omega,(P_{\textrm{min},f,\Lambda}(f))(x)=0\).

Donc \(P_{\textrm{min},f,\Lambda}\) est un polynôme annulateur de \(\Omega\). D'après le théorème définition, il en résulte que \(P_{\textrm{min},f,\Omega}\) divise \(P_{\textrm{min},f,\Lambda}\).

DémonstrationPreuve de la propriété 2.

D'une part, comme \(\Omega\) est contenue dans Vect\((\Omega),P_{\textrm{min},f,\Omega}\) divise \(P_{\textrm{min},f,\textrm{Vect}(\Omega)}\) d'après le résultat du 1.

D'autre part un élément de Vect(\(\Omega\)) est une combinaison linéaire d'éléments de \(\Omega\). Donc, si \(g\) est un endomorphisme de \(E\) tel que pour tout \(x\) de \(\Omega\) on ait \(g(x)=0\) , alors on a : \(\forall x\in\textrm{Vect}(\Omega),g(x)=0\).

En appliquant ce résultat ici, il vient : \(\forall x\in\textrm{Vect}(\Omega),(P_{\textrm{min},f,\Omega}(f))(x)=0\). Le polynôme \(P_{\textrm{min},f,\Omega}\) est donc un polynôme annulateur de Vect(\(\Omega\)) et par conséquent c'est un multiple de \(P_{\textrm{min},f,\textrm{Vect}(\Omega)}\).

Comme de plus, les polynômes \(P_{\textrm{min},f,\Omega}\) et \(P_{\textrm{min},f,\textrm{Vect}(\Omega)}\) sont unitaires, ils sont égaux.

DémonstrationPreuve de la propriété 3.

D'une part, comme \(\Omega\subset\Omega\cup\Lambda\) et \(\Lambda\subset\Omega\cup\Lambda\) , le résultat de la question 1. prouve que \(P_{\textrm{min},f,\Omega}\) et \(P_{\textrm{min},f,\Lambda}\) divisent \(P_{\textrm{min},f,\Omega\cup\Lambda}\).

Donc le PPCM de \(P_{\textrm{min},f,\Omega}\) et \(P_{\textrm{min},f,\Lambda}\) divise \(P_{\textrm{min},f,\Omega\cup\Lambda}\).

D'autre part, si \(Q=\textrm{PPCM}(P_{\textrm{min},f,\Omega},P_{\textrm{min},f,\Lambda})\) , il existe un polynôme \(Q_1\) tel que \(Q=Q_1P_{\textrm{min},f,\Omega}\) et un polynôme \(Q_2\) tel que \(Q=Q_2P_{\textrm{min},f,\Lambda}\).

D'où : \(\forall x\in\Omega,(Q(f))(x)=Q_1(f)\bigcirc P_{\textrm{min},f,\Omega}(f)(x)=0\).

De la même façon \(\forall x\in\Lambda,(Q(f))(x)=Q_2(f)\bigcirc P_{\textrm{min},f,\Lambda}(f)(x)=0\) . Donc \(\forall x\in\Omega\cup\Lambda,(Q(f))(x)=0\) . Donc le polynôme \(Q=\textrm{PPCM}(P_{\textrm{min},f,\Omega},P_{\textrm{min},f,\Lambda})\) est un polynôme annulateur de \(\Omega\cup\Lambda\).

Par conséquent \(\textrm{PPCM}(P_{\textrm{min},f,\Omega},P_{\textrm{min},f,\Lambda})\) est un multiple de \(P_{\textrm{min},f,\Omega\cup\Lambda}\). Comme ces deux polynômes unitaires sont multiples l'un de l'autre, ils sont égaux.

DémonstrationPreuve de la propriété 4.

Les inclusions \(\Omega\cap\Lambda\subset\Omega\) et \(\Omega\cap\Lambda\subset\Lambda\) et le résultat du 1., prouve que \(P_{\textrm{min},f,\Omega\cap\Lambda}\) divise \(P_{\textrm{min},f,\Omega}\) et \(\Omega\cap\Lambda\subset\Lambda\), et donc divise leur PGCD.

L'exemple suivant prouve que \(P_{\textrm{min},f,\Omega\cap\Lambda}\) peut être différent de ce PGCD.

Exemple

soit \(E=\mathbb C^3\) et \(f\) l'endomorphisme de \(E\) dont la matrice dans la base canonique \(B=(e_1,e_2,e_3)\) est égale à \(\left(\begin{array}{ccc}1&1&1\\0&1&1\\0&0&1\end{array}\right)\).

L'observation de la matrice prouve que la seule valeur propre est 1 ; par conséquent, le polynôme minimal qui est scindé, puisque appartenant à , est de la forme \((X-1)^r\) avec \(r\) supérieur ou égal à \(1\).

On considère \(\Omega=\{e_1,e_2\}\) et \(\Lambda=\{e_1,e_3\}\). Alors \(\Omega\cap\Lambda=\{e_1\}\).

Comme \(f(e_1)=e_1\), le polynôme minimal de \(\Omega\cap\Lambda\) est \(X-1\).

Cherchons le polynôme minimal de \(\Omega=\{e_1,e_2\}\). Pour cela, cherchons le polynôme minimal de \(e_2\). On a , \(f(e_2)=e_1+e_2\) vecteur non colinéaire à \(e_2\), donc \(e_2\) et \(f(e_2)\) sont linéairement indépendants et il n'existe pas de polynôme annulateur de \(e_2\) de degré inférieur ou égal à \(1\). Calculons \(f^2(e_2)\). Cela donne \(f^2(e_2)=2e_1+e_2\) et donc \(f^2(e_2)-2f(e_2)+e_2=0\); le polynôme \(X^2-2X+1=(X-1)^2\) est donc le polynôme minimal annulateur de \(e_2\).

Par conséquent \((X-1)^2=\textrm{PPCM}(P_{\textrm{min},f,e_1},P_{\textrm{min},f,e_2})\) est le polynôme minimal de \(\Omega=\{e_1,e_2\}\).

Cherchons le polynôme minimal de \(\Lambda=\{e_1,e_3\}\). Pour cela il faut étudier le polynôme minimal de \(e_3\).

Le polynôme minimal de \(e_3\) divise le polynôme minimal de \(f\), il est de la forme \((X-1)^q\) avec \(1\leq q\leq r\).

On a \(f(e_3)=e_1+e_2+e_3\), qui est différent de \(e_3\). Donc \(X-1\) n'est pas un polynôme annulateur de \(e_3\). Calculons \(f^2(e_3)\). Cela donne \(f^2(e_3)=3e_1+2e_2+e_3\).

Les vecteurs \(e_3,f(e_3),f^2(e_3)\) sont linéairement indépendants (leur déterminant dans la base canonique est non nul car \(\textrm{det}_{B}(e_3,f(e_3),f^2(e_3))=\left|\begin{array}{ccc}0&1&3\\0&1&2\\1&1&1\end{array}\right|=-1\)).

Donc \(P_{\textrm{min},f,\beta_3}\) est de la forme \((X-1)^{q}\) avec \(q\ge 3\) Donc le polynôme minimal de \(\Lambda\) qui est le PPCM de \(P_{\textrm{min},f,\beta_1}\) et de \(P_{\textrm{min},f,\beta_3}\) est égal à \((X-1)^{q}\) avec \(q\ge 3\).

Par conséquent PGCD\((P_{\textrm{min},f,\Omega},P_{\textrm{min},f,\Lambda})=(X-1)^2\) et le polynôme minimal de l'intersection, \(P_{\textrm{min},f,\Omega\cap\Lambda}\) , divise strictement le PGCD de \(P_{\textrm{min},f,\Omega}\) et \(P_{\textrm{min},f,\Lambda}\).

Cas particulier : cas d'un singleton

\(\Omega=\{x\}\)

On note \(P_{\textrm{min},f,\{x\}}=P_{\textrm{min},f,x}\).

Soit \(x\) un élément non nul de \(E\). Pour trouver le polynôme minimal de \(x\), on regarde si \(\{x,f(x)\}\) est une partie libre de \(E\).

  • Si ce n'est pas une partie libre, il existe deux éléments \(a\) et \(b\) de \(\mathbf K\) non tous les deux nuls tels que \(ax+bf(x)=0\). Nécessairement \(b\) est non nul (sinon on aurait \(ax=0\) avec \(a\) et \(x\) non nuls). Donc il existe une relation de la forme \(\alpha x+f(x)=0\). Cela prouve que le polynôme \(\alpha+X\) est un polynôme annulateur unitaire de \(x\) relatif à \(f\), c'est celui de plus bas degré donc c'est \(P_{\textrm{min},f,x}\).

  • Si c'est une partie libre, on regarde si la partie \(\{x,f(x),f^2(x)\}\) est libre ou non et on reprend le même raisonnement. Le processus s'arrête au plus tard pour la partie \(\{x,f(x),f^2(x),\cdots,f^{\textrm{dim}E}(x)\}\) qui est liée puisque c'est une partie de \(E\) ayant un nombre d'éléments égal à (dim\(E)+1\). Cette remarque conduit donc à la propriété suivante

PropriétéDegré du polynôme minimal d'un élément

Soit \(E\) un espace vectoriel de dimension \(n\) et \(f\) une application linéaire de \(E\) dans lui-même.

Soit \(x\) un élément de \(E\). Le polynôme minimal de \(x\) relativement à \(f\) est de degré inférieur ou égal à \(n\), dimension de l'espace \(E\).

Exemple

  1. Reprenons l'exemple précédent. On est dans un espace de dimension \(3\), donc les quatre vecteurs \(e_3,f(e_3),f^2(e_3),f^3(e_3)\) sont des vecteurs liés et le degré du polynôme minimal de \(e_3\) est égal à \(3\). Donc \(q=3\) et \(P_{\textrm{min},f,e_3}=(X-1)^3\).

  2. Soit \(f\) l'endomorphisme de \(\mathbb R^3\) dont la matrice dans la base canonique \(B=(e_2,e_2,e_3)\) est \(M=\left(\begin{array}{ccc}1&1&-1\\0&1&0\\1&1&0\end{array}\right)\). Soit à calculer le polynôme minimal du vecteur \(e_1=(1,0,0)\). On a \(f(e_1)=e_1+e_3\). Il est clair que \(e_1\) et \(f(e_1)\) sont linéairement indépendants. Calculons \(f^2(e_1)\). On a :

    \(f^2(e_1)=f(e_1+e_3)=e_1+e_3-e_1=e_3\).

    Il apparaît immédiatement que \(f(e_1)=e_1+f^2(e_1)\). Donc les vecteurs \(e_1,f(e_1),f^2(e_1)\) sont linéairement dépendants. Cela prouve que : \(P_{\textrm{min},f,e_1}(X)=X^2-X+1\).

ThéorèmePolynôme minimal et polynôme minimal des éléments d'une base

Soit \(E\) un espace vectoriel de type fini, \(B=(e_1,e_2,\cdots,e_n)\) une base de \(E\) et \(f\) une application linéaire de \(E\) dans lui-même. Alors :

\(P_{\textrm{min},f}=\textrm{PPCM}(P_{\textrm{min},f,\beta_1},\cdots,P_{\textrm{min},f,\beta_n})\)

Cela résulte immédiatement de l'égalité :

\(E=\textrm{Vect}(\textrm{Vect}(\{e_1\})\cup\textrm{Vect}(\{e_2\})\cup\cdots\cup\textrm{Vect}(\{e_n\}))\)

et des propriétés 2. et 3. de la proposition.

Exemple

Soit à déterminer le polynôme minimal de la matrice \(M\) d'ordre \(n\quad(n\ge 2)\) dont tous les coefficients sont égaux à \(1\) autrement dit \(M=\left(\begin{array}{ccc}1&\cdots&1\\\vdots&\ddots&\vdots\\1&\cdots&1\end{array}\right)\). Soit \(f\) l'endomorphisme de \(\mathbb R^n\) admettant \(M\) comme matrice par rapport à la base canonique \((e_1,e_2,\cdots,e_n)\).

Pour tout \(k\) entier compris entre \(1\) et \(n\), on a \(f(e_k)=e_1+e_2+\cdots+e_n\). D'où \(f^2(e_k)=f(e_1+e_2+\cdots+e_n)=n(e_1+e_2+\cdots+e_n)\). D'où \(f^2(e_k)=nf(e_k)\).

Cela prouve que pour tout \(k\) entier compris entre \(1\) et \(n\), le polynôme \(X^2-nX=X(X-n)\) est un polynôme annulateur de \(e_k\). Comme ni \(X\quad(f(e_k)\neq0)\) ni \(X-n\quad(f(e_k)\neq ne_k)\) ne sont des polynômes annulateurs de \(e_k\), alors pour tout \(k\) entier compris entre \(1\) et \(n\), le polynôme unitaire \(X^2-nX=X(X-n)\) est le polynôme minimal de \(e_k\) relativement à \(f\).

Alors \(P_{\textrm{min},f}(X)=\textrm{PPCM}(P_{\textrm{min},f,e_k}(X),1\leq k\leq n)=X^2-nX\). On en déduit que \(f\) et donc \(M\) est diagonalisable puisque son polynôme minimal est scindé et n'a que des racines simples.