Application : une méthode pour calculer les puissances de matrices ou d'endomorphismes

On a vu qu'une des motivations de l'étude de la réduction des matrices est la possibilité d'obtenir une méthode pour calculer effectivement les puissances d'une matrice. L'objet de ce paragraphe est de donner une méthode basée sur la connaissance d'un polynôme annulateur.

ThéorèmePuissance d'une matrice et polynôme annulateur

Soit \(A\) un matrice appartenant à \(M_n(\mathbf K)\) et \(P\) un polynôme annulateur de \(A\).

Alors pour tout entier \(k\) supérieur ou égal à \(1\), on a \(A^k=R_k(A)\)\(R_k\) est le reste de la division euclidienne de \(X_k\) par \(P\).

L'identité de la division euclidienne de \(X_k\) par \(P\) est \(X^k=P(X)Q_k(X)+R_k(X),R_k=0\) ou deg\(R_k<\)deg\(P\).

D'où \(A^k=P(A)Q_k(A)+R_k(A)=R_k(A)\) puisque \(P\) un polynôme annulateur de \(A\).

Or, plus le degré du polynôme annulateur utilisé est petit, plus celui de \(R_k\) l'est aussi et plus le calcul est simple.

On a donc intérêt à faire ce calcul avec le polynôme minimal si on peut le déterminer de façon simple, sinon on le fait avec le polynôme caractéristique.

Exemple

Reprenons l'exemple étudié au début de cette ressource à savoir la matrice \(M=\left(\begin{array}{ccc}-2&-2&1\\-2&1&-2\\1&-2&-2\end{array}\right)\) . On a vu (en utilisant le théorème de Cayley Hamilton) que son polynôme minimal est \((X+3)(X-3)\). Alors pour tout entier \(k\) supérieur ou égal à \(1\) il existe deux polynômes \(Q_k\) et \(R_k\) appartenant à \(\mathbb R[X]\) tels que \(X^k=(X+3)(X-3)Q_k(X)+R_k(X),R_k=0\) ou deg\(R_k<2\).

Les conditions sur \(R_k\) peuvent s'écrire de la manière suivante :

\(\exists(a_k,b_k)\in\mathbb R^2,R_k(X)=a_kX+b_k\)

Il en résulte donc l'égalité \(M^k=a_kM+b_kI_3\). Il ne reste plus qu'à calculer les deux scalaires \(a_k\) et \(b_k\).

Pour cela on peut substituer successivement \(-3\) et \(3\) à \(X\) dans la relation \(X^k=(X+3)(X-3)Q_k(X)+a_kX+b_k\).

On obtient le système :

\(\displaystyle{\begin{array}{cccccc}3^k&=&3a_k+b_k\\(-3)^k&=&-3a_k+b_k\end{array}}\)

D'où

\(\displaystyle{\begin{array}{cccccc}b_k&=&\frac{1}{2}[3^k+(-3)^k]\\a_k&=&\frac{1}{6}[3^k-(-3)^k]\end{array}}\)

D'où \(\displaystyle{M^k=\frac{1}{6}[3^k-(-3)^k]M+\frac{1}{2}[3^k+(-3)^k]I_3}\) soit :

\(\displaystyle{M^k=\left(\begin{array}{ccc}\frac{3^k+5(-3)^k}{6}&\frac{(-3)^k-3^k}{3}&\frac{3^k-(-3)^k}{6}\\\frac{(-3)^k-3^k}{3}&\frac{2.3^k+(-3)^k}{3}&\frac{(-3)^k-3^k}{3}\\\frac{3^k-(-3)^k}{6}&\frac{(-3)^k-3^k}{3}&\frac{3^k+5(-3)^k}{6}\end{array}\right)}\)

Cet exemple met bien en évidence l'efficacité de la méthode qui donne un résultat avec un minimum de calculs.

Remarque

Si l'on avait utilisé cette méthode avec le polynôme caractéristique il y aurait eu un peu plus de calculs car non seulement on aurait eu à déterminer trois coefficients pour déterminer le reste de la division euclidienne (de la forme \(\alpha X^2+\beta X+\gamma\)) mais encore il aurait fallu calculer \(M^2\).