Cellulose

Chez les végétaux, la cellulose est l'un des principaux polysaccharides pariétaux (polysaccharides constitutifs de la paroi végétale). A ce titre, c'est incontestablement le biopolymère le plus abondant de la biosphère. La cellulose constitue également un revètement extracellulaire chez quelques animaux invertébrés appelés tuniciers. Les champignons (incluant les levures) construisent leurs parois extracellulaires avec d'autres glucanes de type β(1 \(\rightarrow\) 3) ou β(1 \(\rightarrow\) 6), aux propriétés très proches de celles de la cellulose.

Dans la paroi végétale, la cellulose est étroitement associée à d'autres polysaccharides de structure : les hémicelluloses et les pectines.

ComplémentLes hémicelluloses et les pectines

Ce sont deux familles d'hétéropolysaccharides assez hétérogènes, dont la composition et la structure varient souvent avec l'espèce végétale.

Dans la paroi végétale, les hémicelluloses sont étroitement associées aux fibrilles de cellulose.

Les hémicelluloses constituent une famille très diversifiée de molécules, qui ont en commun avec la cellulose la liaison glycosidique β(1 \(\rightarrow\) 4). Comme dans la cellulose, la structure générale est celle d'une hélice étirée à 2 résidus par tour, chaque résidu étant retourné d'environ 180° l'un par rapport à ses voisins. Toutefois, les chaînes sont plus courtes que dans la cellulose (quelques centaines de résidus), et sont constituées de résidus variés, tels que le D-glucose, le D-mannose, le D-galactose et, dans de nombreux cas également, le D-xylopyranose.

Une seconde différence avec la cellulose est la présence de courtes ramifications (1 ou 2 résidus) attachées à la chaîne principale par des liaisons en configuration α(1 \(\rightarrow\) 2), α(1 \(\rightarrow\) 3), ou α(1 \(\rightarrow\) 6). Ces ramifications sont le plus souvent constituées de D-galactose, de L-arabinofuranose et d'acide D-glucuronique. Des méthylations sont souvent observées, tant sur la chaîne principale (sur les alcools en positions 2 et/ou 3) que sur les ramifications de glucuronate (4-O-Me-D-GlcpA).

La classification des hémicelluloses repose classiquement sur celle des hétéropolysaccharides, selon la composition en monomères. Ainsi trouve-t-on, dans les bois tendres, des galactoglucomannanes, des arabinoglucuronoxylanes et des arabinogalactanes, et dans les bois durs des glucuronoxylanes et des glucomannanes.

Fragment d'hémicellulose

Il s'agit ici d'un arabinoglucuronoxylane dont la chaîne principale est constituée de résidus de D-xylopyranose en configuration anomérique β. Des courtes ramifications sont constituées par des résidus d'α-L-arabinofuranose et d'α-D-glucuronate méthylé en position 4. Des charges négatives (-) signalent les ions carboxylate -COO-.

La répétition régulière des ramifications le long des molécules confère aux hémicellulose une structure en fil de fer barbelé. Dans la paroi végétale, les molécules d'hémicelluloses longent les microfibrilles de cellulose, auxquelles elles s'accrochent par leurs barbules, grâce à de nombreuses liaisons hydrogène, et particicipent ainsi à la cohésion du réseau.

Les hémicelluloses sont facilement hydrolysées par les acides et les bases diluées. Dans l'industrie papetière, le blanchiment du bois est une hydrolyse chimique destinée à libérer les fibres de cellulose. Cette activité très polluante (rejets de chlore) tend à être remplacée par l'utilisation industrielle d'hémicellulases, enzymes qui hydrolysent les hémicelluloses et aboutissent au même résultat.

Les pectines forment la matrice des parois végétales.

Les pectines sont des polysaccharides principalement situés dans la paroi primaire des végétaux supérieurs. Elles sont aussi très abondantes dans la lamelle moyenne, où elles assurent la cohésion des cellules.

Les pectines se composent d'une chaîne principale constituée d'un polymère d'α(1-4)-galacturonane (pectines acides) dont les fonctions carboxylate sont plus ou moins estérifiées par le méthanol. Le degré d'estérification varie avec l'âge des plantes. Des résidus de rhamnose sont intercalés dans la chaîne principale. L'ensemble forme des hélices régulières, gauches ou droites, à trois résidus par tour.

Sur les résidus de rhamnose viennent se greffer des chaînes latérales uniquement composées d'oses neutres (pectines neutres), de type arabinane, arabinogalactane et galactane.

Fragment de pectine acide

Ce modèle moléculaire montre la chaîne principale d'une pectine acide (les ramifications neutres n'ont pas été représentées) constituée d'un α(1 \(\rightarrow\) 4)-polygalacturonane occasionnellement estérifié par le méthanol (Met). Un résidu de rhamnose (*) est également montré. Des charges négatives (-) signalent les ions carboxylate non estérifiés.

En solution, les pectines forment des gels.

La présence de blocs d'oligogalacturonate chargés négativement permet des associations localisées de molécules par des interactions ioniques avec le calcium Ca++ (modèle en boîte à oeufs), conduisant à la formation d'un réseau tri-dimensionnel. Dans les pectines, une portion substantielle des acides galacturoniques est estérifiée, ce qui élimine des charges négatives et réduit d'autant le potentiel de pontage par le calcium sur de grandes longueurs. Il en résulte la formation de gels lâches dans les mailles desquels l'eau et les petites molécules peuvent facilement circuler. Cette propriété des pectines est utilisée dans l'alimentation pour faciliter la prise des gelées et confitures.

Gélification des pectines

A - Dans les molécules de pectines acides, des blocs d'oligogalacturonates non méthylés (en rouge) sont en interaction électrostatique avec des ions Ca++ (en bleu clair). Dans ces régions, les ions calcium sont rangés comme des oeufs dans une boîte. Le reste des molécules porte des résidus méthylés (figurés en orange) incapables d'interagir avec le calcium.

B - Deux résidus de galacturonate portés par deux molécules différentes interagissent avec le même ion Ca++.

Sur la base des propriétés des pectines en solution, on a longtemps cru que ces molécules contribuaient à la formation d'un gel amorphe, dans lequel les polysaccharides fibrillaires (cellulose et hémicelluloses) étaient simplement enrobés. La microscopie électronique montre plutôt l'organisation d'un réseau fibrillaire indépendant, enchevêtré avec les microfibrilles de cellulose et les fibres d'hémicelluloses associées.

La cellulose est un polymère linéaire de glucose.

Dans la cellulose, les liaisons glucosidiques sont de type β(1\( \rightarrow\) 4), ce qui limite significativement les possibilités de rotation des résidus consécutifs (voir Structures de polysaccharides). En comparaison avec l'amylose (voir Amidon), ces liaisons résultent en une conformation rigide beaucoup plus étirée, dans laquelle chaque résidu est retourné d'environ 180° par rapport à ses voisins.

Complément

La cellulose est un glucane linéaire, formé d'une chaîne de résidus de D-glucopyranose liés en β(1 \(\rightarrow\) 4). Observer le retournement à 180° de deux résidus consécutifs, imposé par la configuration anomérique.

La structure secondaire de la cellulose peut s'assimiler à une hélice à 2 résidus par tour, avec un pas de 1,04 nm et une translation axiale de 0,52 nm par résidu. Les molécules de cellulose varient fortement en longueur, de 300 à plus de 10 000 résidus (un peu plus de 10 micromètres de longueur !!).

Complément

Le même fragment de cellulose est illustré en mode squelette (en haut) et compact (en bas). Noter le retournement à 180° de chaque résidu par rapport à ses voisins. Cet arrangement des résidus est favorisé par la configuration anomérique β.

La structure tertiaire de la cellulose est une association parallèle des chaînes polysaccharidiques en microfibrilles de 5-12 nanomètres de diamètre. Ici, parallèle signifie non seulement que les chaînes courent parallèlement les unes à côté des autres, mais aussi que leur orientation (extrémité non réductrice \(\rightarrow\) extrémité réductrice) est la même. Chaque microfibrille est un faisceau formé par l'association de 30-60 chaînes individuelles, disposées en plans superposés. Un jeu important de liaisons hydrogène à l'intérieur et entre les chaînes de cellulose stabilise l'ensemble, et lui confère une grande résistance mécanique, en adéquation avec son rôle de squelette extracellulaire. Ces microfibrilles sont le constituant principal de la paroi végétale primaire.

Complément

Les chaînes de cellulose parallèles forment des plans superposés. De nombreuses liaisons hydrogène entre les résidus d'une même chaîne, entre les résidus de chaînes voisines dans un même plan, et entre résidus des plans superposés viennent stabiliser l'ensemble.

Dans la paroi secondaire qui caractérise les cellules végétales en fin de différenciation, les microfibrilles sont regroupées en faisceaux plus épais dits macrofibrilles. La paroi secondaire peut faire plusieurs fois l'épaisseur de la paroi primaire, et elle est souvent constituée de couches dans lesquelles les macrofibrilles ont des orientations préférentielles.

Les fibres de cellulose sont insolubles dans l'eau, très résistantes et très rigides.

L'implication de pratiquement tous les groupes hydroxyles de la cellulose dans des liaisons hydrogène intra- et intermoléculaires conduit à une structure semi-cristalline insoluble dans l'eau. Le coton naturel, qui contient 94-98% de cellulose, est hydrophobe et ne devient le coton hydrophile d'usage médical qu'après traîtement chimique. Le bois est fait pour moitié de cellulose. Sa transformation en papier hydrophile nécessite la dissociation mécanique et l'hydrolyse partielle des fibres.

En raison de sa résistance à l'étirement, la cellulose naturelle entre dans la composition de matériaux composites comme les vitres de sécurité. Une mince couche de cellulose collée entre deux plaques de verre empêche l'éclatement des vitres sous l'effet de chocs, sans en altérer la transparence.

Le nitrate de cellulose est un explosif (fulmicoton) utilisé en remplacement de la poudre à canon pendant la première guerre mondiale. C'est aussi un composé thermoplastique (modelable à chaud) utilisé par exemple en remplacement de l'ivoire d'éléphant dans la fabrication d'objets de luxe. Du fait de son inflammabilité, on lui préfère l'acétate ou le xanthate de cellulose (rayonne) dans l'industrie textile et la confection. L'acétate de cellulose est aussi utilisé dans la fabrication des pellicules photographiques et des films.

D'autres modifications chimiques rendent la cellulose hydrophile. L'hydroxyéthyl cellulose correspond à la substitution des hydroxyles en hydroxyéthyl éthers (-O-CH2-CH2-OH) très encombrants, qui empêchent la reformation de la structure cristalline de la cellulose naturelle, et préservent de ce fait la solubilité des molécules. On l'utilise en industrie cosmétique (shampoings) et dans l'industrie pharmaceutique (laxatifs).

Tout le monde ne peut pas digérer la cellulose.

Les enzymes digestives qui catalysent l'hydrolyse des liaisons α(1 \(\rightarrow\) 4) glucosidiques (voir Amidon) ne catalysent pas l'hydrolyse des liaisons β-glucosidiques. L'homme et les autres animaux, qui peuvent utiliser l'amidon, le glycogène, le lactose et le saccharose comme sources de carbone et d'énergie, ne peuvent pas eux-même métaboliser la cellulose, car ils ne possèdent pas les enzymes nécessaires. Les ruminants, comme la vache et le mouton, ont dans leur rumen (estomac compartimenté) des microorganismes qui produisent des β-glucosyl hydrolases (cellulases). Ils peuvent donc obtenir le glucose à partir de l'herbe et d'autres plantes qui sont riches en cellulose. Il en va de même pour des insectes xylophages (termites).