Isomorphisme entre espace des formes bilinéaires symétriques et espace des formes quadratiques
Ces résultats permettent d'énoncer le théorème fondamental suivant, valable dans un espace vectoriel quelconque.
Théorème : Isomorphisme entre S2(E) et Q(E)
Soit \(E\) un espace vectoriel sur \(\mathbb{K}.\) Soient \(S_{2}(E)\) l'espace vectoriel des formes bilinéaires symétriques et \(Q(E)\) l'ensemble des formes quadratiques sur \(E.\)
L'ensemble \(Q(E)\) a une structure d'espace vectoriel pour les opérations :
\(\begin{array}{ccccc}&& E & \to & \mathbb{K}\\q_{1} + q_{2} &:& x &\mapsto & q_{1}(x) + q_{2}(x)\\\lambda q &:& x & \mapsto &\lambda q(x)\end{array}\)
L'application qui à \(f\) appartenant à \(S_{2}(E)\) associe la forme quadratique \(Q_{f} : x \mapsto f(x,x)\) est un isomorphisme entre \(S_{2}(E)\) et \(Q(E)\) dont l'application réciproque associe à \(q\) appartenant à \(Q(E)\) la forme bilinéaire symétrique : \(f_{q} : (x,y) \mapsto \frac{1}{2} \big[q(x + y) - q(x) - q(y) \big]\)
Cas d'un espace de type fini
Soit \(E\) un espace de dimension \(n\) et \(B = (e_{1},e_{2},...e_{n})\) une base de \(E.\) On a vu que si \(q\) est une forme quadratique, il existe des scalaires \(\alpha_{i,j}\) tels que pour tout \(i\) et \(j\) compris entre 1 et \(n,\) \(\alpha_{i,j} = \alpha_{j,i}\) et tels que :
\((*) \quad \forall x = (x_{1} e_{1} + x_{2}e_{2} + ... +x_{n}e_{n}) \in E , \quad q(x) = \displaystyle { \sum_{i = 1}^{i = n} } \alpha_{i,i}x_{i}^{2} +\displaystyle {\sum_{1 \le i < j \le n}} \alpha_{i,j} x_{i}x_{j}\)
Notons \(q_{i}\) et \(q_{i,j}\) les formes quadratiques \(q_{i} : x \mapsto x_{i}^{2}\) et \(q_{i,j} : x \mapsto x_{i}x_{j}.\) La propriété \((*)\) équivaut à :
\((**) \quad q = \displaystyle { \sum_{i = 1}^{i = n}} \alpha_{i,i}q_{i} + \displaystyle { \sum_{1 \le i < j \le n }} \alpha_{i,j} q_{i,j}\)
la propriété \((**)\) prouve que les formes \(q_{i}\) et \(q_{i,j}\) forment une famille génératrice de \(Q(E).\) Il est immédiat de vérifier qu'elles sont linéairement indépendantes. Elles définissent donc une base de \(Q(E).\) Cela prouve que \(Q(E)\) est de type fini.
La base trouvée est extrêmement utile pour déterminer simplement la forme polaire associée à une forme quadratique donnée (dans l'autre sens si on connaît la forme bilinéaire symétrique, trouver la forme quadratique associée est immédiat, il suffit d'écrire \(q(x) = f(x,x)).\)
En effet, à cause de l'isomorphisme indiqué dans le théorème, si \(f\) est la forme polaire associée à \(q,\) \(f_{i}\) celle associée à \(q_{i}\) et si \(i \ne j ,\) \(f_{i,j}\) celle associée à \(q_{i,j},\) il vient :
\((***) \quad f = \displaystyle { \sum_{i = 1}^{i = n}} \alpha_{i,i}f_{i} + \displaystyle { \sum_{1 \le i < j \le n }} \alpha_{i,j} f_{i,j}\)
et les formes bilinéaires symétriques \(f_{i}\) et \(f_{i,j}\) définissent une base de \(S_{2}(E).\) Il ne reste donc qu'à les déterminer.
En utilisant la définition, il vient \(f_{i}(x,y) = \frac{1}{2} \big[(x_{i} + y_{i})^{2} - x_{i}^{2} - y_{i}^{2}\big] = x_{i}y_{i}\)
et \(f_{i,j}(x,y) = \frac{1}{2} \big[(x_{i} + y_{i})(x_{j} + y_{j}) - x_{i}x_{j} - y_{i}y_{j} \big] = \frac{1}{2}(x_{i}y_{j} + x_{j}y_{i}).\)
D'où la proposition :
Proposition : base de Q(E) et de S2(E)
Soit \(E\) un espace de dimension \(n,\) \(B = (e_{1},e_{2},...e_{n})\) une base de \(E.\) Tout élément \(x\) de \(E\) s'écrit de manière unique sous la forme \(x = x_{1}e_{1} + x_{2}e_{2} + ... + x_{n}e_{n}.\) Alors les formes quadratiques \(q_{i}\) et \(q_{i,j}\) définies par \(q_{i} : x \mapsto x_{i}^{2}\) et \(q_{i,j} : x \mapsto x_{i}x_{j}\) définissent une base de \(Q(E).\) Leurs images par l'isomorphisme entre \(Q(E)\) et \(S_{2}(E)\) sont les formes bilinéaires symétriques \(f_{i}\) et \(f_{i,j}\), définies par :
\(f_{i}(x,y) = x_{i}y_{i}\)
et
\(f_{i,j}(x,y) = \frac{1}{2}(x_{i}y_{j} + x_{j}y_{i})\)
Ces formes bilinéaires symétriques \(f_{i}\) et \(f_{i,j}\) définissent une base de \(S_{2}(E).\)
Ce qui donne le corollaire pratique suivant :
Corollaire : Expression explicite de la forme polaire d'une forme quadratique
Soit \(E\) un espace de dimension \(n\) et \(B = (e_{1},e_{2},...e_{n})\) une base de \(E.\) Si \(q\) est une forme quadratique et \(f\) la forme bilinéaire symétrique qui lui est associée (on dit aussi forme polaire de \(q),\) il existe des scalaires \(\alpha_{i,j}\) tels que pour tout \(i\) et \(j\) compris entre 1 et \(n,\) \(\alpha_{i,j} = \alpha_{j,i}\) et tels que, pour tout \(x = x_{1}e_{1}, x_{2}e_{2},...,x_{n}e_{n}\),
et tout \(y = y_{1}e_{1} + y_{2}e_{2} + ... + y_{n}e_{n}\) :
\(q(x) = \displaystyle{\sum_{i = 1}^{i = n}}\alpha_{i,i}x_{i}^{2} + \displaystyle{\sum_{1 \le i < j \le n}} \alpha_{i,j} x_{i} x_{j}\)
\(f(x,y) = \displaystyle{\sum_{i = 1}^{i = n}} \alpha_{i,i}x_{i}y_{i} + \frac{1}{2} \displaystyle{\sum_{1 \le i < j \le n}} \alpha_{i,j} (x_{i}y_{j} + x_{j}y_{i})\)
Ce résultat est constamment utilisé dans la pratique.
Exemple :
Soit \(E = \mathbb{R}^{4}.\)
Soit \(q\) l'application de \(E\) dans \(\mathbb{R}\) définie pour tout \(x = (x_{1},x_{2},x_{3},x_{4})\) par
\(q(x) = x_{1}^{2} - 2 x_{3}^{2} + x_{1}x_{2} - 3 x_{3}x_{4} + 2x_{1}x_{4}\)
Ci-après une version animée de ces étapes
Comme \(q(x)\) est une expression polynômiale homogène de degré \(2\) par rapport aux coordonnées \(x_{i}\) de \(x\) dans la base canonique, c'est une forme quadratique et sa forme polaire est définie pour tout \(x = (x_{1},x_{2},x_{3},x_{4})\) et \(y = (y_{1},y_{2},y_{3},y_{4})\) de \(\mathbb{R}^{4}\) par
\(f(x,y) = x_{1}y_{1} - 2x_{3}y_{3} + \frac{1}{2}(x_{1}y_{2} + x_{2}y_{1}) - \frac{3}{2} (x_{3}y_{4} + x_{4}y_{3}) + x_{1}y_{4} + x_{4}y_{1}.\)
La matrice associée à \(f\) (ou à \(q)\) dans la base canonique de \(\mathbb{R}^{4}\) est :
\(\qquad\) \(\displaystyle{\left(\begin{array}{rrrr}1 & \frac{1}{2} & 0 & 1\\\\\frac{1}{2} & 0 & 0 & 0\\\\0 & 0 & -2 & -\frac {3}{2}\\\\1 & 0 & - \frac{3}{2} & 0\end{array}\right)}.\)
La connaissance d'une base explicite permet de déterminer la dimension de \(Q(E)\) et de \(S_{2}(E).\)
Proposition : Dimension de Q(E) et de S2(E)
Soit \(E\) un espace de dimension \(n.\)
Alors \(Q(E)\) est un espace de type fini et
\(\textrm{dim}~Q(E) = \textrm{dim}~S_{2}(E) = \frac{n(n+1)}{2}\)
Preuve : Preuve de la formule
Pour trouver la dimension de l'espace vectoriel des formes quadratiques il suffit de compter les éléments de la base trouvée donc le nombre de formes \(q_{i}\) où \(i\) est un entier compris entre 1 et \(n\) et de formes \(q_{i,j}\) avec \(1 \le i < j \le n .\) Il y a exactement \(n\) formes \(q_{i}\) et \(C_{n}^{2}\) (autant que de façons de prendre deux éléments distincts \(i\) et \(j\) parmi \(n\) éléments) formes \(q_{i,j}\). Comme \(C_{n}^{2} = \frac{n(n-1)}{2}\), on a \(\textrm{dim}~Q(E) = n + \frac {n(n-1)}{2} = \frac{n(n+1)}{2}\).