Algorithme de Gauss
Il s'agit d'un algorithme permettant de trouver une décomposition d'une forme quadratique en combinaison linéaire de carrés de formes linéaires indépendantes.
Les identités suivantes sont les outils essentiels de cet algorithme :
\((O_1)\) \(x^2+2xy=(x+y)^2-y^2\)
\((O_2)\) \(xy=\frac14[(x+y)^2-(x-y)^2]\)
La preuve est basée sur une démonstration par récurrence sur la dimension \(n\) de \(E\).
Si \(n=1\), il n'y a rien à dire.
Supposons que toute forme quadratique sur un espace de dimension \(n-1\) admette une décomposition en combinaison linéaire de carrés de formes linéaires indépendantes.
Soit \(q\) une forme quadratique sur un espace de dimension \(n\).
Si \(B=(e_1,e_2,\ldots,e_n)\) est une base quelconque de \(E\), un élément \(x\) de \(E\) s'écrit \(x=x_1e_1+x_2e_2+\ldots+x_ne_n\) et \(q(x)=\displaystyle{\sum^{i=n}_{i=1}a_{i,i}x^2_i+\sum_{1\leq i<j\leq n}a_{i,j}x_ix_j}\).
Premier cas : il existe au moins un indice i pour lequel ai,i est non nul.
On dit usuellement qu'il existe un « terme carré ».
Par exemple supposons \(a_{1,1}\neq 0\). Pour alléger l'écriture notons \(a_{1,1}=a\).
Alors \(q(x)\) peut être ordonné comme un polynôme du second degré en \((x_1)\). Cela donne : \(q(x)=ax^2_1+x_1B(x_2,x_3,\ldots,x_n)+C(x_2,\ldots,x_n)\) où \(B\) est une expression polynomiale homogène de degré 1 par rapport à \(x_2,x_3,\ldots,x_n\) donc une forme linéaire en \((x_2,x_3,\ldots,x_n)\) et \(C\) une expression polynomiale homogène de degré 2 par rapport à \(x_2,x_3,\ldots,x_n\), donc une forme quadratique en \((x_2,\ldots,x_n)\).
Rappel : Caractérisation d'une forme linéaire sur un espace de type fini
Soient \(E\) un espace vectoriel de dimension \(p\) et \(B=(e_1,e_2,\ldots,e_p)\) une base de \(E\).
Une application de \(E\) dans \(K\) est une forme linéaire sur \(E\) si et seulement si il existe \(p\) scalaires \(a_1,a_2,\ldots,a_p\) tels que pour tout \(x=x_1e_1+x_2e_2+\ldots+x_pe_p\), \(f(x)=a_1x_1+a_2x_2+\ldots+a_px_p\).
Remarque :
L'expression \(a_1x_1+a_2x_2+\ldots+a_px_p\) est une expression polynômiale homogène de degré 1 par rapport aux coordonnées de \(x\) sur la base \(B\).
En utilisant l'identité \((O_1)\) il vient :
\(q(x)=a\left[x_1+\frac{1}{2a}B(x_2,x_3,\ldots,x_n)\right]^2-\frac{1}{4a}[B(x_2,x_3,\ldots,x_n)]^2+C(x_2,\ldots,x_n)\)
D'où \(q(x)=a\left[x_1+\frac{1}{2a}B(x_2,x_3,\ldots,x_n)\right]^2+[C(x_2,\ldots,x_n)-\frac{1}{4a}[B(x_2,x_3,\ldots,x_n)]^2]\).
L'expression \(C(x_2,\ldots,x_n)-\frac{1}{4a}[B(x_2,x_3,\ldots,x_n)]^2\) est une expression polynomiale homogène de degré 2 par rapport à \((x_2,x_3,\ldots,x_n)\), qui peut donc être considérée comme une forme quadratique sur un espace de dimension \(n-1\).
Cela permet d'écrire \(q(x)=a\left[x_1+\frac{1}{2a}B(x_2,x_3,\ldots,x_n)\right]^2+q_1(x_2,\ldots,x_n)\).
On termine en appliquant l'hypothèse de récurrence à \(q_1\).
Second cas : il n'existe pas d'indice i pour lequel ai,i soit non nul.
Si \(q\) est nulle c'est fini sinon il existe au moins un \(a_{i,j}\) non nul (avec \(i<j\)). On dit usuellement que \(a_{i,j}x_ix_j\) est un terme rectangle.
Par exemple supposons \(a_{1,2}\) non nul et pour alléger l'écriture posons \(a=a_{1,2}\).
Alors \(q(x)=ax_1x_2+x_1B(x_3,\ldots,x_n)+x_2C(x_3,\ldots,x_n)+D(x_3,\ldots,x_n)\) où \(B\) et \(C\) sont des formes linéaires en \((x_2,\ldots,x_n)\) et \(D\) une forme quadratique en \((x_2,\ldots,x_n)\).
Alors on peut écrire : \(q(x)=a\left[x_1+\frac1aC(x_3,\ldots,x_n)\right]\left[x_2+\frac1aB(x_3,\ldots,x_n)\right]+D(x_3,\ldots,x_n)-\frac1aB(x_3,\ldots,x_n)C(x_3,\ldots,x_n)\)
Autrement dit : \(q(x)=al_1(x_1,x_3,\ldots,x_n)l_2(x_2,\ldots,x_n)+q_3(x_3,\ldots,x_n)\), où \(l_1\) et \(l_2\) sont des formes linéaires en \(x_1,x_3,\ldots,x_n\)et \(x_2,\ldots,x_n\) respectivement et \(q_3\) une forme quadratique en \(x_3,\ldots,x_n\).
En utilisant l'identité (2), il vient :
\(q(x)=\frac a4[l_1(x_1,x_3,\ldots,x_n)+l_2(x_2,\ldots,x_n)]^2-\frac a4[l_1(x_1,x_3,\ldots,x_n)-l_2(x_2,\ldots,x_n)]^2+q_3(x_3,\ldots,x_n)\)
On peut appliquer l'hypothèse de récurrence à la forme quadratique .
Dans les deux cas il est clair que les formes linéaires trouvées sont linéairement indépendantes, d'où le résultat.
\(Cela donne un algorithme\) pour trouver une décomposition de q en combinaison linéaire de carrés de formes linéaires linéairement indépendantes.
On commence en suivant la démarche précédente. Dans un cas comme dans l'autre, on aboutit soit à une expression de la forme ,
\(q(x)=a\left[x_1,\frac{1}{2a}B(x_2,x_3,\ldots,x_n)\right]^2+q_2(x_2,\ldots,x_n)\) soit à une expression de la forme :
\(q(x)=\frac a4[l_1(x_2,\ldots,x_n)+l_2(x_2,\ldots,x_n)]^2-\frac a4[l_1(x_2,\ldots,x_n)-l_2(x_2,\ldots,x_n)]^2+q_3(x_3,\ldots,x_n)\)
où \(q_2\) et \(q_3\) sont des formes quadratiques sur un espace de dimension strictement inférieur à \(n\) (ce sont des expressions polynomiales homogènes de degré 2 par rapport à \(n-1\) ou \(n-2\) variables).
Pour continuer, on réitère le procédé pour \(q_2\) et \(q_3\).
Remarques
Remarque : Remarque sur l'unicité et la méthode
Il y a des choix arbitraires tout au long de l'algorithme. Par exemple, s'il y a plusieurs coefficients \(a_{i,i}\) non nuls, on en choisit un à la première étape et tout le reste en dépend. On verra dans le paragraphe suivant que certains éléments d'une telle décomposition se conservent et ne dépendent donc que de la forme quadratique ou de la forme bilinéaire symétrique considérée.
Par exemple on sait déjà, compte tenu du théorème d'existence, que le nombre de formes linéaires intervenant explicitement c'est-à-dire précédées d'un coefficient non nul se conserve puisque c'est le rang de la forme quadratique.
Remarque : Remarque sur la méthode
Il y a bien sûr d'autres moyens d'écrire une forme quadratique comme combinaison linéaire de carrés de formes linéaires (voir l'exemple 2 suivant). La difficulté est de s'assurer que la méthode conduit à des formes linéaires, linéairement indépendantes. La méthode de Gauss assure cette indépendance linéaire qui n'a donc pas besoin d'être vérifiée à posteriori.