Décomposition d'un polynôme en facteurs irréductibles
La première étape de cette étude est le lemme suivant qui permet d'introduire la notion de valuation.
Lemme : Valuation
Soit \(R\) un polynôme irréductible dans \(K[X]\). Pour tout polynôme non nul \(P\) de \(K[X]\), il existe un entier naturel n et un polynôme \(Q\) non nul, premier avec \(R\) tel que \(P=R^nQ\). Le couple \((n,Q)\) est unique.
L'application qui à tout élément \(P\) non nul de \(K[X]\) associe l'entier naturel n défini ci-dessus s'appelle la valuation relative à \(R\) et se note \(\nu_R\).
L'entier n qui intervient dans cette formule est donc noté \(\nu_R~(P)\) et on l'appelle la valuation de \(P\) en \(R\).
On convient de poser \(\nu_R(0)=+\infty\).
L'existence est démontrée, lorsque \(P\) est non nul, par récurrence sur le degré de \(P\).
La démonstration de l'unicité est basée sur le théorème de Gauss.
Remarque : importante
Cet énoncé n'interdit pas à l'entier \(\nu_R~(P)\) d'être nul. Dire qu'il est nul est équivalent à dire que \(R\) ne divise pas \(P\).
Démonstration : complète du lemme
Existence
Si le degré de \(P\) est nul, \(n=0\) et \(Q=P\) conviennent.
On s'intéresse désormais aux polynômes non constants et l'on va faire une démonstration par récurrence sur le degré de \(P\).
* Soit \(P\) un polynôme de degré 1. Il est donc irréductible. Le résultat est alors vrai en prenant
\(n=0\) et \(Q=P\) si le polynôme \(P\) n'est pas égal à \(R\)
\(n=1\) et \(Q=1\) si le polynôme \(P\) est égal à \(R\)
Soit r un entier strictement positif.
* On suppose la propriété vraie pour tous les polynômes non nuls de degré strictement inférieur à r.
* Soit \(P\) un polynôme de degré r.
Si \(P\) est premier avec \(R\), on prend \(n=0\) et \(Q=P\).
Si \(P\) n'est pas premier avec \(R\), comme \(R\) est irréductible, \(R\) divise \(P\). Il existe donc un polynôme \(P_1\) tel que \(P=RP_1\). Comme le polynôme \(R\) n'est pas constant, le polynôme \(P_1\) est de degré strictement inférieur au degré de \(P\) et donc de degré strictement inférieur à r. On peut donc lui appliquer l'hypothèse de récurrence ce qui donne une décomposition pour \(P\).
Unicité
Pour démontrer l'unicité, on considère deux telles décompositions : soient donc deux couples \((n,Q)\) et \((n',Q')\) tels que \(P=R^nQ=R^{n'}Q'\).
Supposons les entiers n et \(n'\) différents. On a, par exemple, n strictement supérieur à \(n'\).
On déduit donc de l'égalité précédente et du fait que \(K[X]\) est un anneau intègre, l'égalité \(R^{n-n'}Q=Q'\) avec : \(n-n'>0\).
Le polynôme \(R\) divise donc le polynôme \(Q'\) ce qui est contraire au fait que \(R\) et \(Q'\) sont premiers entre eux. Donc : \(n=n'\). Toujours en utilisant l'intégrité de \(K[X]\), on en déduit que \(Q=Q'\).
La propriété précédente permet de démontrer le théorème très important suivant :
Théorème : Décomposition en facteurs irréductibles
Soit \(P\) un polynôme non constant de \(K[X]\). Alors il existe un scalaire \(\lambda\) non nul, des polynômes \(P_1,P_2,\ldots,P_k\) irréductibles sur \(K\), unitaires, distincts et des entiers positifs non nuls \(n_1,n_2,\ldots,n_k\), uniques tels que :
\(P=\lambda P_1^{n_1}P_2^{n_2}\ldots P_k^{n_k}\)
Principe de la preuve : pour tout polynôme \(P\), non constant, de \(K[X]\), l'ensemble des polynômes irréductibles unitaires \(R\) tels que \(\nu_R(P)\) soit non nul est non vide (d'après le théorème d'existence d'un diviseur irréductible) et fini. Si l'on désigne par \(P_1,P_2,\ldots,P_k\) ces polynômes, alors \(P\) peut s'écrire de manière unique sous la forme \(P=\lambda P_1^{n_1}P_2^{n_2}\ldots P_k^{n_k}\) où \(\lambda\) est le coefficient dominant de \(P\).
La démonstration de l'existence se fait par récurrence sur le degré de \(P\).
Celle de l'unicité se fait en utilisant les conséquences du théorème de Gauss sur les propriétés de divisibilité.
Les polynômes \(P_1,P_2,\ldots,P_k\) sont donc les polynômes irréductibles, tels que les entiers \(n_i=\nu_{P_i}(P)\) soient non nuls.
Démonstration : Existence de la décomposition en facteurs irréductibles des polynômes
C'est encore une démonstration par récurrence sur le degré de \(P\) qui va être utilisée.
Si le degré de \(P\) est nul, le résultat est évident.
Si le degré de \(P\) est égal à 1, \(P\) est irréductible et il y a un seul polynôme unitaire irréductible le divisant, à savoir le polynôme \(\frac{1}{\lambda}P=P_1\) où \(\lambda\) est le coefficient dominant de \(P\). On a donc \(P=\lambda P_1\).
Soit r un entier supérieur ou égal à 2.
La propriété est supposée vraie pour tout polynôme de degré strictement inférieur à r.
Soit \(P\) un polynôme de degré égal à r : on peut écrire ce polynôme sous la forme \(P=\lambda Q\), où \(\lambda\), élément de \(K^*\), est le coefficient dominant de \(P\) et où le polynôme \(Q\) est unitaire. Ce polynôme \(Q\) est donc de degré égal à r. Deux cas se présentent : ou bien \(Q\) est irréductible et c'est terminé, ou bien \(Q\) ne l'est pas et il admet alors un diviseur unitaire irréductible (d'après le théorème d'existence d'un diviseur irréductible). Alors \(Q=Q_1Q_2\), où \(Q_1\) est irréductible et \(Q_2\) est un polynôme non constant donc de degré strictement inférieur à r. On peut alors appliquer à \(Q_2\) l'hypothèse de récurrence, ce qui achève la démonstration.
Remarque :
la difficulté réside dans le fait que ce théorème est un théorème d'existence dont la démonstration n'est pas effective et ne nous donne pas de procédé pratique pour trouver explicitement la décomposition en produit de polynômes irréductibles d'un polynôme.
En général on ne sait pas le faire. L'étude des racines apportera une aide, mais ne permettra pas de résoudre entièrement le problème.