Restriction à un sous-espace vectoriel stable d'un endomorphisme diagonalisable. Première méthode
Partie
Question
Les hypothèses de cet exercice utilisent le résultat de l'exercice 1 :
Un sous-espace stable par un endomorphisme diagonalisable admet un supplémentaire stable.
Soient \(E\) un espace vectoriel sur \(\mathbb R\) ou \(\mathbb C\) de dimension finie \(n\), \(n\in\mathbb N^*\), \(f\) un endomorphisme de \(E\) diagonalisable, \(P_{\textrm{car},f}\) son polynôme caractéristique.
Soit \(F\) un sous-espace vectoriel de \(E\) de dimension \(r\), \(0<r<n\), stable par \(f\).
Soit \(G\) un supplémentaire de \(F\) stable par \(f\).
On note \(f_{|F}\) et \(f_{|G}\) les restrictions de \(f\) aux sous-espaces \(F\) et \(G\).
On peut donc considérer leurs polynômes caractéristiques \(P_{\textrm{car},f_{|F}}\) et \(P_{\textrm{car},f_{|G}}\).
Montrer l'égalité \(P_{\textrm{car},f}=P_{\textrm{car},f_{|F}}\times P_{\textrm{car},f_{|G}}\).
Soit \(\lambda\) une valeur propre de \(f\) et \(E_\lambda\) le sous-espace propre associé à \(\lambda\).
On note \(F_{(\lambda)}\) et \(G_{(\lambda)}\) les sous-espaces vectoriels de \(E\) suivants :
\(F_{(\lambda)}=F\cap E_\lambda\) et \(G_{(\lambda)}=G\cap E_\lambda\).
a. Montrer l'égalité : \(E_\lambda=F_{(\lambda)}\oplus G_{(\lambda)}\).
b. Montrer que si \(F_{(\lambda)}\) n'est pas réduit au vecteur nul alors \(\lambda\) est une valeur propre de \(f_{\mid F}\), et \(F_{(\lambda)}\), considéré comme sous-espace vectoriel de \(F\), est le sous-espace propre associé à la valeur propre \(\lambda\) de \(f_{\mid F}\).
Montrer à l'aide des questions 1 et 2 que la restriction de \(f\) au sous-espace vectoriel \(F\) est diagonalisable.
Aide simple
1. Déterminer la matrice de \(f\) dans une base formée de la réunion des bases de \(F\) et de \(G\).
3. Pour chaque valeur propre \(\lambda\), considérer les deux cas \(G_{(\lambda)}=\{0\}\), et \(G_{(\lambda)}\ne\{0\}\), et dans ce dernier cas le 2.b reste vrai quand on remplace \(F\) par \(G\).
Aide méthodologique
Puisque le texte fait intervenir les polynômes caractéristiques, pour montrer qu'un endomorphisme \(l\) d'un espace vectoriel \(L\) est diagonalisable il suffit de montrer que le polynôme caractéristique de \(l\) est scindé et que pour chaque valeur propre la dimension du sous-espace propre associé est égale à l'ordre de multiplicité de la valeur propre dans le polynôme caractéristique.
Aide à la lecture
D'après le résultat de l'exercice précédent, il existe un supplémentaire \(G\) de \(F\) stable par \(f\). Donc \(F\) et \(G\) sont tous deux stables par \(f\).
Rappel : Un sous-espace vectoriel \(H\) est stable par \(f\) s'il vérifie la propriété « l'image par \(f\) de tout élément de \(H\) appartient à \(H\) ». On peut donc considérer l'application suivante :
\(\begin{array}{lll}f_{\mid H} :&H\rightarrow H\\&x\mapsto f(x)\end{array}\)
L'application \(f_{\mid H}\) est un endomorphisme de \(H\), appelée restriction de \(f\) au sous-espace \(H\). Le but de l'exercice est de démontrer que \(f_{\mid F}\) est diagonalisable.
Solution détaillée
Soit \(G\) un supplémentaire de \(F\), stable par \(f\) (un tel sous-espace existe d'après le résultat de l'exercice précédent, rappelé en début d'énoncé), et soit \(B'\) une base de \(E\) formée de la réunion d'une base \(B_1\) de \(F\) et d'une base \(B_2\) de \(G\).
Soient \(B_1=(e_1,e_2,\ldots,e_r)\) et \(B_2=(e_{r+1},e_{r+2},\ldots,e_n)\).
Soient \(f_{\mid F}\) et \(f_{\mid G}\) les restrictions de \(f\) aux sous-espaces vectoriels \(F\) et \(G\), \(A_1\) la matrice de \(f_{\mid F}\) dans la base \(B_1\), \(A_2\) la matrice de \(f_{\mid G}\) dans la base \(B_2\), et \(A\) la matrice de \(f\) dans la base \(B'\).
Pour \(i\), \(1\le i\le r\), \(f_{\mid F}(e_i)=\alpha_{1,i}e_1+\alpha_{2,i}e_2+\ldots+\alpha_{r,i}e_r\)
et \(f(e_i)=\alpha_{1,i}e_1+\alpha_{2,i}e_2+\ldots+\alpha_{r,i}e_r+0e_{r+1}+0e_{r+2}+\ldots+0e_n\)
Pour \(i\), \(r+1\le i\le n\), \(f_{\mid G}(e_i)=\alpha_{r+1,i}e_{r+1}+\alpha_{r+2,i}e_{r+2}+\ldots+\alpha_{n,i}e_n\)
et \(f(e_i)=0e_1+0e_2+\ldots0e_r+\alpha_{r+1,i}e_{r+1}+\alpha_{r+2,i}e_{r+2}+\ldots+\alpha_{n,i}e_n\)
Alors \(A_1\) est la matrice \(\left(\alpha_{k,i}\right)_{1\le k,i\le r}\), \(A_2\) est la matrice \(\left(\alpha_{k,i}\right)_{r+1\le k,i\le n}\), et la matrice \(A\) est donc de la forme :
\(A=\left(\begin{array}{cc}A_1&O_{r,n-r}\\0_{n-r,r}&A_2\end{array}\right)\) ,
\(0_{p,q}\) étant la matrice nulle à \(p\) lignes et \(q\) colonnes.
Le polynôme caractéristique de \(f\) est le déterminant de la matrice \(A-XI_n\) :
\(A-XI_n=\left(\begin{array}{cc}A_1-XI_r&0_{r,n-r}\\0_{n-r,r}&A_2-XI_{n-r}\end{array}\right)\),
\(I_t\) étant la matrice unité d'ordre \(t\).
D'après les propriétés des déterminants, on a
\(\textrm{det}(A-XI_n)=\textrm{det}(A_1-XI_r)\times\textrm{det}(A_2-XI_{n-r})\).
On reconnaît l'égalité : \(P_{\textrm{car},f}=P_{\textrm{car},f_{\mid F}}\times P_{\textrm{car},f_{\mid G}}\).
Soient \(\lambda\) une valeur propre de \(f\), \(E_\lambda\) le sous-espace propre associé à \(\lambda\),
\(F_{(\lambda)}=F\cap E_\lambda=\{x\in F|f(x)=\lambda x\}\) et \(G_{(\lambda)}=G\cap E_\lambda=\{x\in G|f(x)=\lambda x\}\).
(Remarque : l'un de ces sous-espaces vectoriels peut ne contenir que le vecteur nul).
2.a. On veut montrer l'égalité \(E_\lambda=F_{(\lambda)}\oplus G_{(\lambda)}\).
On sait que \(F\) et \(G\) sont des sous-espaces supplémentaires, donc \(F\cap G=\{0\}\), à fortiori \(F_{(\lambda)}\cap G_{(\lambda)}=\{0\}\). Donc la somme de \(F_{(\lambda)}\) et \(G_{(\lambda)}\) est directe et comme chacun d'eux est inclus dans \(E_\lambda\), on a \(F_{(\lambda)}\oplus G_{(\lambda)}\subset E_\lambda\).
On montre \(E_\lambda\subset F_{(\lambda)}\oplus G_{(\lambda)}\) :
Soit \(u\) un élément de \(E_\lambda\), donc \(f(u)=\lambda u\) ; \(u\), en tant qu'élément de \(E\), s'écrit \(u=u_1+u_2\), \(u_1\in F\), \(u_2\in G\).
Ceci entraîne à la fois \(f(u)=\lambda(u_1+u_2)=\lambda u_1+\lambda u_2\) et \(f(u)=f(u_1)+f(u_2)\).
Or \(F\) et \(G\) sont stables par \(f\) donc \(f(u_1)\in F\) et \(f(u_2)\in G\), et comme la somme de \(F\) et \(G\) est directe, l'écriture de \(f(u)\) comme somme d'un élément de \(F\) et d'un élément de \(G\) est unique.
Cela entraîne : \(f(u_1)=\lambda u_1\) et \(f(u_2)=\lambda u_2\).
Donc \(u_1\in F_{(\lambda)}\) et \(u_2\in G_{(\lambda)}\) d'où \(E_\lambda\subset F_{(\lambda)}\oplus G_{(\lambda)}\).
On a bien montré l'égalité \(E_\lambda=F_{(\lambda)}\oplus G_{(\lambda)}\).
2.b. Si \(F_{(\lambda)}\) n'est pas réduit au vecteur nul, soit \(v\) non nul appartenant à \(F_{(\lambda)}=F\cap E_\lambda\); alors \(v\) appartient à \(F\) et \(f(v)=\lambda v\); donc \(f_{\mid F}(v)=\lambda v\); d'après la définition de vecteur propre, \(v\) est un vecteur propre de \(f_{\mid F}\) et \(\lambda\) est une valeur propre de \(f_{\mid F}\).
Réciproquement, si \(\lambda\) est une valeur propre de \(f_{\mid F}\), il existe un vecteur \(v\) non nul appartenant à \(F\) tel que \(f_{|F}(v)=\lambda v\) or \(f_{\mid F}(v)=f(v)\), donc \(f(v)=\lambda v\) et \(v\) appartient à \(F\cap E_\lambda\).
Donc \(F_{(\lambda)}\), considéré comme sous-espace vectoriel de \(F\), est le sous-espace propre associé à la valeur propre \(\lambda\) de \(f_{\mid F}\).
Comme \(f\) est diagonalisable, son polynôme caractéristique est scindé. Or le polynôme caractéristique de \(f_{\mid F}\) divise le polynôme caractéristique de \(f\), (question 1), donc le polynôme caractéristique de \(f_{\mid F}\), \(P_{\textrm{car},f_{\mid F}}\), est scindé, et toute racine de \(P_{\textrm{car},f_{\mid F}}\) est racine de \(P_{\textrm{car},f}\).
Soit \(\lambda\) une racine de \(P_{\textrm{car},f_{\mid F}}\), \(\lambda\) est une valeur propre de \(f_{\mid F}\), donc aussi de \(f\), et \(F_{(\lambda)}=F\cap E_\lambda\) est le sous-espace propre associé à la valeur propre \(\lambda\) de \(f_{\mid F}\), d'après la question 2.
On sait que la dimension de \(F_{(\lambda)}\) est inférieure ou égale à l'ordre de multiplicité de \(\lambda\) dans \(P_{\textrm{car},f_{\mid F}}\).
Pour montrer que \(f_{\mid F}\) est diagonalisable, on montre que la dimension de \(f_{(\lambda)}\) est égale à l'ordre de multiplicité de \(\lambda\) dans \(P_{\textrm{car},f_{\mid F}}\):
si \(G_{(\lambda)}\) est réduit au vecteur nul, alors :
d'une part \(\lambda\) n'est pas racine de \(P_{\textrm{car},f_{|G}}\), et comme \(P_{\textrm{car},f}=P_{\textrm{car},f_{|F}}\times P_{\textrm{car},f_{|G}}\), l'ordre de multiplicité de \(\lambda\) dans \(P_{\textrm{car},f_{|F}}\) est égal à l'ordre de multiplicité de \(\lambda\) dans \(P_{\textrm{car},f}\) ;
d'autre part \(E_\lambda=F_{(\lambda)}\oplus G_{(\lambda)}=F_{(\lambda)}\oplus\{0\}\), ceci entraîne donc \(E_\lambda=F_{(\lambda)}\). Or \(f\) est diagonalisable donc la dimension de \(E_\lambda\) est égale à l'ordre de multiplicité de \(\lambda\) dans \(P_{\textrm{car},f}\) et donc la dimension de \(F_{(\lambda)}\) est égale à l'ordre de multiplicité de \(\lambda\) dans \(P_{\textrm{car},f_{|F}}\).
si \(G_{(\lambda)}\) n'est pas réduit au vecteur nul,
ce qui est vrai pour \(F_{(\lambda)}\) est vrai pour \(G_{(\lambda)}\) : \(G_{(\lambda)}\), considéré comme sous-espace vectoriel de \(G\), est le sous-espace propre associé à la valeur propre \(\lambda\) de \(f_{|G}\) et la dimension de \(G_{(\lambda)}\) est inférieure ou égale à l'ordre de multiplicité de \(\lambda\) dans \(P_{\textrm{car},f_{|G}}\).
On fait alors une démonstration par l'absurde :
Supposons que la dimension de \(F_{(\lambda)}\) est strictement inférieure à l'ordre de multiplicité de \(\lambda\) dans \(P_{\textrm{car},f_{|F}}\).
Comme \(E_\lambda=F_{(\lambda)}\oplus G_{(\lambda)}\), \(\textrm{dim }(E_\lambda)=\textrm{dim }(F_{(\lambda)})+\textrm{dim }(G_{(\lambda)})\), et donc la dimension de \(E_\lambda\) serait strictement inférieure à la somme des ordres de multiplicité de \(\lambda\) dans \(P_{\textrm{car},f_{|F}}\) et \(P_{\textrm{car},f_{|G}}\); or cette somme est égale à l'ordre de multiplicité de \(\lambda\) dans \(P_{\textrm{car},f}\) car \(P_{\textrm{car},f}=P_{\textrm{car},f_{|F}}\times P_{\textrm{car},f_{|G}}\).
Donc la dimension de \(E_\lambda\) serait strictement inférieure à l'ordre de multiplicité de \(\lambda\) dans \(P_{\textrm{car},f}\), ce qui est absurde car \(f\) est diagonalisable.