Matrices réelles diagonalisables sur R et C, importance du corps de base

Partie

Question

  1. Soit \(A=\left(\begin{array}{cc}0&-1\\1&0\end{array}\right)\).

    Montrer que \(A\) n'est pas diagonalisable dans \(M_2(\mathbb R)\) mais qu'elle est diagonalisable dans \(M_2(\mathbb C)\).

  2. Soient \(n>1\) un entier et \(A\in M_n(\mathbb R)\) une matrice qui admet une valeur propre réelle \(\lambda\).

    On note \(f\) l'endomorphisme du \(\mathbb R\)-espace vectoriel \(\mathbb R^n\) dont la matrice dans la base canonique est \(A\), et \(E_\lambda\) le sous-espace propre de \(f\) associé à la valeur propre \(\lambda\).

    On note \(g\) l'endomorphisme du \(\mathbb C\)-espace vectoriel \(\mathbb C^n\) dont la matrice dans la base canonique est \(A\), et \(F_\lambda\) le sous-espace propre de \(g\) associé à la valeur propre \(\lambda\).

    Montrer que \(E_\lambda\) et \(F_\lambda\) ont la même dimension.

  3. Soit \(A\in M_n(\mathbb R)\) une matrice dont le polynôme caractéristique est scindé sur \(\mathbb R\).

    Montrer que \(A\) est diagonalisable dans \(M_n(\mathbb R)\) si et seulement si elle est diagonalisable dans \(M_n(\mathbb C)\).

Aide simple

Lorsque \(M\) est une matrice de \(M_n(\mathbf K)\) (\(\mathbf K=\mathbb R\) ou \(\mathbf K=\mathbb C\)), le rang de \(M\) est le plus grand entier \(r\) tel qu'il existe une matrice extraite de \(M\) d'ordre \(r\) dont le déterminant n'est pas nul.

Aide méthodologique

Une matrice carrée à coefficients dans \(\mathbf K\) (ou un endomorphisme d'un \(\mathbf K\)-espace vectoriel de dimension finie) (\(\mathbf K=\mathbb R\) ou \(\mathbf K=\mathbb C\)) est diagonalisable si et seulement si son polynôme caractéristique est scindé sur \(\mathbf K\) et, pour chaque valeur propre, la dimension du sous-espace propre associé est égale à son ordre de multiplicité en tant que racine du polynôme caractéristique.

Pour calculer la dimension du noyau d'un endomorphisme on peut utiliser le théorème du rang. Le rang d'un endomorphisme est aussi égal au rang de la matrice qui lui est associée lorsque l'on choisit une base.

Le rang d'une matrice peut aussi être défini à l'aide des déterminants.

Aide à la lecture

Dans la question 1. nous avons une matrice à coefficient réels qui n'est pas diagonalisable en tant que matrice de \(M_2(\mathbb R)\) mais l'est en tant que matrice de \(M_2(\mathbb C)\).

Dans la question 2., \(E_\lambda\) est un sous-espace vectoriel du \(\mathbb R\)-espace vectoriel \(\mathbb R^n\), tandis que \(F_\lambda\) est un sous-espace vectoriel du \(\mathbb C\)-espace vectoriel \(\mathbb C^n\).

Solution détaillée
  1. Une matrice carrée à coefficients dans \(\mathbf K\) ( \(\mathbf K=\mathbb R\) ou \(\mathbf K=\mathbb C\)) est diagonalisable si et seulement si son polynôme caractéristique est scindé sur \(\mathbf K\) et, pour chaque valeur propre, la dimension du sous-espace propre associé est égale à son ordre de multiplicité en tant que racine du polynôme caractéristique.

    Pour savoir si \(A\) est diagonalisable nous devons calculer son polynôme caractéristique et s'il est scindé dans \(\mathbf K\), la dimension des sous-espaces propres. Nous avons :

    \(P_{\textrm{car},A}(X)=\left|\begin{array}{cc}-X&-1\\1&-X\end{array}\right|=X^2+1\).

    • \(P_{\textrm{car},A}(X)\) n'est pas scindé sur \(\mathbb R\), par conséquent \(A\) n'est pas diagonalisable sur \(M_2(\mathbb R)\).

    • \(P_{\textrm{car},A}(X)=(X-i)(X+i)\) est scindé sur \(\mathbb C\) et ses racines sont simples, par conséquent \(A\) est diagonalisable sur \(M_2(\mathbb C)\).

  2. Le sous-espace vectoriel \(E_\lambda\) est le noyau de l'endomorphisme \((f-\lambda\textrm{Id}_{\mathbb R^n})\). Si \(I_n\) est la matrice unité de \(M_n(\mathbb R)\), la matrice de \((f-\lambda\textrm{Id}_{\mathbb R^n})\) dans la base canonique de \(\mathbb R^n\) est la matrice \(M_\lambda=A-\lambda I_n\), et le rang de l'endomorphisme \((f-\lambda\textrm{Id}_{\mathbb R^n})\) est aussi le rang de la matrice \(M_\lambda=A-\lambda I_n\). D'après le théorème du rang nous avons :

    \(\textrm{rang}(f-\lambda\textrm{Id}_{\mathbb R^n})=n-\textrm{dim}_\mathbb R\textrm{ker}(f-\lambda\textrm{Id}_{\mathbb R^n})\),

    ce qui nous donne

    \(\textrm{dim}_\mathbb R(E_\lambda)=n-\textrm{rang}(M_\lambda)\).

    De même nous avons :

    \(\textrm{rang}(g-\lambda\textrm{Id}_{\mathbb C^n})=n-\textrm{dim}_\mathbb C\textrm{ker}(g-\lambda\textrm{Id}_{\mathbb C^n})\), ce qui nous donne \(\textrm{dim}_\mathbb C(F_\lambda)=n-\textrm{rang}(M_\lambda)\).

    Rappel : Lorsque \(M\) est une matrice de \(M_n(\mathbf K)\) (\(\mathbf K=\mathbb R\) ou \(\mathbf K=\mathbb C\)), le rang de \(M\) est le plus grand entier \(r\) tel qu'il existe une matrice extraite de \(M\) d'ordre \(r\) dont le déterminant n'est pas nul.

    Il en résulte que la matrice \(M_\lambda\) étant une matrice à coefficients réels son rang est le même lorsque nous la considérons comme matrice de \(M_n(\mathbb R)\) ou de \(M_n(\mathbb C)\) et nous obtenons :

    \(\textrm{dim}_\mathbb R(E_\lambda)=\textrm{dim}_\mathbb C(F_\lambda)\).

  3. La matrice \(A\) est une matrice à coefficients réels dont le polynôme caractéristique est scindé dans \(\mathbb R\). Notons \(\lambda_1<\lambda_2<\cdots<\lambda_r\) les racines de ce polynôme et \(n_1,n_2,\cdots,n_r\) leurs multiplicités. Nous avons

    \(P_{\textrm{car},A}(X)=\prod_{i=1}^n(\lambda_i-X)^{n_i}\).

    Comme dans la question 2. nous notons :

    • \(f\) l'endomorphisme du \(\mathbb R\)-espace vectoriel \(\mathbb R^n\) dont la matrice dans la base canonique est \(A\). Nous avons \(P_{\textrm{car},f}(X)=\prod_{i=1}^r(\lambda_i-X)^{n_i}\), et nous appelons \(E_i\) le sous-espace propre de \(f\) associé à la valeur propre \(\lambda_i\).

    • \(g\) l'endomorphisme du \(\mathbb C\)-espace vectoriel \(\mathbb C^n\) dont la matrice dans la base canonique est \(A\). Nous avons \(P_{\textrm{car},g}(X)=\prod_{i=1}^r(\lambda_i-X)^{n_i}\), et nous appelons \(F_i\) le sous-espace propre de \(g\) associé à la valeur propre \(\lambda_i\).

    Nous avons montré dans la question 2. l'égalité \(\textrm{dim}_\mathbb R(E_i)=\textrm{dim}_\mathbb C(F_i)\). Le polynôme caractéristique de \(f\) étant scindé sur \(\mathbb R\), \(f\) est diagonalisable si et seulement si pour tout \(i\in\{1,\cdots,r\}\) nous avons \(\textrm{dim}_\mathbb R(E_i)=n_i\), et \(g\) est diagonalisable si et seulement si pour tout \(i\in\{1,\cdots,r\}\) nous avons \(\textrm{dim}_\mathbb C(F_i)=n_i\). Par conséquent l'endomorphisme \(f\) du \(\mathbb R\)-espace vectoriel \(\mathbb R^n\) est diagonalisable si et seulement si l'endomorphisme \(g\) du \(\mathbb C\)-espace vectoriel \(\mathbb C^n\) est diagonalisable.

    Or la matrice \(A\) est diagonalisable dans \(M_n(\mathbb R)\) si et seulement si l'endomorphisme \(f\) du \(\mathbb R\)-espace vectoriel \(\mathbb R^n\) est diagonalisable. De même la matrice \(A\) est diagonalisable dans \(M_n(\mathbb C)\) si et seulement si l'endomorphisme \(g\) du \(\mathbb C\)-espace vectoriel \(\mathbb C^n\) est diagonalisable.

    Par conséquent nous avons prouvé que lorsque \(A\in M_n(\mathbb R)\) est une matrice dont le polynôme caractéristique est scindé sur \(\mathbb R\), \(A\) est diagonalisable dans \(M_n(\mathbb R)\) si et seulement si \(A\) est diagonalisable dans \(M_n(\mathbb C)\).