Définition
Soit \(f\) une application linéaire de \(E\) dans lui-même. L'étude de \(\textrm{Ann}(f)\), noyau de \(\Phi_f\), conduit au théorème définition suivant :
Théorème : Définition : polynôme minimal d'un endomorphisme
Soit \(E\) un espace vectoriel de type fini et \(f\) un endomorphisme de \(E\). L'ensemble \(\textrm{Ann}(f)\), noyau de \(\Phi_f\), vérifie les propriétés suivantes :
Ann\((f)\) est un idéal de \(\mathbf K[X]\), non réduit à \(0\).
Il existe un unique polynôme unitaire tel que tout polynôme annulateur de \(f\) soit un multiple de ce polynôme.
Ce polynôme est appelé le polynôme minimal de \(f\) et est noté \(P_{\textrm{min},f}\).
Ceci peut être écrit sous la forme :
Ann\((f)=P_{\textrm{min},f}\mathbf K[X]=\{Q\in\mathbf K[X] ;\exists Q_1\in\mathbf K[X],Q=P_{\textrm{min},f}Q_1\}\)
Preuve : Preuve de la propriété 1.
On a déjà remarqué que \(\Phi_f\) est une application linéaire de \(\mathbf K[X]\) dans \(L_\mathbf K(E)\). Donc son noyau est un sous-espace vectoriel de \(\mathbf K[X]\), en particulier il est non vide et stable pour la soustraction.
De plus, si \(P\) est un élément de Ann\((f)\) et \(Q\) un élément quelconque de \(\mathbf K[X],\Phi_f(PQ)=\Phi_f(QP)=\Phi_f(P)\bigcirc\Phi_f(Q)=0\), car \(\Phi_f(P)=0\).
Donc \(PQ\) appartient à Ann\((f)\).
Donc Ann\((f)\) est un idéal de \(\mathbf K[X]\).
Remarque :
Pour les étudiants connaissant la théorie des anneaux, ce résultat est immédiat puisque \(\Phi_f\) est un morphisme d'anneau ; en effet le noyau d'un morphisme d'anneau est un idéal de l'anneau de départ.
Preuve :
Il reste à montrer que Ann\((f)\) n'est pas réduit au polynôme nul.
C'est là qu'intervient fondamentalement l'hypothèse faite sur \(E\) d'être de type fini.
Soit \(n\) la dimension de \(E\). L'espace vectoriel \(L_\mathbf K(E)\) est alors un espace vectoriel de type fini dont la dimension est \(n^2\).
Or, la famille \(\{Id_E,f,f^2,\cdots,f^{n^2}\}\) comprend \(n^2+1\) éléments de \(L_\mathbf K(E)\), donc elle n'est pas libre et \(Id_E,f,f^2,\cdots,f^{n^2}\) sont linéairement dépendants.
Il existe donc \(n^2+1\) éléments de \(\mathbf K,a_0,a_1,a_2,\cdots,a_{n^2}\), non tous nuls, tels que \(a_0Id_E+a_1f+a_2f^2+\cdots+a_{n^2}f^{n^2}=0\).
Le polynôme \(a_0+a_1X+a_2X^2+\cdots+a_{n^2}X^{n^2}\) est donc un polynôme annulateur de \(f\), donc est un élément de Ann\((f)\) et il n'est pas nul car \((a_0,a_1,a_2,\cdots,a_{n^2})\) est différent de \((0,0,\cdots,0)\).
Preuve : Preuve de la propriété 2 : l'existence d'un polynôme P satisfaisant au problème
Soit \(N_f\) l'ensemble des degrés des polynômes non nuls éléments de Ann\((f)\), c'est-à-dire l'ensemble des entiers \(n\) tels qu'il existe \(P\in\) Ann\((f)\) , non nul, avec deg\((P)=n\). Comme l'idéal Ann\((f)\), n'est pas réduit à \(0,N_f\) est une partie non vide de \(\mathbb N\), donc possède un plus petit élément noté \(n_0\).
On a donc les deux propriétés :
\(\displaystyle{\begin{array}{ll}\forall P\in\textrm{Ann}(f),P\neq 0,\textrm{deg}P\geq n_0\\\exists P_0\in\textrm{Ann}(f),n_0=\textrm{deg}(P_0)\end{array}}\)
Soit \(P\) un élément quelconque de Ann\((f)\); en faisant la division euclidienne de \(P\) par \(P_0\) on obtient :
\(\exists!(Q,R)\in(\mathbf K)[X])^2,P=QP_0+R\) , avec \(R=0\) ou deg\((R)< n_0\)
Comme Ann\((f)\) est un idéal de \(\mathbf K[X],QP_0\) est un élément de Ann\((f)\), (\(P_0\in\) Ann\((f)\) et \(Q\in\mathbf K[X])\) et par conséquent le polynôme \(R=P-QP_0\) est aussi élément de \(\textrm{Ann}(f)\).
\(R\neq0\), d'après la définition de \(n_0\), on a l'inégalité : deg\((R)\geq n_0\).
On a donc une contradiction, puisque d'après la propriété de la division euclidienne on a deg\((R)< n_0\).
L'hypothèse \(R\neq0\) est donc absurde et on a \(R=0\).
Alors \(P=QP_0\). Ceci prouve l'inclusion \(P_0\mathbf K[X]\supset\) Ann\((f)\).
L'autre inclusion est immédiate, car \(P_0\) appartient à Ann\((f)\).
Remarque :
Le rôle joué par la division euclidienne dans cette démonstration est fondamental.
Preuve : Preuve de la propriété 2 : l'unicité d'un polynôme unitaire satisfaisant au problème
Si \(P\) est tel que Ann\((f)=P\mathbf K[X]\), pour toute constante non nulle \(c\) appartenant à \(\mathbf K\), le polynôme \(cP=P_1\) engendre Ann\((f)\) (i.e. Ann\((f)=P_1\mathbf K[X])\).
Soit \(P_1\) un autre polynôme tel que Ann\((f)=P_1\mathbf K[X]\)). Alors \(P_1\mathbf K[X]=P_0\mathbf K[X]\).
Donc il existe \(\lambda\in\mathbf K\) tel que \(P_0=\lambda P_1\). Et il existe \(\beta\in\mathbf K\) tel que \(P_1=\beta P_0\).
Tous les polynômes \(P\) tels que Ann\((f)=P\mathbf K[X]\) s'obtiennent donc les uns à partir des autres par multiplication par une constante non nulle ; donc s'ils sont unitaires, ils sont égaux.
On en déduit immédiatement l'existence et l'unicité d'un polynôme unitaire engendrant Ann\((f)\).
Remarque :
La propriété qui vient d'être démontrée est un résultat général des idéaux de l'anneau \(\mathbf K[X]\).
Théorème : caractérisation des idéaux de K[X]
Pour tout idéal \(I\) de \(\mathbf K[X]\), il existe un polynôme \(P\) tel que \(I\) soit égal à l'ensemble des multiples de \(P\). Ce qui peut s'écrire :
\(I=P\mathbf K[X]=\{Q\in\mathbf K[X] ;\exists Q_1\in\mathbf K[X],Q=PQ_1\}\)
On dit que \(I\) est engendré par \(P\). Si \(I\) n'est pas réduit au polynôme nul, \(P\) est non nul. Si, de plus, on impose à \(P\) d'être unitaire, il est unique.
Vocabulaire :
Un idéal engendré par un élément est appelé un idéal principal.
Il résulte du théorème que tous les idéaux de \(\mathbf K[X]\) sont principaux.
Un anneau intègre dont tous les idéaux sont principaux est appelé un anneau principal. Donc, \(\mathbf K[X]\) est un anneau principal.
Remarque : Important
Il résulte de la construction du polynôme minimal que nous venons de faire que le polynôme minimal de \(f\) est le polynôme unitaire annulateur de \(f\) de plus bas degré. Cette remarque est souvent utile dans la pratique pour trouver explicitement le polynôme minimal d'un endomorphisme.
Remarque : Autres remarques
\(P_{\textrm{min},f}(X)=1\Leftrightarrow E=\{0\}\)
Donc dans toute la suite on suppose que \(E\) est différent de \(\{0\}\).
Si \(E\) est différent de \(\{0\},P_{\textrm{min},f}(X)=X\) si et seulement si \(f=0\).