Etude d'endomorphisme dont une puissance est diagonalisable
Partie
Question
Partie A :
Soit \(E\) un \(\mathbb C\)-espace vectoriel de dimension finie et \(f\) un endomorphisme de \(E\).
On suppose \(f\) diagonalisable. Montrer que pour tout entier \(m\ge1\), \(f^m\) est diagonalisable.
On suppose dans cette question que \(E\) est de dimension supérieure ou égale à 2. On note \(n\) la dimension de \(E\), \((e_1,\cdots,e_n)\) une base de \(E\), et \(f\) l'endomorphisme de \(E\) défini par \(f(e_1)=\cdots=f(e_{n-1})=0\) et \(f(e_n)=e_1\).
Vérifier que \(f^2\) est diagonalisable. L'endomorphisme \(f\) est-il diagonalisable ?
L'endomorphisme \(f\) est-il inversible ?
On suppose que \(f\) est inversible et qu'il existe un entier \(k\), \(k\ge2\), tel que \(f^k\) soit diagonalisable. On note \(P_{\textrm{min},f}(X)\) le polynôme minimal de \(f\) et \(P_{\textrm{min},f^k}(X)\) le polynôme minimal de \(f^k\).
i. Montrer que \(f^k\) est inversible. En déduire que \(P_{\textrm{min},f^k}(0)\ne0\).
ii. On considère le polynôme \(Q(X)=P_{\textrm{min},f^k}(X^k)\). Montrer que les racines du polynôme \(Q(X)\) sont simples.
iii. Montrer que le polynôme \(P_{\textrm{min},f}(X)\) divise le polynôme \(Q(X)\). En déduire que \(f\) est diagonalisable.
Partie B : Des exemples
Soit \(E\) un \(\mathbb C\)-espace vectoriel de dimension 4, \((e_1,e_2,e_3,e_4)\) une base de \(E\) et \(f\) l'endomorphisme de \(E\) défini par :
\(f(e_1)=e_4, f(e_2)=3e_3, f(e_3)=3e_2, f(e_4)=9e_1\)
Calculer \(f^2\). Montrer que \(f\) est diagonalisable et déterminer son polynôme minimal.
Soit \(E\) un \(\mathbb R\)-espace vectoriel de dimension 2, \((e_1,e_2)\) une base de \(E\) et \(f\) l'endomorphisme de \(E\) défini par :
\(f(e_1)=e_2, f(e_2)=-e_1\)
Calculer \(f^2\). L'endomorphisme \(f\) est-il diagonalisable ?
Aide simple
Partie A :
3.i. Un endomorphisme est injectif si et seulement si \(0\) n'est pas une valeur propre.
3.ii. Le polynôme \(X^k-\lambda\) où \(k\) est un entier supérieur ou égal à 2 et \(\lambda\) un nombre complexe non nul, admet \(k\) racines distinctes dans \(\mathbb C\) que l'on appelle les racines \(k\)-ièmes de \(\lambda\).
3.iii. Calculer \(Q(f)\).
Partie B :
Déterminer le polynôme minimal de \(f\).
Aide méthodologique
Pour prouver qu'un endomorphisme est diagonalisable on peut montrer l'existence d'une base de vecteurs propres ou utiliser le polynôme minimal.
Aide à la lecture
Dans cet exercice, mis à part le dernier exemple, on se place sur un espace vectoriel de dimension finie dont le corps de base est \(\mathbb C\). Dans la partie A, on établit dans la question 1. que lorsqu'un endomorphisme est diagonalisable, toute puissance de cet endomorphisme est diagonalisable. Le but de la question 3. est d'établir une réciproque de cette propriété lorsque l'endomorphisme est inversible. La partie B propose des exemples qui illustrent cette propriété. Dans l'exemple 2, le corps de base est \(\mathbb R\) et non \(\mathbb C\).
Solution détaillée
Partie A :
L'endomorphisme \(f\) du \(\mathbb C\)-espace vectoriel de dimension finie \(E\) étant diagonalisable il existe une base \(B\) de \(E\) formée de vecteurs propres de \(f\). Si \(e_i\) est un vecteur de cette base, il existe un scalaire \(\lambda_i\) tel que :
\(f(e_i)=\lambda_ie_i\)
Par conséquent, si l'entier \(m\) est supérieur ou égal à 1, on a
\(f^m(e_i)={\lambda_i}^me_i\) et \(B\) est une base de \(E\) formée de vecteurs propres de \(f^m\) : l'endomorphisme \(f^m\) est diagonalisable.
Comme l'endomorphisme \(f\) de \(E\) est défini sur la base \((e_1,\cdots,e_n)\) par
\(f(e_1)=\cdots=f(e_{n-1})=0, f(e_n)=e_1\) ,
on a \(f^2(e_1)=\cdots=f^2(e_{n-1})=f(e_n)=0\) et \(f^2\) est l'endomorphisme nul de \(E\). La matrice de \(f^2\) dans n'importe quelle base de \(E\) est la matrice nulle, donc \(f^2\) est diagonalisable.
Le polynôme \(P(X)=X^2\) est un polynôme annulateur de \(f\), donc son polynôme minimal est un diviseur de \(P(X)\). On a donc :
\(P_{\textrm{min},f}(X)=X\) ou \(P_{\textrm{min},f}(X)=X^2\)
Comme \(f\) n'est pas l'endomorphisme nul on obtient :
\(P_{\textrm{min},f}(X)=X^2\)
Le polynôme minimal de \(f\) admet \(0\) pour racine double donc \(f\) n'est pas diagonalisable.
(On peut montrer que \(f\) n'est pas diagonalisable sans utiliser le polynôme minimal. En effet la matrice de \(f\) dans la base \((e_1,\cdots,e_n)\) est :
\(\left(\begin{array}{cccc}0&\cdots&0&1\\0&\cdots&0&0\\\vdots&\vdots&\vdots&\vdots\\0&0&0&0\end{array}\right)\) ,
et son polynôme caractéristique est le polynôme \((-1)^nX^n\). Ce polynôme n'admet qu'une seule valeur propre qui est \(0\). Si \(f\) était diagonalisable sa matrice dans une base de vecteurs propres serait la matrice nulle et, par conséquent, \(f\) serait l'endomorphisme nul. Ceci n'est pas le cas donc \(f\) n'est pas diagonalisable. Comme \(0\) est une valeur propre de \(f\), l'endomorphisme \(f\) n'est pas injectif donc il n'est pas inversible.)
Remarque : on a dans cette question un endomorphisme dont une puissance est diagonalisable mais qui n'est pas diagonalisble. On peut constater que cet endomorphisme n'est pas inversible.
3.i D'après les propriétés des déterminants on a :
\(\textrm{det }(f^k)=(\textrm{det }f)^k\)
Comme \(f\) est inversible son déterminant n'est pas nul. Par conséquent le déterminant de \(f^k\) n'est pas nul et \(f^k\) est inversible.
L'endomorphisme \(f^k\) étant inversible, \(0\) n'est pas valeur propre et n'est pas racine de son polynôme minimal :
\(P_{\textrm{min},f^k}(0)\ne0\)
3.ii On a supposé que l'endomorphisme \(f^k\) est diagonalisable, par conséquent son polynôme minimal est scindé (ce qui est toujours le cas dans \(\mathbb C[X]\)) et ses racines sont simples. Comme de plus \(0\) n'est pas racine de son polynôme minimal, il existe des nombres complexes \(\lambda_1,\cdots,\lambda_r\) distincts deux à deux et non nuls tels que
\(P_{\textrm{min},f^k}(X)=(X-\lambda_1)\cdots(X-\lambda_r)\)
Comme \(Q(X)=P_{\textrm{min},f^k}(X^k)\) on a :
\(Q(X)=(X^k-\lambda_1)\cdots(X^k-\lambda_r)\)
Les racines du polynôme \(Q(X)\) sont les racines \(k\)-ièmes des nombres complexes \(\lambda_1,\cdots,\lambda_r\). Comme ces nombres sont non nuls ils admettent chacun \(k\) racines \(k\)-ièmes distinctes, et comme ils sont distincts ces racines sont distinctes deux à deux. Cela signifie que le polynôme \(Q(X)\), qui est de degré \(rk\) admet \(rk\) racines distinctes et ces racines sont simples.
3.iii Comme \(P_{\textrm{min},f^k}(X)\) est le polynôme minimal de \(f^k\), c'est un polynôme annulateur de \(f^k\) par conséquent :
\(P_{\textrm{min},f^k}(f^k)=0\)
Comme \(Q(X)=P_{\textrm{min},f^k}(X^k)\) on obtient :
\(Q(f)=P_{\textrm{min},f^k}(f^k)=0\)
et \(Q(X)\) est un polynôme annulateur de \(f\).
Les polynômes annulateurs de \(f\) sont les multiples de son polynôme minimal, par conséquent le polynôme \(P_{\textrm{min},f}(X)\) divise le polynôme \(Q(X)\).
Comme le polynôme \(Q(X)\) est scindé et à racines simples, ses diviseurs, en particulier \(P_{\textrm{min},f}(X)\), sont des polynômes scindés et à racines simples. Ceci prouve que l'endomorphisme \(f\) est diagonalisable.
Partie B :
Comme l'endomorphisme \(f\) de \(E\) est défini sur la base \((e_1,e_2,e_3,e_4)\) par :
\(f(e_1)=e_4,f(e_2)=3e_3,f(e_3)=3e_2,f(e_4)=9e_1\)
l'endomorphisme \(f^2\) de \(E\) est défini sur la base \((e_1,e_2,e_3,e_4)\) par :
\(f^2(e_1)=9e_1,f^2(e_2)=9e_2,f^2(e_3)=9e_3,f^2(e_4)=9e_4\)
Ceci prouve que \(f^2=9\textrm{ Id}_E\), et \(f^2\) est diagonalisable.
Comme \(\textrm{det }(f^2)=(\textrm{det }f)^2\) et que \(\textrm{det }(f^2)=\textrm{det }(9\textrm{Id}_E)=9^4\), le déterminant de \(f\) est non nul et \(f\) est inversible.
L'endomorphisme \(f\) du \(\mathbb C\)-espace vectoriel de dimension finie \(E\) est inversible et une de ses puissances est diagonalisable. La partie A de l'exercice prouve que \(f\) est aussi diagonalisable.
Le polynôme \(P(X)=X^2-9\) est un polynôme annulateur de \(f\), donc son polynôme minimal est un diviseur de \(P(X)\). On a donc :
\(P_{\textrm{min},f}(X)=X-3\) ou \(P_{\textrm{min},f}(X)=X+3\) ou \(P_{\textrm{min},f}(X)=(X-3)(X+3)\)
Comme \(f\) n'est ni l'homothétie \(3\textrm{Id}_E\) ni l'homothétie \(-3\textrm{Id}_E\), les polynômes \(X-3\) et \(X+3\) ne sont pas des polynômes annulateurs de \(f\), par conséquent on obtient :
\(P_{\textrm{min},f}(X)=(X-3)(X+3)\)
Comme l'endomorphisme \(f\) de \(E\) est défini sur la base \((e_1,e_2)\) par :
\(f(e_1)=e_2,f(e_2)=-e_1\)
l'endomorphisme \(f^2\) de \(E\) est défini sur la base \((e_1,e_2)\) par :
\(f^2(e_1)=-e_1,f^2(e_2)=-e_2\)
Ceci prouve que \(f^2=-\textrm{Id}_E\).
Comme \(f^2+\textrm{Id}_E=0\), le polynôme \(P(X)=X^2+1\) est un polynôme annulateur de \(f\). Ce polynôme étant unitaire et irréductible sur \(\mathbb R\), c'est le polynôme minimal de \(f\). Le polynôme minimal de \(f\) n'étant pas scindé sur \(\mathbb R\), \(f\) n'est pas diagonalisable.
Remarque : cet exemple montre que le corps de base joue un rôle important dans le résultat obtenu dans la partie A : un endomorphisme inversible d'un \(\mathbb C\)-espace vectoriel de dimension finie dont une puissance est diagonalisable est diagonalisable. Ce résultat peut être faux dans le cas d'un \(\mathbb R\)-espace vectoriel.