Utilisation des polynômes minimaux des vecteurs d'une base pour la détermination du polynôme minimal d'un endomorphisme
Partie
Question
Soit \(f\) l'application linéaire de \(\mathbb R^4\) dans lui-même dont la matrice dans la base canonique \(B=(e_1,e_2,e_3,e_4)\) est égale à \(M=\left(\begin{array}{cccc}5&-1&0&0\\1&3&0&3\\0&0&4&2\\0&0&0&1\end{array}\right)\).
Montrer que le sous-espace \(F\) engendré par les vecteurs \(e_1\)et \(e_2\) est stable par \(f\).
Quel est le polynôme minimal annulateur de la restriction de \(f\) à \(F\)?
Quel est le polynôme minimal de \(e_4\)?
Quel est le polynôme minimal de \(f\) ?
L'endomorphisme \(f\) est-il diagonalisable ?
Aide méthodologique
Si \(v\) est un vecteur dont on veut déterminer le polynôme minimal relativement à \(f\), on procède de la manière suivante :
on commence par étudier les vecteurs \(v\) et \(f(v)\) :
ou bien ils sont liés et on cherche une relation de dépendance linéaire qui permet de trouver le polynôme minimal de \(v\),
ou bien ils ne le sont pas et l'on recommence avec les vecteurs \(v,f(v),f^2(v)\).
Le processus s'arrête au maximum avec la famille \(v,f(v),f^2(v),f^3(v),f^4(v)\) puisque le polynôme minimal d'un vecteur est de degré inférieur ou égal à la dimension de l'espace considéré.
Aide à la lecture
L'espace considéré est \(\mathbb R^4\). Le but de l'exercice est d'obtenir le polynôme minimal de \(f\) en déterminant le polynôme minimal relativement à \(f\) de chacun des vecteurs de base et en prenant leur PPCM. Cela permet ensuite de savoir si \(f\) est ou n'est pas diagonalisable.
Solution détaillée
Il suffit de vérifier que \(f(e_1)\)et \(f(e_2)\) appartiennent à \(F\) ce qui est clair puisque \(f(e_1)=5e_1+e_2\) et \(f(e_2)=-e_1+3e_2\).
Le principe de la démonstration est le suivant :
On commence par étudier les vecteurs \(e_1\) et \(f(e_1)\) :
ou bien ils sont liés et on cherche une relation de dépendance linéaire qui permet de trouver le polynôme minimal de \(e_1\),
ou bien ils ne le sont pas et l'on recommence avec les vecteurs \(e_1,f(e_1),f^2(e_1)\).
Le processus s'arrête au maximum avec la famille \(e_1,f(e_1),f^2(e_1),f^3(e_1),f^4(e_1)\) puisque le polynôme minimal d'un vecteur est de degré inférieur ou égal à la dimension de l'espace considéré.
Détail de la démonstration
Les vecteurs \(e_1\) et \(f(e_1)\) sont visiblement linéairement indépendants (non colinéaires) et donc le polynôme minimal de \(e_1\) est de degré supérieur ou égal à 2.
Calcul de \(f^2(e_1)\)
Pour cela on peut par exemple faire le calcul matriciel :
\(\left(\begin{array}{cccc}5&-1&0&0\\1&3&0&3\\0&0&4&2\\0&0&0&1\end{array}\right)\left(\begin{array}{c}5\\1\\0\\0\end{array}\right)=\left(\begin{array}{c}24\\8\\0\\0\end{array}\right)\)
d'où on déduit : \(f^2(e_1)=24e_1+8e_2\).
On trouve \(f^2(e_1)=24e_1+8e_2\), les trois vecteurs \(e_1,f(e_1),f^2(e_1)\) sont combinaisons linéaires de deux vecteurs \(e_1\) et \(e_2\), et sont donc linéairement dépendants.
Pour trouver une relation de dépendance linéaire cherchons les solutions \((\alpha,\beta,\gamma)\in\mathbb R^3\) de l'équation \(\alpha e_1+\beta f(e_1)+\gamma f^2(e_1)=0\).
Cette égalité équivaut au système : \(\left\{\begin{array}{cccc}\alpha&+5\beta&+24\gamma&=0\\&\beta&+8\gamma&=0\end{array}\right.\)
qui admet pour solution les triplets \((16\gamma,-8\gamma,\gamma)=\gamma(16,-8,1)\).
On en déduit la relation de dépendance linéaire : \(f^2(e_1)-8f(e_1)+16e_1=0\). Le polynôme \(X^2-8X+16=(X-4)^2\) est un polynôme annulateur de \(e_1\) et c'est celui de plus bas degré, c'est donc \(P_{\textrm{min},f,e_1}\).
Exactement de la même façon, on cherche \(P_{\textrm{min},f,e_2}\) et l'on trouve aussi \(P_{\textrm{min},f,e_2}=(X-4)^2\). Comme \(P_{\textrm{min},f,F}=\textrm{PPCM }(P_{\textrm{min},f,e_1},P_{\textrm{min},f,e_2})\), on obtient \(P_{\textrm{min},f,F}=(X-4)^2\).
Les vecteurs \(e_4\) et \(f(e_4)\) sont visiblement linéairement indépendants (non colinéaires) et donc le polynôme minimal de \(e_4\) est de degré supérieur ou égal à 2.
Calculons \(f^2(e_4)\).
Pour cela on peut faire le calcul matriciel :
\(\left(\begin{array}{cccc}5&-1&0&0\\1&3&0&3\\0&0&4&2\\0&0&0&1\end{array}\right)\left(\begin{array}{c}0\\3\\2\\1\end{array}\right)=\left(\begin{array}{c}-3\\12\\10\\1\end{array}\right)\)
d'où on déduit : \(f^2(e_4)=-3e_1+12e_2+10e_3+e_4\).
On trouve \(f^2(e_4)=-3e_1+12e_2+10e_3+e_4\)
Il est clair que la matrice des coefficients des vecteurs \(e_4,f(e_4),f^2(e_4)\) dans la base canonique, \(\left(\begin{array}{ccc}0&0&-3\\0&3&12\\0&2&10\\1&1&1\end{array}\right)\), est de rang 3 et par conséquent les vecteurs \(e_4,f(e_4),f^2(e_4)\) sont linéairement indépendants.
Calculons \(f^3(e_4)\).
Pour cela on fait le calcul matriciel :
\(\left(\begin{array}{cccc}5&-1&0&0\\1&3&0&3\\0&0&4&2\\0&0&0&1\end{array}\right)\left(\begin{array}{c}-3\\12\\10\\1\end{array}\right)=\left(\begin{array}{c}-27\\36\\42\\1\end{array}\right)\)
d'où on déduit : \(f^3(e_4)=-27e_1+36e_2+42e_3+e_4\).
On trouve \(f^3(e_4)=-27e_1+36e_2+42e_3+e_4\).
Le déterminant des vecteurs \(e_4,f(e_4),f^2(e_4),f^3(e_4)\) dans la base canonique est nul car :
\(\left|\begin{array}{cccc}0&0&-3&-27\\0&3&12&36\\0&2&10&42\\1&1&1&1\end{array}\right|=-\left|\begin{array}{ccc}0&-3&-27\\3&12&36\\2&10&42\end{array}\right|=-3\left|\begin{array}{ccc}0&-3&-9\\3&12&12\\2&10&14\end{array}\right|=-3(-342+342)=0\)
Donc ces vecteurs sont linéairement dépendants. Le polynôme minimal de \(e_4\) est de degré 3.
Pour le déterminer, on cherche une relation de dépendance linéaire entre eux.
Cherchons les solutions \((\alpha,\beta,\gamma,\mu)\in\mathbb R^4\) de l'équation \(\alpha f^3(e_4)+\beta f^2(e_4)+\gamma f(e_4)+\mu e_4=0\).
Cette égalité équivaut au système :
\((S)\left\{\begin{array}{ccccc}-27\alpha&-3\beta&&&=0\\36\alpha&+12\beta&+3\gamma&&=0\\42\alpha&+10\beta&+2\gamma&&=0\\\alpha&+\beta&+\gamma&+\mu&=0\end{array}\right.\)
Résolution du système :
Le système \((S)\) équivaut au système suivant obtenu en permutant les équations, les inconnues et en faisant les simplifications évidentes.
\(\left\{\begin{array}{ccccc}\mu&+\gamma&+\beta&+\alpha&=0\\&\gamma&+4\beta&+12\alpha&=0\\&\gamma&+5\beta&+21\alpha&=0\\&&-\beta&-9\alpha&=0\end{array}\right.\)
D'où en utilisant la méthode du pivot de Gauss :
\(\left\{\begin{array}{ccccc}\mu&+\gamma&+\beta&+\alpha&=0\\&\gamma&+4\beta&+12\alpha&=0\\&&\beta&+9\alpha&=0\\&&\beta&+9\alpha&=0\end{array}\right.\Leftrightarrow\left\{\begin{array}{ccccc}\mu&+\gamma&+\beta&+\alpha&=0\\&\gamma&+4\beta&+12\alpha&=0\\&&\beta&+9\alpha&=0\\&&&0&=0\end{array}\right.\)
On trouve que l'ensemble des solutions du système est \(S=\{(\alpha,-9\alpha,24\alpha,-16\alpha),\alpha\in\mathbb R\}\).
Alors, on a la relation de dépendance linéaire : \(f^3(e_4)-9f^2(e_4)+24f(e_4)-16e_4=0\). Le polynôme \(X^3-9X^2+24X-16\) est donc un polynôme annulateur de \(e_4\) relativement à \(f\) et d'après l'étude faite c'est celui de plus bas degré. Par conséquent \(P_{\textrm{min},f,e_4}(X)=X^3-9X^2+24X-16\). Le réel 1 est racine évidente et en factorisant par \(X-1\) il vient : \(P_{\textrm{min},f,e_4}(X)=(X-1)(X-4)^2\).
On trouve que l'ensemble des solutions du système est . Alors, on a la relation de dépendance linéaire : . Le polynôme est donc un polynôme annulateur de relativement à f et d'après l'étude faite c'est celui de plus bas degré. Par conséquent . Le réel 1 est racine évidente et en factorisant par il vient : .
On peut utiliser le résultat du cours \(P_{\textrm{min},f}=\textrm{PPCM}(P_{\textrm{min},f,e_1},P_{\textrm{min},f,e_2},P_{\textrm{min},f,e_3},P_{\textrm{min},f,e_4})\).
Le polynôme minimal de \(e_3\) relativement à \(f\) est évidemment \(X-4\) puisque \(f(e_3)=4e_3\) donc :
\(P_{\textrm{min},f,e_1}=(X-4)^2\)
\(P_{\textrm{min},f,e_2}=(X-4)^2\)
\(P_{\textrm{min},f,e_3}=X-4\)
\(P_{\textrm{min},f,e_4}=(X-1)(X-4)^2\)
Par conséquent \(P_{\textrm{min},f}=\textrm{PPCM}((X-4)^2,(X-4)^2,(X-4),(X-1)(X-4^2)\) et donc \(P_{\textrm{min},f}=(X-1)(X-4)^2\).
L'endomorphisme \(f\) n'est pas diagonalisable car son polynôme minimal a une racine double.
Remarque : autre méthode
La connaissance du théorème de Cayley-Hamilton aurait raccourci les calculs surtout pour la question 2. En effet comme le sous-espace \(F\) est stable par \(f\), \(P_{\textrm{min},f,F}=P_{\textrm{min},f_{|F}}\). Pour calculer le polynôme de l'endomorphisme \(f_{|F}\) de \(F\), il suffit, d'après le théorème de Cayley Hamilton, d'étudier les diviseurs du polynôme caractéristique. On a :
\(P_{\textrm{car},f_|F}(X)=P_{\textrm{car},\left(\begin{array}{cc}5&-1\\1&3\end{array}\right)}(X)=\left|\begin{array}{cc}5-X&-1\\1&3-X\end{array}\right|=X^2-8X+16=(X-4)^2\)
Comme \(\left(\begin{array}{cc}5&-1\\1&3\end{array}\right)\) n'est pas égale à \(4I_2\), \((X-4)\) n'est pas un polynôme annulateur de \(f_{|F}\).
Donc \(P_{\textrm{min},f_{|F}}=(X-4)^2\).
Pour la question 4., on aurait pu calculer le polynôme caractéristique de \(f\) en utilisant les règles de calculs par blocs c'est-à-dire :
\(P_{\textrm{car},f}(X)=P_{\textrm{car},\left(\begin{array}{cc}5&-1\\1&3\end{array}\right)}(X)P_{\textrm{car},\left(\begin{array}{cc}4&2\\0&1\end{array}\right)}(X)=(X-4)^2(X-4)(X-1)\)
et donc \(P_{\textrm{car},f}(X)=(X-4)^3(X-1)\).
Il résulte du théorème de Cayley Hamilton et de sa conséquence sur la comparaison des facteurs irréductibles de \(P_{\textrm{car},f}\) et \(P_{\textrm{min},f}\) que :
\(P_{\textrm{min},f}=(X-4)^k(X-1),1\le k\le3\)
Pour conclure, on peut calculer les produits de matrices \((M-4I_4)^k(M-I_4),1\le k\le2\) dans l'ordre \(k=1\), \(k=2\), en s'arrêtant si l'on trouve la matrice nulle. Sinon on sait déjà (théorème de Cayley-Hamilton) que \((M-4I_4)^3(M-I_4)=0\).
Cette méthode met en jeu des résultats forts et relativement difficiles à démontrer et n'est pas exempte de calculs comme le prouve la dernière étape. Par contre la première utilise des résultats beaucoup plus élémentaires et comporte peut-être plus de calculs mais eux aussi élémentaires.