Conditions d'observations

Les isotopomères

en matière de couplages en RMN du \(\textrm{}^{13}\textrm C\) la situation est assez particulière. Il y a lieu de bien identifier trois populations de molécules différentes :

  • celles ne contenant aucun \(\textrm{}^{13}\textrm C\), de loin la plus importante, totalement transparente à la RMN du \(\textrm{}^{13}\textrm C\) ;

  • celles ne contenant qu'un seul \(\textrm{}^{13}\textrm C\) ;

  • celles en contenant plusieurs (de loin les moins probables).

Prenons par exemple le cas de l'éthanol \(\textrm{CH}_3\textrm{-CH}_2\textrm{-OH}\). Un échantillon à analyser contient :

  • un peu moins de 98% de \(\textrm{}^{12}\textrm{CH}_3\textrm-\textrm{}^{12}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\) ne donnant aucun signal en RMN du \(\textrm{}^{13}\textrm C\), mais contribuant bien entendu à donner un spectre en RMN du \(\textrm{}^1\textrm H\);

  • environ 2% d'un mélange (50/50) de molécules dans lesquelles seul un des carbones est un \(\textrm{}^{13}\textrm C\), à savoir \(\textrm{}^{13}\textrm{CH3 -}\textrm{}^{12}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\) et \(\textrm{}^{12}\textrm{CH}_3\textrm- \textrm{}^{13}\textrm{CH}_2\textrm{- OH}\). Ces deux combinaisons isotopiques contribuent à l'essentiel du spectre de RMN \(\textrm{}^{13}\textrm C\) ; ces isomères isotopiques portent le nom d'isotopomères

  • environ 0.01% de molécules dans lesquelles les deux carbones sont des \(\textrm{}^{13}\textrm C\), \(\textrm{}^{13}\textrm{CH}_3\textrm- \textrm{}^{13}\textrm{CH}_2\textrm{- OH}\). Le signal de ces molécules, encore plus rares que les précédentes, est perdu dans le bruit de fond du spectre RMN du \(\textrm{}^{13}\textrm C\), alors qu'il est le seul à pouvoir offrir des couplages homonucléaires entre \(\textrm{}^{13}\textrm C-\textrm{}^{13}\textrm C\)...

Les couplages spin-spin - Les couplages hétéronucléaires

Les première études des couplages entre le proton et le \(\textrm{}^{13}\textrm C\) ont été réalisées en RMN du proton. Nous venons de le voir, le spectre du proton contient comme informations principales le spectre de l'isotopomère \(\textrm{}^{12}\textrm{CH}_3\textrm-\textrm{}^{12}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\) dépourvu de \(\textrm{}^{13}\textrm C\). Après amplification (x 100), des systèmes de raies plus ou moins complexes apparaissent autour des raies principales correspondant aux traces des molécules \(\textrm{}^{13}\textrm{CH}_3 \textrm-\textrm{}^{12}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\) et \(\textrm{}^{12}\textrm{CH}_3\textrm-\textrm{}^{13}\textrm{CH}_2\textrm{- OH}\). caractérisée par les couplages supplémentaires avec le \(\textrm{}^{13}\textrm C\).

Ainsi chacune des raies du quadruplet (\(\textrm{CH}_2\)) subit un dédoublement supplémentaire de 140.9 Hz correspondant à un \(\textrm{}^1\textrm J\) pour la forme \(\textrm{}^{12}\textrm{CH}_3\textrm{-}^{13}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\) et chaque raie du triplet (\(\textrm{CH}_3\)) est l'objet d'un dédoublement supplémentaire de 125.3 Hz correspondant à un \(\textrm{}^1\textrm J\) pour la forme \(\textrm{}^{13}\textrm{CH}_3 \textrm{- }^{12}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\). Pour les formes \(\textrm{}^{13}\textrm{CH}_3\textrm{- }^{12}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\) et \(\textrm{}^{12}\textrm{CH}_3\textrm{-}^{ 13}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\) des couplages \(\textrm{}^2\textrm J\) sont également observables. Mais n'oublions pas que ces informations ne sont accessibles que dans le bruit de fond sous les pics principaux (correspondant à \(\textrm{}^{12}\textrm{CH}_3\textrm{-}^{12}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\)) ! Ainsi d'autres couplages de type \(\textrm{}^2\textrm J\) sont présents sous le pic principal et non observables.

Les couplages J 13C-1H vu du carbone :

Les couplages sont bien évidemment aussi présents sur le spectre du \(\textrm{}^{13}\textrm C\) qui représente essentiellement les isotopomères \(\textrm{}^{13}\textrm{CH}_3\textrm{ -}\textrm{}^{12}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\) et \(\textrm{}^{12}\textrm{CH}_3\textrm{- }\textrm{}^{13}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\) ; la forme \(\textrm{}^{13}\textrm{CH}_3\textrm{-}^{ 13}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\) étant à l'état de trace sous les pics principaux de \(\textrm{}^{13}\textrm{CH}_3 \textrm{-}^{12}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\) et \(\textrm{}^{12}\textrm{CH}_3\textrm{-}^{13}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\).

Dans le spectre RMN du \(\textrm{}^{13}\textrm{C}\), la forme \(\textrm{}^{12}\textrm{CH}_3\textrm{}^{-12}\textrm{CH}2\textrm{-OH}\) est absente. Le spectre obtenu est pour chacun des carbones celui des isotopomères pour lequel ce carbone est un \(\textrm{}^{13}\textrm C\). Ainsi, le multiplet obtenu pour le \(\textrm{CH}_2\) est celui de l'isotopomère \(\textrm{}^{12}\textrm{CH}_3\textrm{}^{-13}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\) et le multiplet du \(\textrm{CH}_3\) correspond à l'isotopomère \(\textrm{}^{13}\textrm{CH}_3 \textrm{}^{-12}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\). Les multiplicités observées ne sont pas celle d'une seule molécule (au sens isotopique) !

Pour le \(\textrm{CH}_3\) (donc dans l'isotopomère \(\textrm{}^{13}\textrm{CH}_3\textrm{}^{-12}\textrm{CH}2\textrm{-OH}\)) on observe un quadruplet très large \(\textrm{}^1\textrm J\) \(\textrm{}^{13}\textrm C\textrm{}^{-1}\textrm H\) de 125.3 Hz (couplage direct des 3 hydrogènes du méthyle) dont chacune des raies est détriplée par un couplage \(\textrm{}^2\textrm J\) \(\textrm{}^{13}\textrm C\textrm{}^{1}\textrm H\) de 2.3 Hz (couplage à travers deux liaisons des 2 hydrogènes du \(\textrm{CH}_2\) voisin)

Pour le \(\textrm{CH}_2\) (donc dans l'isotopomère \(\textrm{}^{12}\textrm{CH}_3\textrm{}^{-13}\textrm{CH}_2\textrm{-OH}\)) on observe un triplet très large \(\textrm{}^1\textrm J\)   \(\textrm{}^{13}\textrm C\textrm{}^{-1}\textrm H\) de 140.9 Hz (couplage direct des 2 hydrogènes du méthylène) dont chacune des raies est déquadruplée par un couplage \(\textrm{}^2\textrm J\) \(\textrm{}^{13}\textrm{C-}^{1}\textrm H\) de 4.6 Hz (couplage à travers deux liaisons des 3 hydrogènes du \(\textrm{CH}_3\) voisin)

En fait, le spectre réuni ces deux multiplets

L'observation de multiplets aussi nettement utilisable (et interprétable puisqu'au premier ordre), n'est pas systématique.

L'exemple présenté ci-dessous correspond à un champ suffisamment fort pour que les raies satellites du triplet \(\textrm{CH}_2\) (plus de 140 Hz) ne croisent pas les raies du \(\textrm{CH}_3\) ou même ne les approchent pas trop dans le spectre du proton. A défaut, le spectre de l'isotopomère passe au second ordre et les multiplicités sont nettement altérés, notamment pour les couplages qui associent les protons du \(\textrm{CH}_3\) au \(\textrm{}^{13}\textrm C\) du \(\textrm{CH}_2\) (celles concernées par le \(\textrm{}^2\textrm J\)).

Complexité

Cette altération de la multiplicité au premier ordre est souvent perçue dans l'étude des raies satellites du proton.

Pour un composé ne présentant qu'un seul proton ou groupe de proton porté par un seul carbone il n'y a pas de complexité particulière à prévoir. Ainsi pour le pic d'un solvant comme \(\textrm{CHCl}_3\), on observe en RMN du proton, après une forte amplification du signal à 7.24 ppm, des raies satellites de part et d'autre du pic principal :

  • certaines sensibles à la modification de la vitesse de rotation du tube sont des bandes de rotation (d'autant plus importantes que le champ est inhomogène suite à un mauvais réglage),

  • une (de chaque côté) est invariable c'est l'une des branches du doublet dû au \(\textrm{}^1\textrm J\textrm{}^{ 13}\textrm{C-}\textrm{}^1\textrm H\) de 209.5 Hz de la forme \(\textrm{}^{13}\textrm{CHCl}_3\). Ces raies sont appelées satellites \(\textrm{}^{13}\textrm C\) :

Mais la situation ce complique en RMN du proton dès qu'il y a plus d'un carbone :

  • exemple pour le dioxane.

le pic classique du solvant est à 3.53 ppm, c'est un singulet, les 4 \(\textrm{CH}_2\) sont isochrones.

L'examen des satellites \(\textrm{}^{13}\textrm C\) du dioxane montre plus d'une raie de chaque côté ; à la place de la raie unique (à droite ou à gauche de delta), que l'on peut attendre du \(\textrm{}^1\textrm J \) \(\textrm{}^{13}\textrm{C-}\textrm{}^1\textrm H\) de 141 Hz, on observe un multiplet complexe (qui n'est pas interprétable au premier ordre) dû aux couplages entre les deux \(\textrm{CH}_2\) adjacents qui ne sont plus isochrones dans l'isotopomère contenant un \(\textrm{}^{13}\textrm C\), l'un est un \(\textrm{}^{12}\textrm{CH}_2\) , l'autre un \(\textrm{}^{13}\textrm{CH}_2\) , les deux méthylènes \(\textrm{CH}_2\) ayant quasiment les mêmes déplacements chimiques (l'effet isotopiques \(\textrm{}^{12}\textrm C / \textrm{}^{13}\textrm C\) sur les deltas est très faible).

A priori la non équivalence entre deux \(\textrm{CH}_2\) conduit à un triplet pour chacun, les deux \(\textrm{CH}_2\) étant quasi isochrones mais différentiés par les couplages.

Nous avons décrit cette situation pour les protons isochrones (deux à deux) d'un aromatique disubstitué en para qui semble dans certains cas donner deux systèmes AX superposés (approximation au premier ordre) mais qui sont en fait des systèmes AA'XX'.

  • pour le benzène, l'observation est encore plus surprenante... Le pic classique observé à 7.28 ppm est encadré à grande amplitude par deux massifs (satellites du \(\textrm{}^{13}\textrm C\) séparées par un \(\textrm{}^1\textrm J \textrm{}^{13}\textrm{C-}^1\textrm H\) de 158.4 Hz ) présentant une «forêt de pics». Dans l'isotopomère contenant un \(\textrm{}^{13}\textrm C\), le proton porté par ce carbone est désormais non équivalent aux 5 autres qui le deviennent également entre eux (deux en ortho du \(\textrm{}^{13}\textrm C\), deux en méta, un en para) . La situation «ressemble» à celle d'une monosubstitution (mais par \(\textrm H\) ! sur un \(\textrm{}^{13}\textrm C\)), mais elle est compliquée par la proximité des déplacements chimiques de ces 4 «types d'hydrogènes» ; d'où la forêt de pics observées :

Il apparaît donc que l'observation directe des couplages autres que les \(\textrm{}^1\textrm J\textrm{}^{ 13}\textrm{C-}\textrm{}^1\textrm H\) sur le spectre du proton est souvent compromise par un passage au second ordre. L'observation est plus simple sur le spectre couplé du \(\textrm{}^\textrm{13}\textrm C\), mais il reste que les perturbations de second ordre peuvent être aussi observées dès lors que les déplacements chimiques des protons concernés par les \(\textrm{}^2\textrm J\) et autres couplage plus lointains avec le carbones sont proches. La multiplicité explicite et simple présentée ci-dessus pour les deux carbones de l'éthanol est assez fortement perturbée si on utilise un champ plus faible (ce qui a pour effet de « rapprocher » les raies des signaux des différents carbones (et donc passer au second ordre).

Dans le cadre de ce cours, nous ne développerons pas les couplages dans la mesure où ils sont peu utilisés en routine et inaccessibles en vrai grandeur dans les spectres OR (couplages réduits). Nous nous limiterons à quelques valeurs et situations particulières de couplage.