Règles d'usage des quantificateurs
Pas de mélange
Quand on écrit une phrase formelle avec des symboles logiques, on ne mélange pas des mots et des signes logiques:
ou bien on écrit des phrases complètes en français,
ou bien on écrit des phrases formelles.
En particulier, il est incorrect d'utiliser ces signes comme des abréviations et cela conduit à des erreurs.
L'ordre d'écriture
L'ordre d'écriture des quantificateurs est fondamental pour le sens d'une phrase formelle.
Quand deux quantificateurs existentiels se suivent, on peut les échanger sans changer le sens.
Quand deux quantificateurs universels se suivent, on peut les échanger sans changer le sens.
Quand on inverse l'ordre de deux quantificateurs différents, le sens change.
Sens d'une phrase formelle
Considérons la propriété \("P(x,~ y)"\) voulant dire \(x\) aime \(y.\) Si nous écrivons les deux phrases formelles suivantes, leur sens est très différent.
phrase 1 \(~~ \forall x\in E,~ \exists y\in E,~ P(x,~ y)\)
phrase 2 \(~~ \exists y\in E,~\forall x\in E,~ P(x,~ y)\)
Pour mieux saisir cette différence, il faut comprendre qu'un système de parenthèses est sous entendu lorsque plusieurs quantificateurs se suivent. Si nous les rétablissons, cela donne :
phrase 1 \(~~ \forall x\in E,~ (\exists y\in E,~ P(x,~ y))\)
ou encore :
phrase 1 \(~~ \forall x\in E,~ Q(x)\)
où \("Q(x)"\) est la propriété \("\exists y\in E,~ P(x,~ y)".\) La propriété \("Q(x)"\) signifie \(x\) aime au moins une personne.
La phrase 1 affirme pour chaque élément \(x\) de l'ensemble \(E\) l'existence d'une personne aimée \(E,\) \(y\) pouvant dépendre de \(x.\)
phrase 2 \(~~ \exists y\in E,~ (\forall x\in E,~ P(x,~ y) )\)
ou encore :
phrase 2 \(~~ \exists y\in E,~ R(y)\)
avec pour \("R(y)"\) la propriété \("\forall x\in E,~ P(x,~ y)".\) La propriété \("R(y)"\) signifiant \(y\) est aimé par tout le monde.
La phrase 2 affirme donc l'existence d'une personne \(y\) au moins, qui est aimée par toutes les personnes \((y\) compris par elle-même).
Exemple : mathématique
Interpréter les phrases formelles suivantes obtenues en inversant l'ordre des quantificateurs :
phrase 3 \(~~ \exists n\in\mathbb N,~ \forall p\in\mathbb N,~ p\leq n\)
phrase 4 \(~~ \forall p\in\mathbb N,~ \exists n\in \mathbb N,~ p\leq n\)
Rétablissons des parenthèses sous-entendues :
phrase 3 \(~~ \exists n\in N,~ (\forall p\in \mathbb N,~ p\leq n )\)
La propriété \("\forall p\in\mathbb N,~ p\leq n"\) veut dire que \(n\) est plus grand que tous les entiers. La phrase 3 signifie donc qu'il existe un entier \(n\) plus grand que tous les autres. Ce qui est évidemment faux.
phrase 4 \(~~ \forall p\in\mathbb N,~ (\exists n\in \mathbb N,~ p\leq n )\)
La propriété \("\exists n\in\mathbb N,~ p\leq n"\) veut dire qu'étant donné \(p\) entier, on peut trouver un entier \(n\) plus grand que \(p.\) La phrase 4 signifie donc que pour chaque entier \(p,\) on peut trouver un entier plus grand, ce qui est vrai (par exemple \(p + 1\) ou \(p + 15,\) ou encore \(p\) lui-même ...).
Récapitulation
\(\begin{array}{|c|}\hline \forall x\in E,~ \exists y\in F,~ P(x, y) \\ \textrm{pour chaque }x\textrm{ il y a un }y\textrm{, fonction de cet }x\textrm{, tel que\dots} \\\\ \exists y\in F,~ \forall x\in E,~ P(x, y) \\ \textrm{il y a un }y, \textrm{ le même pour tous les }x\textrm{, tel que\dots} \\\hline \end{array}\)
On comprend pourquoi il faut mettre les quantificateurs devant la propriété qu'ils quantifient : si on se permettait d'écrire :
\(\exists y\in F,~ P(x,~ y), \forall x\in E\)
on ne saurait jamais laquelle des deux formules précédentes on veut exprimer.