Relation entre polynôme minimal et polynôme caractéristique

On a le théorème suivant

ThéorèmeRelation entre le polynôme minimal et le polynôme caractéristique

Soit \(f\) un endomorphisme d'un \(\mathbf K\)-espace vectoriel de dimension finie \(n\quad(n\ge1)\) (ou \(M\) une matrice carrée d'ordre \(n\)). Le polynôme minimal de \(f\) (respectivement de \(M\)) divise le polynôme caractéristique de \(f\) (respectivement de \(M\)).

Il s'en déduit en particulier la propriété suivante :

Corollaire

Le degré du polynôme minimal est inférieur ou égal à \(n\).

Cela améliore nettement le seul renseignement sur le degré du polynôme minimal résultant de sa construction, à savoir : deg\((P_{\textrm{min},f})\leq n^2\).

L'intérêt de ce théorème est de donner un moyen supplémentaire pour déterminer le polynôme minimal.

En effet, le polynôme caractéristique étant calculé, on peut restreindre les possibilités pour le polynôme minimal en faisant la liste de tous les diviseurs du polynôme caractéristique et en éliminant ceux qui n'ont pas les mêmes racines que le polynôme caractéristique.

Ensuite il ne reste plus qu'à chercher parmi les polynômes restants les polynômes annulateurs et plus précisément celui de plus bas degré.

Un résultat sur les facteurs irréductibles du polynôme caractéristique et du polynôme minimal (étudié à la fin de cette ressource) permet encore d'affiner ce « crible ».

Exemple

Soit la matrice à coefficients réels \(M=\left(\begin{array}{ccc}-2&-2&1\\-2&1&-2\\1&-2&-2\end{array}\right)\). Son polynôme caractéristique, égal à det\((M-XI_3)\) se calcule facilement. Le résultat obtenu est

\(P_{\textrm{car},M}(X)=(X+3)^2(3-X)\) .

Pour déterminer le polynôme minimal de \(M\), on fait les remarques suivantes :

  • il admet \(3\) et \(-3\) comme racines,

  • il divise \((X+3)^2(3-X)\)

  • il est unitaire.

Il n'y a donc que deux possibilités \((X+3)(X-3)\) ou \((X+3)^2(X-3)\). Pour conclure il suffit de calculer \((M+3I_3)(M-3I_3)\). Si le résultat est la matrice nulle, le polynôme minimal de \(M\) est \((X+3)(X-3)\), sinon c'est \((X+3)^2(X-3)\). Tous calculs faits on trouve ici \((M+3I_3)(M-3I_3)=0\) et donc :

\(P_{\textrm{min},M}(X)=(X+3)(X-3)\)

Cela prouve que la matrice \(M\) est diagonalisable puisque \(P_{\textrm{min},M}(X)\) est scindé dans \(\mathbb R\) et n'a que des racines simples.

Exemple

Soit la matrice à coefficients réels \(M=\left(\begin{array}{ccc}3&2&-2\\-1&0&1\\1&1&0\end{array}\right)\). Son polynôme caractéristique, égal à det\((M-XI_3)\), se calcule facilement. Le résultat obtenu est \(P_{\textrm{car},M}(X)=(1-X)^3\).

Pour déterminer le polynôme minimal de \(M\) on fait les remarques suivantes :

  • il admet \(1\) comme unique racine,

  • il divise \((1-X)^3\)

  • il est unitaire.

Il n'y a donc que trois possibilités \((X-1)\) ou \((X-1)^2\) ou \((X-1)^3\). Or la matrice \(M\) est différente de \(I_3\), donc \(X-1\) n'est pas un polynôme annulateur de \(M\). Pour conclure, il suffit alors de calculer \((M-I_3)^2\) . On trouve la matrice nulle donc \(P_{\textrm{min},M}(X)=(X-1)^2\).

Une application

Les exemples qui précèdent montrent dans des cas concrets l'intérêt du théorème. Le théorème de Cayley-Hamilton est aussi très utile dans des problèmes plus théoriques comme le prouve la propriété suivante.

PropositionPolynôme caractéristique d'un endomorphisme nilpotent

Un endomorphisme d'un \(\mathbf K\)-espace vectoriel \((\mathbf K=\mathbb R\textrm{ ou }\mathbb C)\) de dimension \(n\) (respectivement une matrice carrée d'ordre \(n\) à coefficients dans \(\mathbf K\)) est nilpotente si et seulement si son polynôme caractéristique est égal à \((-1)^nX^n\).

Preuve

La condition nécessaire est un résultat connu qui résulte simplement de la définition d'une valeur propre. Rappelons la démonstration.

Soit \(f\) un endomorphisme nilpotent d'un \(\mathbf K\)-espace vectoriel de dimension \(n,\quad n\ge 1\) . Alors il existe un entier \(p\) strictement positif tel que \(f^p=0\). Soit \((e_1,e_2,\cdots,e_n)\) une base de \(E\) et \(A\) la matrice associée à \(f\) par rapport à cette base. Il résulte immédiatement des relations matrices-endomorphismes que \(A^p=0\) et donc que \(A\) est nilpotente.

La matrice \(A\) peut être considéré comme un élément de \(M_n(\mathbb C)\) (soit directement si \(\mathbf K=\mathbb C\) ou parce que \(M_n(\mathbf K)\subset M_n(\mathbb C)\) si \(\mathbf K=\mathbb R\)). Soit \(\lambda\), élément de \(\mathbb C\), une valeur propre de \(A\) (elle existe car \(\mathbb C\) est algébriquement clos). Alors il existe un élément non nul \(V\) de \(M_{n,1}(\mathbb C)\) tel que \(AV=\lambda V\). Un récurrence immédiate prouve que pour tout entier \(k,A^k(V)=\lambda^kV\) . En particulier, pour \(k=p\), cela donne \(\lambda^pV=0\), d'où puisque \(V\) est non nul, \(\lambda^p=0\) et donc \(\lambda=0\).

Donc la seule valeur propre de \(A\) est \(0\). Comme le polynôme caractéristique de \(A\) est scindé dans \(\mathbb C\), il vient : \(P_{\textrm{car},A}(X)=(-1)^nX^n\). Or \(f\) et \(A\) ont le même polynôme caractéristique donc \(P_{\textrm{car},f}(X)=(-1)^nX^n\).

La condition suffisante est une conséquence immédiate du théorème de Cayley-Hamilton. En effet si \(P_{\textrm{car},f}(X)=(-1)^nX^n\), comme \(P_{\textrm{car},f}(f)=0\), il vient immédiatement \((-1)^nf^n=0\) soit \(f^n=0\).

Remarque

Ne pas oublier que si \(M\) est une matrice carrée, il peut exister un entier \(k\) tel que \(M^k=0\) avec \(M\) non nulle.

Par exemple si \(M=\left(\begin{array}{cc}0&1\\0&0\end{array}\right)\) on a \(M\neq0\) et \(M^2=0\).