Domaine de définition d'une solution

Soit (1) \(\;\displaystyle{y' = f (x, y)}\) une équation différentielle, \(f\) étant définie et continue sur un certain domaine de \(\mathbb R^2\).

Rappelons que les solutions de (1) ont des domaines de définition qui sont forcément des intervalles de \(\mathbb R\) (ceci par définition de la notion de solution). Ce domaine peut être, soit \(\mathbb R\) tout entier, soit une demi-droite ouverte (de la forme \(] -\infty, a [\) ou \(] a, + \infty[)\) ), soit encore un intervalle ouvert borné

Complément

Une solution \(u\) définie en un point \(x\) est dérivable en \(x\), puisqu'elle vérifie \(\displaystyle{u'(x) = f(x, u(x))}\).

Par définition de la dérivée, elle doit donc être définie à droite et à gauche de \(x\).

Cela implique que le domaine de définition de \(u\) est ouvert.

Dans certains cas les solutions sont partout définies : l'équation \(y' = ay\) , par exemple, a toutes ses solutions (de la forme \(\displaystyle{y = K \textrm{e}^{ax}}\) ) définies sur \(\mathbb R\) tout entier.

Examinons les raisons pour lesquelles il arrive que des solutions ne soient pas définies sur \(\mathbb R\) tout entier :

ExplicationPremière raison :

l'équation n'est pas définie partout sur \(\mathbb R^2\).

Considérons par exemple l'équation \(y' = y/x\).

Son second membre est défini seulement sur l'ensemble des points de \(\mathbb R^2\) tels que \(x \neq 0\).

Une fonction \(y = u(x)\) est solution si elle est, en chaque point où elle est définie, de la forme \(y = Kx\), avec \(K\) quelconque , et \(x \neq 0\).

Leurs domaines de définition sont donc, soit \(] -\infty , 0 [\) , soit \(] 0 , +\infty[\), et leurs graphes sont toutes les demi-droites ouvertes issues de l'origine (sauf les verticales).

Ici, si \(x = 0\) est exclu, c'est parce que pour cette valeur de \(x\) l'équation elle-même n'est pas définie : il est évident qu'en un point où \(f (x, y)\) n'est pas définie une fonction ne peut pas être solution de l' équation (1) !

Complément

L'équation est à variables séparables (voir la page correspondante du chapitre "Résolution explicite").

Les solutions sont, soit de la forme \(y = 0\), soit de la forme \(\displaystyle{\textrm{ln} |y| = \textrm{ln} |x| + C}\), c'est à dire \(y = Kx\) en posant, suivant les signes de \(x\) et \(y\), \(\displaystyle{K = \textrm{e}^C}\) ou \(\displaystyle{K = -\textrm{e}^C}\).

ExplicationDeuxième raison :

solutions tendant vers l'infini en un point fini.

Considérons par exemple l'équation \(\displaystyle{y' = - y^2}\) . Ici, le second membre \(f (x, y)\) (qui est égal à \(- y^2\)) est parfaitement défini sur \(\mathbb{R}^{2}\) tout entier, et satisfait partout les hypothèses du théorème de Cauchy-Lipschitz.

Pourtant, à part la fonction constante \(y = 0\) , toutes les solutions sont de la forme \(y = 1/(x - C)\) ; à chaque valeur de \(C\) ; à chaque valeur de \(] -\infty , C [\) , l'autre sur \(] C, +\infty [\). Dans chacun de ces cas, quand \(x\) tend vers  \(C\) , la solution tend vers l'infini.

Complément

Les dérivées partielles de la fonction \(\displaystyle{f(x, y) = - y^2}\) sont la constante \(0\) , et la fonction \(- 2y\), qui sont bien partout continues.

Exemple

Un autre exemple est l'équation \(\displaystyle{y' = 1 + y^2}\) : elle est encore définie partout, mais ses solutions sont de la forme \(y = \textrm{tg}(x - C)\), définies seulement sur des intervalles bornés de longueur \(\pi\). En chacune des extrémités de ces intervalles, la solution tend vers l'infini.

Complément

Ces intervalles sont de la forme \(]C - \pi/2 + k\pi, C + \pi/2 + k\pi[\), où \(k\) est un entier relatif.

Solutions de l'équation différentielle y'=1+y^2

Il est évident qu'une solution \(u\) d'équation différentielle, devant être dérivable, donc à fortiori continue, ne peut pas être définie en un point a si \(u(x)\) tend vers l'infini quand \(x\) tend vers \(a\). De plus comme le domaine de définition est un intervalle, \(a\) est forcément une extrémité de cet intervalle.

Résultat général

Il se trouve en fait que, du moins si les conditions du théorème de Cauchy-Lipschitz sont partout satisfaites, les deux raisons ci-dessus pour qu' une solution ne soit pas définie sur \(\mathbb R\) tout entier sont les seules raisons possibles.

On peut en effet démontrer le théorème suivant (que nous admettrons) :

Théorème

Soit \(f (x, y)\) une fonction de \(\mathbb R^2\) dans \(\mathbb R\) , ayant partout des dérivées partielles continues, soit \((E)\) l'équation différentielle \(y' = f(x, y)\), et soit \(y = u(x)\) une solution de \((E)\), d'intervalle de définition \(I\).

Si \(I\) possède une extrémité finie \(a\), alors nécessairement \(u(x)\) tend vers l'infini quand \(x\) tend vers \(a\) dans \(I\) .

Ce théorème est souvent utilisé de la façon suivante : supposons qu'une solution \(u\) soit définie en \(x_0\), et que, par exemple pour \(x > x_0\) on puisse encadrer \(u\) entre deux fonctions continues \(g_1\) et \(g_2\), elle-même définies pour tout \(x > x_0\).

Alors \(u\) ne peut tendre vers l'infini en aucun point \(a > x_0\) : donc on est sûr que \(u\) aussi est définie en tout point \(x > x_0\).

On peut aussi parfois faire un encadrement analogue pour les \(x < x_0\), ou encore sur un intervalle \(J\) quelconque contenant \(x_0\) (la conclusion étant que u est définie en tout point de \(J\)).

Exemple

l'équation \(\displaystyle{y' = y^2 - 1}\) possède les deux solutions constantes \(y = + 1\) et \(y = - 1\). Une solution \(u\) définie en un point \(x_0\) tel que \(- 1 < u (x_0) < 1\) reste forcément encadrée entre \(-1\) et \(1\) (elle ne peut pas "croiser" ces solutions constantes, à cause de l'unicité) ; elle ne peut donc tendre vers l'infini en aucun point, donc elle est nécessairement définie sur \(\mathbb R\) tout entier.

En revanche, si on ne connaît pas de telles fonctions d'encadrement, il faut souvent faire appel à la résolution explicite (quand elle est possible !) pour décider si une solution est définie ou non sur tout \(\mathbb R\).

Notons que le dessin des solutions calculées par ordinateur (représentées forcément sur un domaine borné du plan) ne peut servir à répondre à une telle question, ni même à donner une idée de réponse.