Application de E dans son dual, associée à une forme bilinéaire symétrique

Soient \(E\) un \(\mathbf K\textrm{-espace}\) vectoriel, \(f\) une forme bilinéaire symétrique sur \(E\) et \(q\) la forme quadratique associée à \(f\).

Pour \(x\), élément de \(E\) fixé, on considère l'application, notée , de \(E\) dans \(K\) définie pour tout \(y\) de \(E\) par \(f_x(y)=f(x,y)\).

Cette application est linéaire, c'est donc un élément de \(E^*\), le dual de \(E\).

Soit \(\Phi_f\) l'application de \(E\) dans \(E^*\) définie par :

\(\begin{array}{ccccc}\Phi_f&:& E&\rightarrow& E^*\\&&x&\mapsto& f_x\end{array}\)

PropriétéPropriétés de l'application

  1. L'application \(\Phi_f\) est une application linéaire de \(E\) dans \(E^*\).

  2. Le noyau de \(\)est l'orthogonal de \(E\) pour \(f\) :\(\ker \Phi_f=E^\perp\)

  3. Si \(E\) est de type fini, et si \(f\) est non dégénérée, \(\Phi_f\) est bijective.

  4. Si \(E\) est de type fini et si \(B\) est une base de \(E\), la matrice de \(\Phi_f\) relativement aux bases \(B\) et \(B^*\)(base duale de \(B\)) est égale à la matrice associée à \(f\) dans la base \(B\).

  5. Si \(E\) est de type fini, \(\textrm{rang }\Phi_f=\textrm{rang }f\).

Preuve

  1. La linéarité de \(\Phi_f\) est une conséquence immédiate de la bilinéarité de \(f\).

  2. On cherche le noyau de \(\Phi_f\):

    \(\begin{array}{rcl}\ker \Phi_f&=&\{x\in E/f_x=0\}\\&=&\{x\in E/\forall y\in E,f(x,y)=0\}\end{array}\)

    On remarque que le noyau de \(\Phi_f\) est l'orthogonal de \(E\) pour \(f\) : \(\ker \Phi_f=E^\perp\).

  3. Si la forme bilinéaire symétrique \(f\) est non dégénérée, \(\ker \Phi_f=E^\perp=\{0_E\}\), donc \(\Phi_f\) est injective. Or si \(E\) est de type fini, son dual \(E^*\) est aussi de type fini et a même dimension que \(E\). Donc \(\Phi_f\) est bijective.

  4. Soit \(B=(e_1,e_2,...,e_n)\) une base d'un espace vectoriel \(E\) de dimension \(n\).

    Pour tout entier \(i\) compris entre \(1\) et \(n\), on définit la forme linéaire \({e_i}^*\) par :

    \(\begin{array}{l}{e_i}^*(e_j)=0,~~si~~j\neq i\\{e_i}^*(e_j)=1,~~si~~j = i\end{array}\)

    Alors \(B^*=({e_1}^*,{e_2}^*,...,{e_n}^*)\) est une base de \(E^*\) appelée base duale de la base \(B=(e_1,e_2,...,e_n)\).

    Pour tout vecteur \(\displaystyle{x=\sum_{j=1}^{j=n}x_je_j}\) de \(E\), \({e_i}^*(x)=x_i\), donc \(\displaystyle{x=\sum_{j=1}^{j=n}{e_j}^*(x)e_j}\).

    Soit \(M=(a_{i,j})_{\substack{{1\le i\le n}\\{1\le j\le n}}}\) la matrice de la forme bilinéaire symétrique \(f\) dans la base \(B\). Par définition de \(M\), on a \(a_{i,j}=f(e_i,e_j)\).

    Soit \(A\) la matrice de \(\Phi_f\) relativement aux bases \(B\) et \(B^*\):

    la \(k^\textrm{i\`eme}\) colonne de \(A\) est formée des coordonnées de \(\Phi_f(e_k)\) dans la base \(B^*\). Or pour tout vecteur \(\displaystyle{x=\sum_{j=1}^{j=n}{e_j}^*(x)e_j}\) de \(E\) :

    \(\begin{array}{rcl}\Phi_f(e_k)(x)&=&f(e_k,x)=\displaystyle{f\left(e_k,\sum_{j=1}^{j=n}{e_j}^*(x)e_j\right)=\sum_{j=1}^{j=n}{e_j}^*(x)f(e_k,e_j)}\\&=&\displaystyle{\sum_{j=1}^{j=n}f(e_k,e_j){e_j}^*(x)}=\displaystyle{\sum_{j=1}^{j=n}f(e_j,e_k){e_j}^*(x)}\end{array}\)

    Donc \(\Phi_f(e_k)=\displaystyle{\sum_{j=1}^{j=n}f(e_j,e_k){e_j}^*}\).

    Par conséquent la \(k^\textrm{i\`eme}\) colonne de \(A\) est égale à la \(k^\textrm{i\`eme}\) colonne de \(M\).

    D'où l'égalité des matrices \(A\), matrice de \(\Phi_f\) relativement aux bases \(B\) et \(B^*\), et \(M\), matrice associée à \(f\) dans la base \(B\).

  5. Le rang de \(\Phi_f\) est égal au rang de la matrice \(M\). Or on a vu que le rang de \(f\) est aussi le rang de \(M\). Donc \(\Phi_f=\textrm{rang }f\).

Remarque

  • La propriété 2 et la propriété 5 justifient la terminologie « noyau de \(f\) » et « rang de \(f\) », alors que \(f\) n'est pas une application linéaire : le noyau de \(f\) et le rang de \(f\) sont en fait le noyau et le rang de l'application linéaire \(\Phi_f\).

  • La propriété 3 exprime que, si \(E\) est de type fini et si la forme bilinéaire symétrique \(f\) est non dégénérée, \(\Phi_f\) est bijective, c'est-à-dire que toute forme linéaire \(l\) sur \(E\) est l'image par \(\Phi_f\) d'un vecteur unique de \(E\):

    \(\forall l\in E^*, \exists x\in E/\forall y\in E, l(y)=f(x,y)\)

    Ceci donne une façon de construire toutes les formes linéaires sur un espace vectoriel de type fini, lorsque l'on a muni \(E\) d'une forme bilinéaire symétrique non dégénérée.