Valeurs propres et vecteurs propres de l'application dérivation

Partie

Question

  1. Soient \(n\) un entier supérieur ou égal à \(1\), et \(E\) l'espace vectoriel sur \(\mathbf K\), (\(\mathbf K\) étant \(\mathbb R\) ou \(\mathbb C\)), formé du polynôme nul et des polynômes à coefficients dans \(\mathbf K\) de degré inférieur ou égal à \(n\).

    Déterminer les valeurs propres et les sous-espaces propres de l'endomorphisme \(D_E\) de \(E\) qui à tout polynôme \(P\) associe son polynôme dérivé \(P'\).

    L'application \(D_E\) est-elle diagonalisable ?

  2. Soit \(F\) l'espace vectoriel sur \(\mathbb R\) des fonctions numériques admettant des dérivées de tout ordre (\(F\) n'est pas un espace vectoriel de dimension finie).

    Soit \(D\) l'endomorphisme de \(F\) qui à toute fonction \(f\) de \(F\) associe sa dérivée \(f'\).

    Pour tout réel \(\lambda\), montrer qu'il existe une fonction \(f\) de \(F\), non nulle, telle que \(D(f)=\lambda f\) et déterminer l'ensemble \(F_\lambda\) des fonctions \(f\) de \(F\) telles que \(D(f)=\lambda f\).

Aide simple

2. Résoudre l'équation différentielle \(y'=\lambda y\) .

Aide méthodologique

On peut trouver les valeurs propres d'un endomorphisme \(\Phi\) en cherchant les racines du polynôme caractéristique de \(\Phi\), ou bien directement en déterminant les vecteurs \(v\) et les scalaires \(\lambda\) de \(\mathbf K\) tels que \(\Phi(v)=\lambda v\).

Seule une recherche directe est possible dans la deuxième question.

Aide à la lecture
  1. L'espace vectoriel \(E\) est un espace vectoriel de dimension finie \(n+1\).

  2. L'espace vectoriel sur \(\mathbb R\) des fonctions numériques admettant des dérivées de tout ordre n'est pas un espace vectoriel de dimension finie car il contient par exemple toutes les fonctions polynômes \(e_k : x\mapsto x^k, k\in\mathbb N\), et donc il contient, pour tout entier \(n\), le sous-espace vectoriel engendré par \(\{e_0,e_1,\ldots,e_n\}\) de dimension \(n+1\).

    Dans cet espace vectoriel qui n'est pas de dimension finie, le réel \(\lambda\) et l'ensemble \(F_\lambda\) sont définis de la même manière que les valeurs propres et sous-espaces propres en dimension finie, mais la notion de polynôme caractéristique ne peut pas exister.

Solution détaillée
  1. Soit \(B=(1,X,X^2,\ldots,X^n)\) la base canonique de \(E\) et soit \(M\) la matrice carrée d'ordre \(n+1\) associée à l'endomorphisme \(D_E\) dans la base \(B\).

    On a \(D_E(1)=0, D_E(X)=1, D_E(X^2)=2X,\ldots,D_E(X^n)=nX^{n-1}\), donc :

    \(M=\left(\begin{array}{cccccc}0&1&0&\ldots&0&0\\0&0&2&\ldots&0&0\\0&0&0&\ldots&0&0\\\vdots&\vdots&\vdots&\ddots&\vdots&\vdots\\0&0&0&0&0&n\\0&0&0&0&0&0\end{array}\right)\), et le polynôme caractéristique de \(D_E\) est :

    \(P_{\textrm{car},D_E}(T)=\textrm{det}(M-TI_n)=\left(\begin{array}{cccccc}-T&1&0&\ldots&0&0\\0&-T&2&\ldots&0&0\\0&0&-T&\ldots&0&0\\\vdots&\vdots&\vdots&\ddots&\vdots&\vdots\\0&0&0&0&-T&n\\0&0&0&0&0&-T\end{array}\right)=(-T)^{n+1}\)

    Comme \(P_{\textrm{car},D_E}(T)=(-1)^{n+1}T^{n+1}\), la seule valeur propre de \(D_E\) est \(0\).

    On pouvait aussi remarquer que si \(P\) est un polynôme non nul, les degrés de \(P\) et de \(D_E(P)\) sont liés par la relation \(\textrm{deg}(D_E(P))=\textrm{deg}(P)-1\). Donc l'égalité \(D_E(P)=\lambda P\) ne peut avoir lieu que si \(P\) est le polynôme constant et si \(\lambda\) est nul.

    Le rang de la matrice \(M\) est \(n\), car les colonnes de cette matrice forment un système de rang \(n\). Donc d'après le théorème du rang, le sous-espace propre \(E_0\) de \(D_E\) associé à la valeur propre \(0\) est de dimension \(1\), comme il contient le polynôme \(1\), il est engendré par ce polynôme.

    Le sous-espace propre \(E_0\) est le sous-espace vectoriel formé des polynômes constants. Comme l'ordre de multiplicité de la valeur propre \(0\) n'est pas égale à la dimension du sous-espace propre \(E_0\), on en déduit que \(D_E\) n'est pas diagonalisable.

  2. Soit \(\lambda\) un réel. On cherche les fonctions \(f\) telles que \(D(f)=\lambda f\), \(f\) est donc solution de l'équation \(y'=\lambda y\).

    Les solutions de cette équation sont toutes les fonctions de la forme \(x\mapsto a\textrm{ exp}(\lambda x)\), où \(a\) appartient à \(\mathbb R\).

    On a ainsi montré que pour tout réel \(\lambda\), il existe une fonction \(f\) non nulle telle que \(D(f)=\lambda f\), par exemple la fonction \(x\mapsto\textrm{exp}(\lambda x)\).

    L'ensemble \(F_\lambda\) des fonctions \(f\) de \(F\) telles que \(D(f)=\lambda f\) est le sous-espace vectoriel de dimension \(1\) engendré par la fonction \(x\mapsto\textrm{exp}(\lambda x)\).

    Remarque : tout réel \(\lambda\) est « valeur propre » de \(D\) et le problème de la diagonalisation n'a aucun sens ici.