Problème 4 (difficile)

Partie

Question

On considère une série entière \(\sum a_nz^n\)de rayon de convergence 1.

On pose : \(\forall z\in D(0,1), f(z)=\displaystyle\sum_{n=0}^{+\infty}a_n z^n\). On se propose d'étudier, sous certaines conditions, des propriétés de la fonction \(f\) sur l'intervalle \(]-1,1[\), et plus précisément au voisinage de 1.

1. On suppose que la série \(\sum a_n\) est convergente, soit \(l\) sa somme. Montrer qu'on a : \(\displaystyle\lim_{x\rightarrow l}f(x)=l\).

Solution détaillée

La stratégie est de montrer que les hypothèses entraînent la convergence uniforme de la série entière \(\sum a_nx^n\) sur l'intervalle \([0,1]\), d'où la continuité de sa somme sur cet intervalle.

Il s'agit en fait de démontrer, dans un cas particulier, celui des séries entières, le critère d'Abel uniforme relatif aux séries de fonctions. La démonstration de ce critère repose sur l'application du critère de Cauchy uniforme relatif aux séries de fonctions.

On cherche donc à majorer l'expression : pour \(p\geq n\),

\(\rho_n^p(x)=a_{n+1}x^{n+1}+\ldots+a_px^p\).

On pose : \(R_n=\displaystyle\sum_{k=n+1}^{+\infty}a_k\); on a donc : \(\displaystyle\lim_{n\rightarrow +\infty}R_n=0\).

On va utiliser la “transformation d'Abel”, c'est-à-dire qu'à partir de l'expression

\(\rho_n^p(x)=x^{n+1}(R_n-R_{n+1})+x^{n+2}(R_{n+1}-R_{n+2})+\ldots+x^p(R_{p-1}-R_p)\),

on écrit :\(\rho_n^p(x)=x^{n+1}R_n+\displaystyle\sum_{k=n+1}^{p-1}(x^{k+1}-x^k)R_k-x^pR_p\).

Pour tout \(x\in[0,1]\), la suite \((x^n)\) est décroissante, et on a : \(\forall x\in[0,1]\), \(\forall k\geq 0\), \(0\leq x^{k+1}\leq x^k\).

On en déduit : \(|\rho_n^p(x)|\leq x^{n+1}|R_n|+\displaystyle\sum_{k=n+1}^{p-1}(x^k-x^{k+1})|R_k|+x^p|R_p|\).

Soit \(\epsilon>0\). De l'égalité \(\displaystyle\lim_{n\rightarrow +\infty}R_n=0\) on déduit que : \(\exists N\in N\), \(\forall n\geq N\), \(|R_n|<\epsilon\).

Donc : \(\forall n\geq N\), \(|\rho_n^p(x)|\leq \epsilon\left(x^{n+1}+\displaystyle\sum_{k=n+1}^{p-1}(x^k-x^{k+1})+x^p\right)=2\epsilon x^{n+1}\leq 2\epsilon\).

Cette majoration est indépendante de \(x\) sur l'intervalle \([0,1]\). On a donc montré :

\(\forall \epsilon >0\), \(\exists N\in N\), \(\forall n\geq N\), \(\forall p\geq n\), \(\forall x\in [0,1]\), \(|\rho_n^p(x)|\leq 2\epsilon\).

La série entière \(\sum a_n x^n\) est donc uniformément convergente sur l'intervalle \([0,1]\) et la fonction \(f\) est continue sur \([0,1]\). On a donc \(\displaystyle\lim_{n\rightarrow l}f(x)=l\).

Question

2. Montrer que les hypothèses \(\displaystyle\lim_{x\rightarrow l}f(x)=l\) et \(\displaystyle\lim_{x\rightarrow +\infty}na_n=0\) entraînent que la série \(\sum a_n\) est convergente et a pour somme \(l\). Montrer que cette conclusion est fausse si l'on ne suppose pas \(\displaystyle\lim_{x\rightarrow +\infty}na_n=0\).

Solution détaillée

Méthode : on considère la suite .\((x_n)_{n\geq 1}\)\(x_n=1-\frac1n\). On a donc :

\(\displaystyle\lim_{n\rightarrow +\infty} f(x_n)=l\). On pose : \(\forall n\geq 1\), \(u_n=f(x_n)-\displaystyle\sum_{k=0}^{n}a_k\).

On se propose donc de montrer que la suite \((u_n)_{n\geq 1}\)converge vers 0.

On écrit \(u_n\) sous la forme :

\(u_n=\displaystyle\sum_{k=0}^{+\infty}a_kx_n^k-\displaystyle\sum_{k=0}^{n}a_k=-\displaystyle\sum_{k=0}^{n}a_k(1-x^k_n)+\displaystyle\sum_{k=n+1}^{+\infty}a_kx^k_n\) et on étudie séparément les suites \((v_n)\)et \((w_n)\) définies par : \(v_n=\displaystyle\sum_{k=n+1}^{+\infty}a_kx^k_n\) et \(w_n=\displaystyle\sum_{k=0}^{n}a_k(1-x^k_n)\). Il s'agit de montrer que chacune de ces deux suites a une limite nulle.

Étude de la suite \((v_n)\)

On a les majorations, pour tout entier \(n\) :

\(|v_n|\leq \displaystyle\sup_{k\geq n+1}(|a_k|)\times\displaystyle\sum_{k=n+1}^{+\infty}x^k_n= \displaystyle\sup_{k\geq n+1}(|a_k|)\times\frac{x_n^{n+1}}{1-x_n} \).

On en déduit : \(|v_n|\leq n \displaystyle\sup_{k\geq n+1}(|a_k|)\leq \displaystyle\sup_{k\geq n+1}(k|a_k|)\).

Soit \(\epsilon>0\). L'hypothèse \(\displaystyle\lim_{n\rightarrow+\infty}na_n=0\) entraîne alors la propriété : \(\exists N\in N, \forall k\in N, |ka_k|<\epsilon\).

On en déduit : \(\forall n \geq N, |v_n|<\epsilon\). On a donc montré : \(\forall \epsilon>0, \exists n\in N,\forall n\geq N, |v_n|<\epsilon\).

La suite \((v_n)\) a donc une limite nulle.

Étude de la suite \((w_n)\)

On a les majorations, pour tout entier \(n\geq 1\) et tout \(k\geq 0\):

\(|w_n|\leq \displaystyle\sum_{k=0}^{n}|a_k||1-x_n^k|\). De l'égalité \(1-x^k_n=(1-x_n)(1+x_n+\ldots+x_n^{k-1})\), on déduit :

\(|1-x_n^k|\leq \frac kn\). On a donc, pour tout entier \(n\geq 1\): \(\forall n\geq 1\), \(|w_n|\leq \frac 1n\displaystyle\sum_{k=0}^{n}k|a_k|\).

Soit \(\epsilon >0\). Comme écrit plus haut, on a : \(\exists N\in N, \forall k\geq N, |ka_k|<\epsilon\).

On en déduit : \(\forall n\in N, \frac 1n\displaystyle\sum_{k=0}^{n}k|a_k|=\frac1n\displaystyle\sum_{k=0}^{N}k|a_k|+\frac1n\displaystyle\sum_{k=N+1}^{n}k|a_k|\).

L'entier \(N\) étant fixé, \(\displaystyle\sum_{k=0}^{N}k|a_k|=M\)\(M\) est un réel. D'où l'on déduit :

\(\forall n>N, \frac 1n\displaystyle\sum_{k=0}^{n}k|a_k|\leq \frac Mn+\frac{n-N}{n}\epsilon\leq\frac{M}{n}+\epsilon\).

Il existe alors un entier \(N'\) tel que : \(\forall n>N', \frac Mn\leq \epsilon\). Posons \(N_0=max(N,N')\). Alors :

\(\forall n>N_0, \frac1n\displaystyle\sum_{k=0}^{n}k|a_k|\leq 2\epsilon\).

On a donc montré : \(\forall\epsilon >0, \exists N_0\in N, \forall n>N_0,|w_n|<\epsilon\).

La suite \((w_n)\) a donc une limite nulle.

L'hypothèse \(\displaystyle\lim_{n\rightarrow+\infty}na_n=0\) est indispensable. En effet, considérons la fonction : \(x\mapsto \frac{1}{1+x}\); on a : \(\forall x\in]-1,1[, \frac{1}{1+x}=\displaystyle\sum_{n=0}^{+\infty}(-1)^nx^n\). Quand \(x\) tend vers 1, on a : \(\displaystyle\lim_{x\rightarrow l}\frac{1}{1+x}=\frac12\), mais la série \(\sum(-1)^n\) est divergente.

Question

3. On suppose maintenant que tous les coefficients \(a_n\) sont strictement positifs et que la série \(\sum a_n\) est divergente.

a. Montrer qu'on a alors : \(\displaystyle\lim_{x\rightarrow l}f(x)=+\infty\).

b. Montrer que, si \((b_n)\) est une suite de réels strictement positifs telle que \(b_n\sim a_n\) quand \(n\) tend vers \(+\infty\), alors la série entière \(\sum b_nz^n\) a aussi comme rayon de convergence 1.

On pose, pour tout \(x\) appartenant à l'intervalle \(]-1,1[\), \(g(x)=\displaystyle\sum_{n=0}^{+\infty}b_nx^n\). Montrer que \(g(x)\sim f(x)\) quand \(x\) tend vers 1.

Solution détaillée

a. Sur l'intervalle \(]0,1]\), la fonction \(f\) est strictement croissante car les inégalités \(0<x_1<x_2\) entraînent \(\forall n\geq 1, 0<x_1^n<x_2^n\). Quand \(x\) tend vers 1

  • ou \(f\) est majorée : elle a une limite finie ;

  • ou \(f\) n'est pas majorée : elle tend vers \(+\infty\).

Nous allons montrer que si la fonction \(f\) est majorée, alors la série \(\sum a_n\) est convergente. Supposons donc la fonction \(f\) majorée. Il existe \(M\) tel que : \(\forall x\in [0,1[, 0<f(x)\leq M\). On a donc :

\(\forall x\in[0,1[, \forall N\in N, 0<\displaystyle\sum_{n=0}^Na_nx^n\leq M\). Quand \(x\) tend vers 1, on a \(\displaystyle\sum_{n=0}^Na_n\leq M\). La série \(\sum a_n\) est à termes positifs, ses sommes partielles sont bornées, elle est donc convergente.

On a donc montré que la divergence de la série \(\sum a_n\) entraîne que la fonction \(f\) tend vers \(+\infty\).

b. Les conditions : \(\forall n\in N, 0<a_n, 0<b_n\) et \(a_n\begin{array}{c}\sim\\^{n\rightarrow+\infty}\end{array}b_n\) entraînent, d'après le théorème de comparaison, que

  • la série \(\sum b_n\) est divergente

  • pour tout \(x\) appartenant à l'intervalle \([0,1[\), la série \(\sum b_nx^n\) est convergente.

Le rayon de convergence de la série entière \(\sum b_nx^n\) est donc 1.

Soit \(\epsilon>0\). Les conditions \(\forall n\in N, 0<a_n, 0<b_n\) et \(a_n\begin{array}{c}\sim\\^{n\rightarrow+\infty}\end{array}b_n\) entraînent :

\(\forall \epsilon >0\), \(\exists N\in N, \forall n\geq N\), \(\left|\frac{b_n}{a_n}-1\right|<\epsilon\), soit \(|b_n-a_n|<\epsilon a_n\).

On écrit \(g(x)-f(x)=\displaystyle\sum_{n=0}^N(b_n-a_n)x^n+\displaystyle\sum_{n=N+1}^{+\infty}(b_n-a_n)x^n\).

On en déduit : \(|g(x)-f(x)|\leq\displaystyle\sum_{n=0}^N|b_n-a_n|x^n+\displaystyle\sum_{n=N+1}^{+\infty}|b_n-a_n|x^n \).

Or \(\displaystyle\sum_{n=0}^N|b_n-a_n|\) est borné, il existe donc \(M>0\) tel que : \(\displaystyle\sum_{n=0}^N|b_n-a_n|\leq M\).

D'autre part on a : \(\displaystyle\sum_{n=N+1}^{+\infty}|b_n-a_n|x^n<\epsilon\displaystyle\sum_{=n+1}^{+\infty}a_nx^n<\epsilon f(x)\).

On a donc : \(\left|\frac{g(x)}{f(x)}-1\right|\leq \frac{M}{f(x)}+\epsilon\), car \(f(x)\) est strictement positif.

Comme la fonction \(f\) tend vers \(+\infty\) quand \(x\) tend vers 1, il existe \(\eta\in]0,1[\) tel que \(\forall x\in ]1-\eta,1[, f(x)>\frac M\epsilon\), c'est-à-dire tel que :

\(\forall x\in ]1-\eta,1[\), \(\left|\frac{g(x)}{f(x)}-1\right|\leq 2\epsilon\).

On a donc montré : \(\forall \epsilon>0\), \(\exists \eta \in ]0,1[\), \(\forall x\in ]1-\eta,1[\), \(\left|\frac{g(x)}{f(x)}-1\right|\leq 2\epsilon\).

Ce qui signifie : \(f(x)\begin{array}{c}\sim\\^{n\rightarrow 1}\end{array}g(x)\).