Anomérie

La cyclisation crée un nouveau carbone asymétrique.

La réaction de cyclisation change l'état d'hybridation du carbone de l'aldéhyde ou de la cétone de sp2 en sp3. Ce carbone rendu asymétrique par la cyclisation est un nouveau centre de chiralité pour la molécule cyclisée. Il peut se présenter sous deux configurations qu'on appelle formes anomères, pour rendre compte de leur originalité vis à vis des autres formes de stéréoisomérie. Ce carbone asymétrique est appelé carbone anomérique. Le groupement -OH porté par le carbone anomérique est généralement appelé OH hémiacétalique.

Les formes anomères ont des propriétés physiques différentes.

Comme tous les stéréoisomères, les formes anomères ont des activités optiques différentes. Dans le cas du D-glucopyranose par exemple, une solution fraîchement préparée de l'anomère α présente un pouvoir rotatoire spécifique \([\alpha]_D^{20}\)= +113°, tandis qu'une solution fraîchement préparée de l'anomère β montre un pouvoir rotatoire spécifique \([\alpha]_D^{20}\)= + 19°. Fischer avait initialement proposé d'appeler α l'anomère le plus dextrogyre et β l'anomère le moins dextrogyre. Il a ensuite été montré que la structure la plus dextrogyre équivalait à deux configurations absolues opposées pour le carbone anomérique et pour le carbone sub-terminal (carbone de référence). On désigne donc par la lettre grecque α toute forme anomère où la configuration absolue du carbone anomérique est inverse de celle du carbone sub-terminal, déterminant l'appartenance à la série de Fischer. A l'inverse l'anomère β est celui où le carbone anomérique et le carbone de référence ont la même configuration absolue. Ce principe s'applique à tous les oses.

Complément

Le meilleur moyen de connaître la forme anomérique d'un ose est de déterminer la configuration absolue du carbone anomérique (C1 dans le cas du glucose) et de la comparer à celle du carbone de référence.

L'oxygène du cycle est prioritaire sur l'OH hémiacétalique, car il est lui-même lié à un autre carbone. Le carbone 2 du glucose a la troisième priorité, et l'hydrogène du C1 la quatrième.

La configuration anomérique du D-glucopyranose de l'illustration ci-dessus est β, car le carbone anomérique a la même configuration absolue (R) que le carbone sub-terminal.

L'anomérie peut se concevoir comme un cas particulier de l'épimérie

Les deux formes anomères d'un monosaccharide ne diffèrent que par la position des substituants du seul carbone anomérique. L'anomérie peut donc se concevoir comme un cas particulier de l'épimérie. Les deux formes anomères d'un ose correspondent bien à deux molécules distinctes: elles ne sont évidemment pas superposables l'une à l'autre et ne présentent pas les mêmes propriétés physiques. La température de fusion de l'α-D-(+)-glucopyranose est de 146°C, contre 150°C pour le β-D-(+)-glucopyranose. Les deux formes ne cristallisent pas non plus dans les mêmes conditions, ce qui permet de les séparer l'une de l'autre par des procédés physiques simples.

Complément

La représentation conformationnelle montre que tous les hydroxyles, y compris le OH hémiacétalique sont en position équatoriale dans le β-D-glucopyranose.

La grande stabilité du β-D-glucopyranose en solution justifie son rôle essentiel dans le métabolisme cellulaire et la physiologie des organismes.

L'anomère β du D-glucopyranose est favorisé en solution par rapport à l'anomère α dont l'OH hémiacétalique est orienté de manière axiale. Le β-D-(+)-glucopyranose a donc tous les gros substituants de son cycle en position équatoriale, et correspond à la forme cyclique la plus représentée du glucose en solution (environ 64% de forme β contre 36% de forme α, et des traces de forme linéaire).