Application linéaire en dimension 5

Partie

On considère l'espace vectoriel \(\mathbb R^5\) muni de la base canonique \((e_1,e_2,e_3,e_4,e_5)\).

Soit \(f\) l'endomorphisme de \(\mathbb R^5\) défini par :

\(\begin{array}{rcccrcrcr} f(e_1)&=&0&&&&&& \\ f(e_2)&=&e_1&&&&&& \\ f(e_3)&=&e_1&+&e_2&&&& \\ f(e_4)&=&2e_1&-&e_2&&&& \\ f(e_5)&=&e_1&-&e_2&+&e_3&+&e_4 \end{array}\)

Question

Montrer que \(f^3=f\circ f\circ f\) est l'application nulle.

Solution détaillée

Dans le contexte qui est ici le nôtre (voir les prérequis) nous n'avons pas l'outil du calcul matriciel.

Donc la méthode que nous utiliserons sera la caractérisation d'un endomorphisme d'un espace de type fini par l'image des vecteurs d'une base.

Par conséquent, pour répondre à la question posée, il suffit de démontrer que \(\forall i, 1\le i \le 5, f^3(e_i)=0\).

A partir de la définition de \(f\), on obtient :

\(f^2(e_1)=0, f^2(e_2)=0, f^2(e_3)=e_1, f^2(e_4)=-e_1, f^2(e_5)=2e_1\)

d'où, immédiatement, le résultat puisque \(f(e_1)=0\).

Question

Déterminer la dimension de \(f(\mathbb R^5)\) et de \(f^2(\mathbb R^5)\).

Solution détaillée

On sait que dans un espace de type fini, l'image d'un endomorphisme est engendrée par les images des vecteurs d'une base.

Ici, \(f(\mathbb R^5)\) est donc engendré par \(f(e_2),f(e_3),f(e_4),f(e_5)\) (on peut exclure \(f(e_1)\) qui est nul).

On pourrait utiliser l'algorithme de détermination du rang d'un système de vecteurs. Cependant, ici, il est pratiquement "visible" que \(f(e_3)+f(e_4)=3f(e_2)\), ce qui prouve que \(\{f(e_3),f(e_4),f(e_5)\}\) est une famille génératrice de l'image de \(f\) et que le rang de \(f\) est inférieur ou égal à \(3\).

Intuitivement , on peut penser que la partie \(\{f(e_3),f(e_4),f(e_5)\}\) est libre (par exemple en remarquant que les vecteurs \(e_3\) et \(e_4\) n'apparaissent que dans l'expression de \(f(e_5)\) et en remarquant que visiblement \(f(e_3)\) et \(f(e_4)\) ne sont pas proportionnels). Evidemment ces remarques ne constituent pas une démonstration mais seulement un support pour l'intuition.

Nous allons prouver que \(\{f(e_3),f(e_4),f(e_5)\}\) est une partie libre.

Soit donc une combinaison linéaire nulle de ces vecteurs : \(\alpha f(e_3)+\beta f(e_4)+ \gamma f(e_5)=0\).

Ceci équivaut à l'égalité : \(\alpha(e_1+e_2)+\beta(2e_1-e_2)+\gamma(e_1-e_2+e_3+e_4)=0\) et donc au système :

\(\left\{ \begin{array}{rcrcrcl} \alpha&+&2\beta&+&\gamma&=&0 \\ \alpha&-&\beta&-&\gamma&=&0 \\ &&&&\gamma&=&0 \\ &&&&\gamma&=&0 \end{array} \right.\)

(en utilisant le fait que \(\{e_1,e_2,e_3,e_4\}\) est une partie libre).

Ces relations impliquent immédiatement que \(\alpha=\beta=\gamma=0\).

Ceci achève la démonstration. Le rang de \(f\) est donc égal à \(3\).

Pour étudier la dimension de l'image de \(f^2\) l'idée est la même, mais la justification est beaucoup plus rapide puisque nous avons trouvé dans la première question que tous les vecteurs \(f^2(e_i)\) étaient proportionnels à \(e_1\). Le vecteur non nul \(e_1\) est donc une famille libre génératrice de \(f^2(\mathbb R^5)\).

Donc la dimension de \(f^2(\mathbb R^5)\) est égale à \(1\).

Question

a. Déterminer la dimension de \(\textrm{Ker}(f)\) et celle de \(\textrm{Ker}(f^2)\).

b. Montrer l'inclusion : \(\textrm{Ker}(f)\subset\textrm{Ker}(f^2)\).

Solution détaillée
Solution de la question 3.a

On sait, d'après le théorème du rang, que si on connaît la dimension de l'image d'un endomorphisme d'un espace de type fini, on a la dimension du noyau de cet endomorphisme (la somme des deux est égale à la dimension de l'espace).

Donc ici on a immédiatement \(\dim\textrm{Ker}(f)=5-3=2\) et \(\dim\textrm{Ker}(f^2)=5-1=4\).

Solution de la question 3.b

Pour montrer que \(\textrm{Ker}(f)\subset\textrm{Ker}(f^2)\), prenons un élément \(x\) de \(\textrm{Ker}(f)\).

On a \(f(x)=0\) d'où \(f^2(x)=f(f(x))=0\) et par conséquent \(x\) est un élément de \(\textrm{Ker}(f^2)\).

On peut remarquer que cette démonstration ne fait absolument pas intervenir le fait que l'on soit dans un espace vectoriel de type fini. C'est un résultat général, vrai pour tout endomorphisme d'un espace vectoriel quelconque.

Question

Soit \(u=-2e_3+e_5\).

a. Montrer que \((f^2(e_3),f(u))\) est une base de \(\textrm{Ker}(f)\).

b. Montrer que l'on peut trouver des vecteurs \(v\) et \(w\) de \(\mathbb R^5\) tels que \((f^2(e_3),f(u),v,w)\) soit une base de \(\textrm{Ker}(f^2)\).

c. Montrer que l'on peut prendre \(v=f(e_3)\) et \(w=u\).

Aide simple

a. Ne pas oublier de vérifier que les vecteurs considérés sont bien dans le noyau de \(f\).

b. Remarquer que dans cette question on ne demande pas de déterminer explicitement des vecteurs \(v\) et \(w\) répondant à la question.

Solution détaillée
Solution de la question 4.a

La démonstration va comporter deux étapes : on sait qu'une base d'un sous-espace vectoriel est formée de vecteurs du sous-espace ; donc la première chose à vérifier est que les vecteurs \(f^2(e_3)\) et \(f(u)\) sont bien dans le noyau de \(f\).

C'est immédiat pour \(f^2(e_3)\) puisque \(f^3=0\).

Pour \(f(u)\) on calcule \(f(f(u))\).

Comme \(u=-2e_3+e_5\) on a \(f(f(u))=f^2(-2e_3+e_5)\) c'est-à-dire, compte tenu des résultats trouvés dans la première question pour \(f^2\),

\(f(f(u))=-2f^2(e_3)+f^2(e_5)=-2e_1+2e_1=0\) ce qui nous donne le résultat de la première étape.

Quant à la deuxième étape, on pourrait, bien sûr, démontrer que \(\{f^2(e_3),f(u)\}\) est une partie libre qui engendre le noyau de \(f\). Mais on a déjà un renseignement sur ce noyau : on sait qu'il est de dimension \(2\). Par conséquent, d'après le cours, il suffit de démontrer l'une des deux propriétés "libre" ou "engendre".

On va démontrer que c'est une partie libre.

Soient donc deux scalaires \(\alpha\) et \(\beta\) tels que \(\alpha f(u)+\beta f^2(e_3)=0\).

Cela équivaut à \(\alpha(-2f(e_3)+f(e_5))+\beta f^2(e_3)=0\) soit \((-\alpha+\beta ) e_1-3\alpha e_2+\alpha e_3+\alpha e_4=0\), ce qui implique immédiatement \(\alpha=\beta=0\).

Ceci achève la démonstration.

Solution de la question 4.b.

La partie \(\{f^2(e_3), f(u)\}\) est une partie libre du noyau de \(f\),

donc du noyau de \(f^2\) puisque \(\textrm{Ker}(f)\subset\textrm{Ker}(f^2)\).

Comme on a vu que \(\textrm{Ker}(f^2)\) est de dimension \(4\) le théorème de la base incomplète nous donne immédiatement le résultat.

Solution de la question 4.c

Dans la question 4.b on a obtenu un résultat qualitatif : il existe bien une base de \(\textrm{Ker}(f^2)\) dont deux vecteurs sont \(\{f^2(e_3),f(u)\}\).

Dans cette question 4.c on va trouver effectivement une telle base.

Il suffit de vérifier que les vecteurs proposés par le texte conviennent.

Il est immédiat que ce sont des éléments de \(\textrm{Ker}(f^2)\) puisque \(f^2(e_3)\) et \(f(u)\) sont dans \(\textrm{Ker}(f)\).

De plus, comme on connaît à l'avance la dimension \(\textrm{Ker}(f^2)\) de et que l'on considère un nombre de vecteurs exactement égal à cette dimension, il suffit de vérifier qu'ils forment une partie libre.

Soit donc des scalaires \(\alpha , \beta , \gamma\) et \(\lambda\) tels que \(\alpha f^2(e_3)+\beta f(u)+\gamma f(e_3)+ \lambda u=0\),

égalité qui équivaut à \(\alpha e_1+\beta (-e_1-3e_2+e_3+e_4)+\gamma(e_1+e_2)+\lambda (-2e_3+e_5)=0\) et donc au système :

\(\left\{\begin{array}{rcrcrcrcl} \alpha&-&\beta&+&\gamma&&&=&0 \\&-&3\beta&+&\gamma&&&=&0 \\ &&\beta&&&-&2\lambda&=&0 \\ &&\beta&&&&&=&0 \\ &&&&&&\lambda&=&0 \end{array}\right.\)

Il est clair que ces relations impliquent : \(\lambda=\beta=\gamma=\alpha=0\).

Question

Montrer que le sous-espace vectoriel de \(\mathbb R^5\) engendré par \(e_3\) est un sous-espace vectoriel supplémentaire de \(\textrm{Ker}(f^2)\).

Solution détaillée

Là aussi, un argument de dimension va simplifier le travail :

en effet si on démontre que la somme de \(\textrm{Ker}(f^2)\) et du sous-espace engendré par \(e_3\) est directe, la dimension de \(\textrm{Ker}(f^2)\cap \mathbb Re_3\) est égale à la somme des dimensions c'est-à-dire \(4 + 1 = 5\).

Comme c'est un sous- espace de \(\mathbb R^5\) qui est lui-même de dimension \(5\),

on a immédiatement l'égalité \(\textrm{Ker}(f^2)\cap \mathbb Re_3=\mathbb R^5\)et la conclusion souhaitée.

Il suffit donc de démontrer que \(\textrm{Ker}(f^2)\cap \mathbb Re_3=\{0\}\).

Soit \(x\) un élément de \(\textrm{Ker}(f^2)\cap \mathbb Re_3\).

Il existe des scalaires \(\alpha,\beta,\gamma,\lambda\) et \(\mu\) tels que \(\alpha e_3=\beta f^2(e_3)+\gamma f(u)+\lambda u+\mu f(e_3)\),

soit \(\alpha e_3=\beta e_1+\gamma (-e_1-3e_2+e_3+e_4)+\lambda(-2e_3+e_5)+\mu(e_1+e_2)\),

égalité qui implique \(\alpha=\beta=\gamma=\mu=0\) (l'étude successive des composantes sur \(e_5,e_4,e_3,e_2,\) et \(e_1\) donne immédiatement \(\lambda=0\) puis \(\gamma=0\), puis \(\alpha=0\) enfin \(\mu=0\) et \(\beta=0\)).

Ceci achève la démonstration.

Remarque

On aurait aussi pu démontrer que la famille formée des vecteurs définissant une base de \(\textrm{Ker}(f^2)\), par exemple ceux trouvés dans la question \(4.b\), et du vecteur \(e_3\) était libre. On aboutissait exactement au même type de calcul que précédemment.

Question

Montrer que \((f^2(e_3),f(e_3),e_3,f(u),u)\) est une base de \(\mathbb R^5\).

Solution détaillée

C'est une conséquence immédiate de la question précédente puisque l'on sait que la réunion des vecteurs de base de deux sous-espaces supplémentaires détermine une base de l'espace tout entier.

Remarque

il est intéressant de remarquer l'ordre des vecteurs de la base \((f^2(e_3),f(e_3),e_3,f(u),u)\).

En effet si on pose \(\epsilon_1=f^2(e_3), \epsilon_2=f(e_3), \epsilon_3=e_3, \epsilon_4=f(u), \epsilon_5=u,\) on a une base \((\epsilon_1,\epsilon_2,\epsilon_3,\epsilon_4,\epsilon_5)\) avec \(f(\epsilon_1)=0,f(\epsilon_2)=\epsilon_1, f(\epsilon_3)=\epsilon_2, f(\epsilon_4)=0, f(\epsilon_5)=\epsilon_4\).