Construction d'un isomorphisme de Mn(C)

Partie

Question

On considère dans \(M_n(\mathbb C)\), espace vectoriel sur \(\mathbb C\) des matrices carrées d'ordre \(n\) à coefficients complexes, deux matrices \(A\) et \(B\) non nulles n'ayant pas de valeurs propres communes.

  1. Soit \(P_{\textrm{car},A}\) le polynôme caractéristique de \(A\). Montrer que la matrice \(P_{\textrm{car},A}(B)\) est inversible.

  2. Soit \(M\) une matrice de \(M_n(\mathbb C)\) vérifiant l'équation \(AM=MB\).

    a. Montrer, pour tout entier \(k\) strictement positif, l'égalité \(A^kM=MB^k\).

    b. En déduire la relation \(MP_{\textrm{car},A}(B)=0\).

    c. Montrer que la matrice \(M\) est la matrice nulle.

  3. On considère l'endomorphisme \(f\) de \(M_n(\mathbb C)\) défini pour toute matrice \(M\) de \(M_n(\mathbb C)\) par \(f(M)=AM-MB\).

    Montrer que \(f\) est un isomorphisme de \(M_n(\mathbb C)\).

Aide simple
  1. Décomposer le polynôme caractéristique de \(A\) en produit de facteurs du premier degré \((X-\lambda_i)\) et montrer que chaque matrice \((B-\lambda_iI_n)\) est inversible, \(I_n\) désigne la matrice unité de \(M_n(\mathbb C)\).

  2. b. Montrer l'égalité \(M[P_{\textrm{car},A}(B)]=[P_{\textrm{car},A}(A)]M\).

Aide méthodologique

Pour montrer qu'une matrice est inversible, on peut montrer qu'elle est le produit de matrices inversibles. On peut aussi montrer que son déterminant est non nul.

Aide à la lecture

Remarquer que les matrices considérées sont à coefficients dans \(\mathbb C\) et que les matrices \(A\) et \(B\) n'ont pas de valeur propre commune.

Solution détaillée
  1. La matrice \(A\) étant à coefficients complexes, son polynôme caractéristique \(P_{\textrm{car},A}\) est scindé et s'écrit sous la forme d'un produit de facteurs du premier degré, non nécessairement tous distincts :

    \(P_{\textrm{car},A}(X)=(-1)^n(X-\lambda_1)(X-\lambda_2)\cdots(X-\lambda_n)\),

    où les \(\lambda_l\), \(1\le l\le n\), sont des nombres complexes ; ce sont les valeurs propres de \(A\).

    Donc la matrice \(P_{\textrm{car},A}(B)\) s'écrit :

    \(P_{\textrm{car},A}(B)=(-1)^n(B-\lambda_1I_n)(B-\lambda_2I_n)\cdots(B-\lambda_nI_n)\),

    \(I_n\) désigne la matrice unité de \(M_n(\mathbb C)\).

    Comme les nombres \(\lambda_l\), \(1\le l\le n\), ne sont pas valeurs propres de \(B\), chaque matrice \((B-\lambda_lI_n)\) est inversible. En effet on a les relations :

    \(\textrm{det }(B-\lambda_lI_n)=P_{\textrm{car},B}(\lambda_l)\) et \(P_{\textrm{car},B}(\lambda_l)\ne0\),

    (puisque les racines du polynôme caractéristique de \(B\), noté \(P_{\textrm{car},B}\), sont les valeurs propres de \(B\)), donc \(\textrm{det }(B-\lambda_lI_n)\ne0\).

    Comme le produit de matrices inversibles est aussi inversible, on en déduit que la matrice \(P_{\textrm{car},A}(B)\) est inversible.

    • Autre méthode :

      Les polynômes P_{\textrm{car},A} et \(P_{\textrm{car},B}\) de \(\mathbb C[X]\), n'ayant aucune racine commune, sont premiers entre eux. Par conséquent il existe deux polynômes \(R\) et \(S\) de \(\mathbb C[X]\) tels qu'on ait l'identité de Bézout : \(P_{\textrm{car},A}R+P_{\textrm{car},B}Q=1\).

      D'où l'égalité des matrices suivante : \(P_{\textrm{car},A}(B)R(B)+P_{\textrm{car},B}(B)Q(B)=I_n\).

      D'après le théorème de Cayley-Hamilton : \(P_{\textrm{car},B}(B)=0\),

      d'où l'égalité : \(P_{\textrm{car},A}(B)R(B)=I_n\).

      La matrice \(P_{\textrm{car},A}(B)\) est inversible.

  2. Soit \(M\) une matrice de \(M_n(\mathbb C)\) vérifiant l'équation \(AM=MB\).

    a. On montre par récurrence l'égalité \(A^kM=MB^k\), pour tout entier \(k\).

    Par hypothèses, c'est vrai pour \(k=1\).

    On suppose que c'est vrai pour un entier \(p\) : \(A^pM=MB^p\), alors

    \(A^{p+1}M=A(A^pM)=A(MB^p)=(AM)B^p=(MB)B^p=MB^{p+1}\),

    l'égalité est donc vraie pour l'entier \(p+1\), elle est donc vraie pour tout entier \(k\).

    b. Soit \(P_{\textrm{car},A}(X)=(-1)^nX^n+a_{n-1}X^{n-1}+\cdots+a_0\).

    Alors :

    \(\begin{array}{ccc}MP_{\textrm{car},A}(B)&=&M[(-1)^nB^n+a_{n-1}B^{n-1}+\cdots+a_1B+a_0I_n]\\&=&(-1)^nMB^n+a_{n-1}MB^{n-1}+\cdots+a_1MB+a_0M\\&=&(-1)^nA^nM+a_{n-1}A^{n-1}M+\cdots+a_1AM+a_0M\\&=&[(-1)^nA^n+a_{n-1}A^{n-1}+\cdots+a_1A+a_0I_n]M\\&=&P_{\textrm{car},A}(A)M\end{array}\)

    Or, d'après le théorème de Cayley-Hamilton : \(P_{\textrm{car},A}(A)=0\).

    Donc \(MP_{\textrm{car},A}(B)=0\).

    c. On a montré dans la question 1. que la matrice \(P_{\textrm{car},A}(B)\) est inversible.

    En multipliant à droite l'égalité \(MP_{\textrm{car},A}(B)=0\) par l'inverse de la matrice \(P_{\textrm{car},A}(B)\), on trouve \(M=0\) : la matrice \(M\) est nulle.

  3. Soit \(f\) l'endomorphisme de \(M_n(\mathbb C)\) défini pour toute matrice \(M\) de \(M_n(\mathbb C)\) par \(f(M)=AM-MB\).

    (la vérification du fait que \(f\) est un endomorphisme de \(M_n(\mathbb C)\) est immédiate)

    D'après la question précédente le noyau de \(f\) défini par :

    \(\begin{array}{ccc}\textrm{ker }f&=&\{M\in M_n(\mathbb C),f(M)=0\}\\&=&\{M\in M_n(\mathbb C),AM=MB\}\end{array}\)

    ne contient que la matrice nulle donc l'endomorphisme \(f\) est injectif, et comme l'espace vectoriel \(M_n(\mathbb C)\) est de dimension finie (\(\textrm{dim }M_n(\mathbb C)=n^2\)), il est aussi surjectif. Donc \(f\) est un isomorphisme de \(M_n(\mathbb C)\).