Théorème - définition
Théorème :
Soit \(n\) un entier supérieur ou égal à 1. A toute matrice \(M\) carrée d'ordre \(n\) on peut associer un unique scalaire, appelé déterminant de \(M\) et noté \(\det(M)\) ou \(det M\), caractérisé par les trois propriétés suivantes :
L'application définie par le déterminant est linéaire par rapport à chaque colonne.
Si deux colonnes d'une matrice \(M\) sont égales, son déterminant est nul.
Le déterminant de la matrice unité est égal à 1.
Dans la suite on désigne ces trois propriétés sous le nom de propriétés caractéristiques des déterminants.
Cet énoncé mérite d'être explicité. Pour ce faire, les notations vont être précisées.
Soit \(M\) un élément de \(M_n(K)\). Comme il est clair que les colonnes de \(M\) jouent un rôle important dans cet énoncé, elles vont être mises en évidence dans la notation.
On note \(C_i\) la \(i\)-ième colonne de \(M\) et on écrit \(M = (C_1, C_2,\ldots, C_n)\).
Alors on note \(\det(M) = \det(C_1, C_2,\ldots, C_n)\).
Explicitation de la propriété 1
Elle peut être traduite par les relations :
Pour tout \(i\) compris entre 1 et \(n\),
\(\det(C_1, C_2,\ldots, C_n) = \det(C_1,\ldots, C_i,\ldots, C_n) + \det(C_1,\ldots, C'_i,\ldots, C_n)\)
\(\forall\lambda\in K, \det(C_1,\ldots,\lambda C_i,\ldots, C_n) = \lambda\det(C_1,\ldots, C_i,\ldots, C_n)\)
Dans le théorème - définition du déterminant d'une matrice, on considère les colonnes d'une matrice. En fait, il n'y a aucun inconvénient à identifier la \(j\)-ième colonne \(\begin{array}{c}m_{1,j}\\\vdots\\ m_{n,j}\end{array}\) d'une matrice et la matrice colonne \(\left(\begin{array}{c}m_{1,j}\\\vdots\\ m_{n,j}\end{array}\right)\). C'est ce qui est fait lorsque cela facilite l'exposition, et en particulier ici. Cela permet d'exprimer les relations précédentes par la propriété (1') suivante :
Propriété : (1')
Pour tout \(i\) compris entre 1 et \(n\), (les colonnes \(C-j\) étant fixées pour \(j\) différent de \(i\)), l'application
\(M_{n,1}(K) \rightarrow K\)
\(C_i \mapsto \det(C_1,\ldots, C_i,\ldots, C_n)\)
est linéaire. On exprime ce résultat en disant que l'application de \([M_{n,1}(K)]^n\) dans \(K\) définie par le déterminant est \(n\)-linéaire.
Définition : d'une forme multilinéaire sur un espace vectoriel
Soit \(E\) un espace vectoriel sur un corps K et \(s\) un entier supérieur ou égal à 1.
Une forme \(s\)-linéaire sur K est une application de \(E^s\) dans K, linéaire par rapport à chaque variable.
Cela peut s'écrire de la manière suivante :
\(f : E^s \rightarrow K\)
\((V_1, V_2, \ldots, V_s) \mapsto f(V_1, V_2, \ldots, V_s)\)
et, pour tout \(i\) compris entre 1 et \(s\) (les vecteurs \(V_j\) étant fixées pour \(j\) différent de \(i\)), l'application de \(E\) dans K,
\(E \rightarrow K\)
\(V_i \mapsto f(V_1, V_2, \ldots, V_s)\)
est linéaire.
Explicitation de la propriété (2) et propriété équivalente
La proposition suivante donne une condition nécessaire et suffisante pour que la propriété (2) soit satisfaite, en supposant la propriété (1) vraie :
Proposition :
Soit \(f\) une forme n-linéaire sur \(M_{n,1}(K)\) :
\(f : \left[M_{n,1}(K)\right]^n \rightarrow K\)
\((C_1,\ldots, C_i,\ldots, C_n) \mapsto f(C_1,\ldots, C_i,\ldots, C_n)\)
Alors les deux propriétés suivantes sont équivalentes :
Si \(i\) et \(j\) sont deux entiers différents compris entre 1 et \(n\), tels que \(C_i = C_j\),
alors \(f(C_1,\ldots, C_i,\ldots, C_j,\ldots, C_n) = 0\).
Si on permute deux vecteurs (les autres restant inchangés), on obtient la formule :
\(i \neq j, f(C_1,\ldots, C_j,\ldots, C_i,\ldots, C_n) = -f(C_1,\ldots, C_i,\ldots, C_j,\ldots, C_n)\)
Une forme \(n\)-linéaire vérifiant cette propriété est dite alternée.
Dans la suite on appelle propriété (2') la propriété 2..
Ce résultat est très utile dans la pratique.
Démonstration de la proposition
supposons vraie la propriété 1. et montrons la propriété 2..
On calcule \(f(C_1,\ldots,C_i + C_j(i\textrm{-ième place}),\ldots,C_i + C_j(j\textrm{-ième place}),\ldots,C_n)\).
En utilisant la linéarité par rapport à la \(i\)-ième et à la \(j\)-ième colonne, on obtient
\(f(C_1,\ldots,C_i + C_j,\ldots,C_i + C_j,\ldots,C_n) = f(C_1,\ldots,C_i,\ldots,C_i,\ldots,C_n) + f(C_1,\ldots,C_j,\ldots,C_j,\ldots,C_n) + f(C_1,\ldots,C_j,\ldots,C_i,\ldots,C_n) + f(C_1,\ldots,C_i,\ldots,C_j,\ldots,C_n)\)
Or, d'après la propriété 1., les scalaires \(f(C_1,\ldots,C_i + C_j,\ldots,C_i + C_j,\ldots,C_n)\), \(f(C_1,\ldots,C_i,\ldots,C_i,\ldots,C_n)\) et \(f(C_1,\ldots,C_j,\ldots,C_j,\ldots,C_n)\) sont nuls (dans chaque cas, il y a deux vecteurs égaux) ; l'égalité précédente devient
\(f(C_1,\ldots,C_j,\ldots,C_i,\ldots,C_n) + f(C_1,\ldots,C_i,\ldots,C_j,\ldots,C_n) = 0\)
d'où le résultat \(f(C_1,\ldots,C_j,\ldots,C_i,\ldots,C_n) = - f(C_1,\ldots,C_i,\ldots,C_j,\ldots,C_n)\)
Supposons vraie la propriété 2. et montrons la propriété 1..
Supposons \(C_i = C_j\). Alors l'égalité
\(f(C_1,\ldots,C_j,\ldots,C_i,\ldots,C_n) = - f(C_1,\ldots,C_i,\ldots,C_j,\ldots,C_n)\)
devient \(f(C_1,\ldots,C_i,\ldots,C_i,\ldots,C_n) = - f(C_1,\ldots,C_i,\ldots,C_i,\ldots,C_n)\),
soit \(2f(C_1,\ldots,C_j,\ldots,C_i,\ldots,C_n) = 0\)
Comme les matrices considérées sont à coefficients réels ou complexes, ceci implique \(f(C_1,\ldots,C_j,\ldots,C_i,\ldots,C_n) = 0\)
Remarque : destinée à ceux qui connaissent la notion de caractéristique d'un corps
C'est là que nous avons besoin que le corps des coefficients soit de caractéristique différente de 2. C'est évidemment le cas pour R ou C.