Développement du déterminant d'une matrice par rapport à une ligne et démonstration de l'existence

La démonstration du théorème - définition comporte deux parties : la démonstration de l'existence et celle de l'unicité. Elles sont toutes les deux liées à des formules permettant de calculer un déterminant.

Pour démontrer l'existence d'un objet mathématique satisfaisant aux conditions du théorème - définition, on donne une formule qui, de plus, permet de calculer effectivement le déterminant d'une matrice, et on vérifie que les propriétés caractéristiques des déterminants sont satisfaites.

Notation :

Soit \(M = (m_{i,j})\) une matrice carrée d'ordre \(n\). Il est évident que si l'on supprime une ligne et une colonne dans \(M\), la matrice obtenue est à \(n - 1\) lignes et \(n - 1\) colonnes. On note \(M_{i,j}\) la matrice obtenue en supprimant la \(i\)-ème ligne et la \(j\)-ième colonne.

Le théorème d'existence peut s'énoncer de la façon suivante :

ThéorèmeExistence

Les formules suivantes :

  • Si a est un élément quelconque de K, \(\det(a) = a\).

  • Si \(M = (m_{i,j})\) est une matrice carrée d'ordre \(n\).

\(\det M = (-1)^{i+1}m_{i,1}\det M_{i,1} + (-1)^{i+2}m_{i,2}\det M_{i,2} + \ldots + (-1)^{i+n}\det M_{i,n}\)

définissent par récurrence, pour tout entier \(n\) supérieur ou égal à 1, une application de \(M_n(K)\) dans K qui satisfait aux propriétés caractérisant les déterminants.

La démonstration se fait par récurrence sur l'ordre des matrices.

  • Cas \(n = 1\)

Soit \(M = (a)\) ; on peut définir \(\det M\) par : \(\det(a) = a\). Il est immédiat que toutes les propriétés souhaitées sont satisfaites.

  • Supposons que l'application \(\det : M_{n-1}(K) \rightarrow K\) soit définie et vérifie les propriétés (1), (2) et (3).

  • Soit \(M = \left(m_{i,j}\right)\) une matrice carrée d'ordre \(n\).

Un indice \(i\) étant fixé, le scalaire \((-1)^{i+1}m_{i,1}\det M_{i,1} + (-1)^{i+2}m_{i+2}\det M_{i,2} + \ldots + (-1)^{i+n}m_{i+n}\det M_{i,n}\) est bien défini puisque toutes les expressions \(\det M_{i,j}\) qui interviennent dans cette formule concernent des matrices d'ordre \(n - 1\).

Alors l'application \(M \mapsto (-1)^{i+1}m_{i,1}\det M_{i,1} + (-1)^{i+2}m_{i+2}\det M_{i,2} + \ldots + (-1)^{i+n}m_{i+n}\det M_{i,n}\) vérifie les propriétés (1), (2) et (3).

Cela découle de leur véracité pour le déterminant des matrices d'ordre \(n - 1\). Les calculs sont un peu longs mais ne présentent pas de difficultés conceptuelles.

MéthodeIndications pour une démonstration

Pour faciliter l'exposition, la preuve va être faite pour \(i = 1\).

Propriété(1)

Soit \(M = (m_{i,j}\), notée aussi \(M = (C_1, C_2, \ldots, C_n)\)\(C_j\) est la \(j\)-ième colonne de \(M\).

Il s'agit de vérifier que

\((C_1, C_2, \ldots, C_n) \mapsto \det M = (-1)^{1+1}m_{1,1}\det M_{1,1} + (-1)^{1+2}m_{1+2}\det M_{1,2} + \ldots + (-1)^{1+n}m_{1+n}\det M_{1,n}\) est \(n\)-linéaire.

Si \(C_j = \alpha D_j + \beta D'_j\), cette décomposition modifie le coefficients \(m_{1,j}\)

\((m_{1,j} = \alpha d_{1,j} + \beta d'_{1,j})\) et les matrices \(M_{1,k}\) avec \(k \neq j\) (puisque dans ces matrices la \(j\)-ième colonne " reste ").

Cela donne \(\det M = (-1)^{1+j}m_{1,j} \det M_{1,j} + \displaystyle{\sum_{\begin{array}{c}1\leq k \leq n\\ k\neq j\end{array}}} (-1)^{1+k}m_{1,k} \det M_{1,k}\) soit :

\(\det M = (-1)^{1+j}( \alpha d_{1,j} + \beta d'{1,j}) \det M_{1,j} + \displaystyle{\sum_{\begin{array}{c}1\leq k \leq n\\ k\neq j\end{array}}} (-1)^{1+k}m_{1,k} \det((\widehat{C^1_1}, \ldots, \alpha\widehat{D^1_j} + \beta\widehat{D'^1_j}, \ldots , \widehat{C^1_n})_k)\)

où \widehat{C^1_r} désigne la \(r\)-ième colonne de \(M\) à laquelle on a supprimé la première ligne et

\((\widehat{C^1_1},\ldots, \widehat{C^1_j}, \ldots, \widehat{C^1_n})_n\) la matrice déduite de \((C_1, C_2,\ldots, C_n)\) en supprimant la \(k\)-ième colonne et la première ligne ; par conséquent les matrices \((\widehat{C^1_1},\ldots,\alpha \widehat{C^1_j} + \beta \widehat{D'^1_j}, \ldots, \widehat{C^1_n})_k\) qui interviennent dans la somme précédente possèdent \(n - 1\) ligne et \(n - 1\) colonnes et on peut donc leur appliquer l'hypothèse de récurrence. D'où :

\(\det M = \alpha\left[ (-1)^{1+j}d_{1,j}\det M_{1,j} +\displaystyle{ \sum_{\begin{array}{c}1\leq k \leq n\\ k\neq j\end{array}}} (-1)^{1+k}m_{1,k} \det((\widehat{C^1_1}, \ldots, \widehat{D^1_j}, \ldots , \widehat{C^1_n})_k)\right] + \beta \left[ (-1)^{1+j}d'_{1,j}\det M_{1,j} + \\displaystyle{sum_{\begin{array}{c}1\leq k \leq n\\ k\neq j\end{array}}} (-1)^{1+k}m_{1,k} \det((\widehat{C^1_1}, \ldots, \widehat{D'^1_j}, \ldots , \widehat{C^1_n})_k)\right]\)

Ce qui achève la démonstration.

Propriété(2)

Si la matrice \(M\) a deux colonnes égales, par exemple \(C_s\) et \(C_r\) avec \(r\) et \(s\) distincts, il est clair que les colonnes, obtenues en supprimant la première ligne, \(\widehat{C_s}\) et \(\widehat{C_r}\) sont encore égales ; donc toutes les matrices d'ordre \(n - 1\) ,\(( \widehat{C_1}, \ldots, \widehat{C_r}, \ldots, \widehat{C_s}, \ldots, \widehat{C_n})_k\), avec \(k\) différent de \(s\) et de \(r\), ont deux colonnes égales. D'où, d'après l'hypothèse de récurrence,

\(\forall k \in \{1,2,\ldots,n\}-\{r,s\}\), \(\det(( \widehat{C_1}, \ldots, \widehat{C_r}, \ldots, \widehat{C_s}, \ldots, \widehat{C_n})_k) = 0\)

\(det M = \displaystyle{\sum_{\begin{array}{c}1\leq k \leq n\\ k\neq j\end{array}}} (-1)^{1+k}m_{1,k}\det((\widehat{C^1_1}, \ldots, \widehat{C^1_j}, \ldots , \widehat{C^1_n})_k)\)

\(det M = (-1)^{1+s}m_{1,s}\det((\widehat{C^1_1}, \ldots, \widehat{C^1_r}, \ldots , \widehat{C^1_n})_s(r\textrm {-ième colonne})) + (-1)^{1+r}m_{1,r}\det((\widehat{C^1_1}, \ldots, \widehat{C^1_s}, \ldots , \widehat{C^1_n})_r(s\textrm {-ième colonne}))\)

\(\widehat{C^1_s}\) et \(\widehat{C^1_r}\) sont égales. Supposons par exemple \(s\) supérieur à \(r\). Il faut \(s -r -1\) transpositions pour amener la \(s\)-ième colonne à la \(r\)-ième place.

Compte tenu de l'hypothèse de récurrence il vient

\(\det((\widehat{C^1_1}, \ldots, \widehat{C^1_s}, \ldots , \widehat{C^1_n})_r) = (-1)^{s - r - 1}\det((\widehat{C^1_1}, \ldots, \widehat{C^1_r}, \ldots , \widehat{C^1_n})_s)\)

d'où

\(\det M = (-1)^{1+s}m_{1,s}\det((\widehat{C^1_1}, \ldots, \widehat{C^1_r}, \ldots , \widehat{C^1_n})_s) + (-1)^{1+r}m_{1,r}(-1)^{s - r - 1}\det((\widehat{C^1_1}, \ldots, \widehat{C^1_r}, \ldots , \widehat{C^1_n})_s)\)

\(\det M = (-1)^{1+s}m_{1,s}\det((\widehat{C^1_1}, \ldots, \widehat{C^1_r}, \ldots , \widehat{C^1_n})_s) - (-1)^{s+1}m_{1,s}\det((\widehat{C^1_1}, \ldots, \widehat{C^1_r}, \ldots , \widehat{C^1_n})_s)\)

puisque \(m{1,s} = m{1,r}\) (les colonnes de rang \(s\) et de rang \(r\) son égales). Donc \(det M = 0\)

Propriété(3)

Si l'on considère la matrice unité \(I_n\), ses coefficients \(m_{i,j}\) sont tels que :

\(i = j \Rightarrow m_{i,j} = 1\)

\(i \neq j \Rightarrow m_{i,j} = 0\)

Donc \(det(I_n) = (-1)^{1+1} det(I_n)_{1,1}\)

Or la matrice obtenue à partir de la matrice unité en supprimant la première ligne et la première colonne est la matrice unité d'ordre \(n - 1\) ; on peut donc lui appliquer l'hypothèse de récurrence.

Alors \(det(I_n)_{1,1} = 1 \Rightarrow det (I_n) = 1\). Ceci achève la preuve.

On peut donc définir

\(\det M = (-1)^{i+1}m{i,1}\det{i,1} + (-1)^{i+2}m{i,2}\det M{i,2} + \ldots + (-1)^{i+n}m_{i,n}\det M_{i,n}\)

Remarque

La définition donnée ci-dessus suppose le choix d'un indice \(i\) de ligne et peut paraître arbitraire. Alors se pose naturellement la question : que se passe-t-il si l'on prend une autre valeur pour \(i\) ? l'unicité du déterminant d'une matrice dont la démonstration va être faite dans la deuxième partie de ce paragraphe permet de répondre. Quelque soit la ligne choisie, le résultat est le même.

DéfinitionDéveloppement du déterminant par rapport à la i-ème ligne

La formule

\(\det M = (-1)^{i+1}m_{i,1}\det M_{i,1} + (-1)^{i+2}m_{i,2}\det M_{i,2} + \ldots + (-1)^{i+n}m_{i,n}\det M_{i,n}\)

est appelée le développement du déterminant par rapport à la \(i\)-ème ligne.

RègleVocabulaire

Le scalaire \(\Delta_{i,j} = (-1)^{i+j}\det M_{i,j}\) est appelé le cofacteur de \(m_{i,j}\). Le scalaire \(det M_{i,j}\) est appelé le mineur de \(m_{i,j}\)

On peut écrire la " matrice des signes " autrement dit la matrice d'ordre n dont le terme général, élément de la \(i\)-ième ligne et \(j\)-ième colonne, est \((-1)^{i+j}\).

C'est le coefficient par lequel il faut multiplier le mineur \(det M_{i,j}\) pour avoir le cofacteur \(\Delta_{i,j} = (-1)^{i+j}\det M_{i,j}\) de \(m_{i,j}\).

Cela donne la matrice \(\left(\begin{array}{ccccc}1&-1&1&&(-1)^{n+1}\\-1&1&-1&&\\1&-1&1&&\\\vdots&\vdots&\vdots&&\\\vdots&&&1&-1\\(-1)^{n+1}&\ldots&\ldots&-1&1\end{array}\right)\) dite matrice des signes.

ExempleExplications des formules dans le cas des matrices d'ordre 2 et 3.

Déterminant d'une matrice d'ordre 2

Soit \(M = \left(\begin{array}{cc}a&b\\c&d\end{array}\right)\). Le développement par rapport à la première ligne donne

\(\det M = (-1)^{1+1}a\det M _{1,1} + (-1)^{1+2}b\det M_{1,2}\).

Or \(M_{1,1} = (d)\) , \(M_{1,2} = (c)\).

D'où \(\det M = ad-bc\)

Ce résultat est évidemment à retenir puisque tout calcul de déterminant se ramènera, in fine, au calcul de déterminants d'ordre 2, compte tenu de la formule précédente qui permet de ramener le calcul d'un déterminant d'une matrice d'ordre n à celui de déterminants de matrices d'ordre \(n-1\).

On peut illustrer aussi sur cet exemple la remarque faite précédemment sur le choix d'une ligne.

En effet, le développement par rapport à la deuxième ligne donne : \((-1)^{2+1}c\det M_{2,1} + (-1)^{2+2}d\det M_{2,2} = -cb + da\) , ce qui est bien la même valeur.

Déterminant d'une matrice d'ordre 3

Soit \(M = \left(\begin{array}{ccc}m_{1,1}&m_{1,2}&m_{1,3}\\m_{2,1}&m_{2,2}&m_{2,3}\\m_{3,1}&m_{3,2}&m_{3,3}\end{array}\right)\) une matrice d'ordre 3. Choisissons par exemple \(i=2\) et développons par rapport à la deuxième ligne.

La formule

\(\det M = (-1)^{i+1}m_{i,1}\det M _{i,1} + (-1)^{i+2}m_{i,2}\det M_{i,2} + \ldots + (-1)^{i+n}m_{i,n}\det M_{i,n}\)

devient \(\det M = (-1)^{2+1}m_{2,1}\det M _{2,1} + (-1)^{2+2}m_{2,2}\det M_{2,2} + \ldots + (-1)^{2+3}m_{2,3}\det M_{2,3}\)

Les matrices \(M_{k,s}\) sont obtenues à partir de \(M\) en supprimant la \(k\)-ième ligne et la \(s\)-ième colonne. Ce sont donc des matrices d'ordre 2 dont on sait calculer le déterminant d'après ce qui précède.

Explicitement cela donne

\(\det M =-m_{2,1}\det\left(\begin{array}{cc}m_{1,2}&m_{1,3}\\m_{3,2}&m_{3,3}\end{array}\right) + m_{2,2}\det\left(\begin{array}{cc}m_{1,1}&m_{1,3}\\m_{3,1}&m_{3,3}\end{array}\right) - m_{2,3}\det\left(\begin{array}{cc}m_{1,1}&m_{1,2}\\m_{3,1}&m_{3,2}\end{array}\right)\)

On achève le calcul grâce à la formule des déterminants d'ordre 2. Cela donne par conséquent :

\(\det M =-m_{2,1}(m_{1,2}m_{3,3} - m_{1,3}m_{3,2}) +m_{2,2}(m_{1,1}m_{3,3} - m_{1,3}m_{3,1}) - m_{2,3}(m_{1,1}m_{3,2} - m_{1,2}m_{3,1})\)

soit

\(\det M =-m_{2,1}m_{1,2}m_{3,3} + m_{2,1}m_{1,3}m_{3,2} +m_{2,2}m_{1,1}m_{3,3} - m_{2,2}m_{1,3}m_{3,1} - m_{2,3}m_{1,1}m_{3,2} + m_{2,3}m_{1,2}m_{3,1}\)