Fonctions uniformément continues sur un intervalle
La notion de continuité uniforme est une notion difficile qui n'est pas explicitement au programme de première année mais qui sera utilisée dans le cours sur l'intégration. Dans un premier temps, on peut laisser de côté ce paragraphe, en y revenant, par exemple, au moment de l'intégration. Ceci étant, l'adjectif uniforme apparaîtra souvent dans le cours de seconde année (continuité uniforme, convergence uniforme) et c'est un très bon exercice de se familiariser avec son emploi et donc de lire (et mieux étudier !) ce paragraphe .
Explication : Pourquoi une nouvelle notion ?
Dans la définition de la continuité d’une fonction \(f\) sur un intervalle \(I\) :
\(\forall x_0\in I,\forall\epsilon>0,\exists\eta>0,\forall x\in I\left(|x-x_0|<\eta\Rightarrow|f(x)-f(x_0)|<\epsilon\right)\)
on a remarqué que \(\eta\) dépend en général du point \(x_0\) (voir animation ci-dessous). Dans certains cas, on peut trouver un \(\eta\) indépendant du point considéré, ainsi pour la fonction sinus, quel que soit le point \(x_0\), on peut prendre \(\eta=\epsilon\). On dit alors que la fonction sinus est uniformément continue sur \(\mathbf R\) : \(\epsilon\) étant donné, le même \(\eta\) convient pour tous les points de \(\mathbf R\).
Définition :
Soit \(f\) une application d'un intervalle \(\mathcal I\) dans\( \mathbf R\); on dit que \(f\) est uniformément continue sur \(\mathcal I\) si :
\(\displaystyle{\forall\epsilon>0,\exists\delta>0,\forall x\in\mathcal I,\forall x'\in\mathcal I(\vert x-x'\vert<\delta\Rightarrow\vert f(x)-f(x')\vert<\epsilon)}\)
On comparera cette définition à celle de la continuité sur \(\mathcal I\), en ce qui concerne la place des quantificateurs et on notera qu'on ne parle pas de fonction uniformément continue mais de fonction uniformément continue sur un ensemble, ici un intervalle.
Une famille importante de fonctions uniformément continues sur un intervalle est celle des fonctions lipschitziennes sur cet intervalle.
Définition :
Soit \(f\) une application d'un intervalle \(\mathcal I\) dans \(\mathbf R\); on dit que \(f\) est lipschitzienne sur \(\mathcal I\), s'il existe un réel \(k\) tel que l'on ait :
\(\forall x\in\mathcal I,\forall x'\in\mathcal I\quad\vert f(x)-f(x')\vert\leq k\vert x-x'\vert\).
On dit alors que \(f\) est lipschitzienne de rapport \(k\) sur \(\mathcal I\).
Dans le cas où le réel \(k\) vérifie \(0< k<1, f\) est dite contractante.
On a les implications évidentes suivantes : \(f\) lipschitzienne sur \(\mathcal I\Rightarrow f\) uniformément continue sur \(\mathcal I\Rightarrow f\) continue sur \(\mathcal I\).
Les réciproques sont fausses.
Preuve :
On vérifie facilement que la réciproque de la seconde implication est fausse avec un contre-exemple fourni par la fonction carré.
Supposons que la fonction \(x\mapsto x^2\), continue sur \(\mathbf R\), soit uniformément continue sur \(\mathbf R\) :
En prenant \(\epsilon= 1\),il existe \(\delta\) tel qu’on ait l’implication :
\(|x-x'|<\delta\Rightarrow|x^2-x'^2|<1\) (*)
Si on considère les points suivants : \(x=\frac1\delta\), \(x'=\frac1\delta+\frac\delta2\), on a :
\(|x-x'|<\delta\) et \(|x^2-x'^2|=1+\frac{\delta^2}4>1\)
ce qui contredit (*).
La fonction \(x\mapsto x^2\) n’est pas uniformément continue sur \(\mathbf R\). En revanche si \(I\) est un intervalle fermé borné elle est uniformément continue sur \(I\) . En effet, soit \(I=[a,b]\) et \(A = max(|a|,|b|)\), on a \(A > 0\). Alors \(\forall(x,x')\in I\times I\quad|x+x'|\le|x|+|x'|\le2A\)
d’où en prenant \(\delta<\frac\epsilon{2A}\) :
\(\forall x\in I,\forall x'\in I~|x-x'|<\delta\Rightarrow|x^2-x'^2|=|x-x'|~|x+x'|\le|x-x'|2A<\epsilon\)
La fonction n’est pas uniformément continue sur \(\mathbf R\) mais elle est uniformément continue sur tout intervalle fermé, borné ; on remarque donc combien il est fondamental de préciser l’intervalle lorsqu’on parle de continuité uniforme. D’autre part la propriété observée ici (sur un intervalle fermé, borné, continuité sur l’intervalle implique continuité uniforme sur l’intervalle) est une propriété générale qui sera l’objet du théorème suivant.
La réciproque de la première implication est fausse:un contre-exemple est donné par la fonction r racine carrée sur l'intervalle [0,1] . Pour \(x\) et \(h\) positifs on a :
\(\sqrt{x+h}-\sqrt x=\frac h{\sqrt{x+h}+\sqrt x}\)
d'où
\(\frac{\sqrt{x+h}-\sqrt x}h=\frac1{\sqrt{x+h}+\sqrt x}\)
Prenons \(x = h\), le rapport précédent vaut \(\frac1{\sqrt{2x}+\sqrt x}>\frac1{2\sqrt{2x}}\) qui n'est pas majoré quand \(x\) tend vers 0.
Donc il ne peut exister \(k\) tel que : \(|r(x+h)-r(x)|<kh\).
Théorème : Heine
Soit \(f\) une fonction continue sur un intervalle fermé, borné \([a,b]\) ; la fonction \(f\) est uniformément continue sur \([a,b]\).
Preuve :
Démonstration par l'absurde : on suppose que \(f\), continue sur \([a,b]\), n'est pas uniformément continue sur \([a,b]\). Comme dans les théorèmes précédents sur des intervalles fermés bornés la démonstration s'appuie sur le théorème de Bolzano-Weierstrass