Infinité de supplémentaires d'un sous-espace
Partie
Question
Soient \(E\) un \(\mathbf K\textrm{-espace}\) vectoriel de dimension \(n\), \(\mathbf K\) étant un corps infini (par exemple \(\mathbb R\) ou \(\mathbb C\)),
\(F\) et \(G\) deux sous-espaces de \(E\) supplémentaires, \(F\) de dimension \(p\) et \(G\) de dimension \(q\) (avec \(p\ge1\), \(q\ge1\)).
Soient \(B_F=(f_1,f_2,\ldots,f_p)\) une base de \(F\), et \(B_G=(g_1,g_2,\ldots,g_q)\), une base de \(G\).
Soit \(a\) un élément non nul de \(F\).
Montrer que \((f_1,f_2,\ldots,f_p,g_1+a,g_2+a,\ldots,g_q+a)\) est une base de \(E\).
En déduire que le sous-espace vectoriel \(G_a\) de \(E\) engendré par la famille \(\{g_1+a,g_2+a,\ldots,g_q+a\}\) est un supplémentaire de \(F\), distinct de \(G\).
Montrer que \(F\) a une infinité de supplémentaires.
Aide simple
Pour le 1. trouver une relation entre \(p\), \(q\) et \(n\), en remarquant que \((f_1,f_2,\ldots,f_p,g_1,g_2,\ldots,g_q)\) est une base de \(E\) et montrer que \(\{f_1,f_2,\ldots,f_p,g_1+a,g_2+a,\ldots,g_q+a\}\) est une partie libre de \(E\).
Aide méthodologique
Pour la question 2., se servir du théorème caractérisant une somme directe au moyen des bases.
Utiliser les différents résultats faisant intervenir la notion de dimension.
La question 2. donne une méthode pour résoudre la question 3.
Aide à la lecture
Le fait que \(\mathbf K\) contienne un nombre infini d'éléments est essentiel pour la question 3. ; il existe des corps ayant un nombre fini d'éléments.
L'hypothèse \(p\ge1\) et \(q\ge1\) implique que \(F\) n'est ni le sous-espace \(\{0\}\), ni l'espace \(E\) tout entier.
On a \(E=F\oplus G\) et on veut montrer que \(E=F\oplus G_a\).
Solution détaillée
Soient \(p+q\) scalaires \(\alpha_1,\alpha_2,\ldots,\alpha_p,\beta_1,\beta_2,\ldots,\beta_q\), vérifiant l'égalité
\(\alpha_1f_1+\alpha_2f_2+\cdots+\alpha_pf_p+\beta_1(g_1+a)+\cdots+\beta_2(g_2+a)+\cdots+\beta_q(g_q+a)=0\)
Il résulte de cette égalité que
\(\alpha_1f_1+\alpha_2f_2+\cdots+\alpha_pf_p+(\beta_1+\beta_2+\cdots+\beta_q)a=-\beta_1g_1-\beta_2g_2-\cdots-\beta_qg_q\)
Puisque les \(f_k\) \((1\le k\le p)\) et \(a\) sont dans \(F\),
le vecteur \(u=\alpha_1f_1+\alpha_2f_2+\cdots+\alpha_pf_p+(\beta_1+\beta_2+\cdots+\beta_q)a\) appartient à \(F\),
mais comme les \(g_k\) \((1\le k\leq q)\) sont dans \(G\), le vecteur \(u=-\beta_1g_1-\beta_2g_2-\cdots-\beta_qg_q\) appartient aussi à \(G\), donc \(u\) appartient à \(F\cap G\), or \(F\cap G=\{0\}\), donc \(u=0\).
On en déduit d'abord, (puisque \(B_G\) est une base de \(G\)), que les \(\beta_k\), \(1\le k\leq q\), sont tous nuls, ensuite, (puisque \(B_F\) est une base de \(F\)), que les \(\alpha_k\), \(1\le k\le p\), sont nuls aussi.
Donc la partie \(\{f_1,f_2,\ldots,f_p,g_1+a,g_2+a,\ldots,g_q+a\}\) est une partie libre de \(E\), ayant \(p+q\) éléments.
Or \(p+q=\textrm{dim }F+\textrm{dim }G=\textrm{dim }(F\oplus G)=\textrm{dim }E\) car \(E=F\oplus G\).
La partie \(\{f_1,f_2,\ldots,f_p,g_1+a,g_2+a,\ldots,g_q+a\}\) étant une partie libre maximale de \(E\), détermine bien une base de \(E\).
Soit \(G_a\) le sous-espace vectoriel de \(E\) engendré par la famille \(\{g_1+a,g_2+a,\ldots,g_q+a\}\).
Comme \(\{g_1+a,g_2+a,\ldots,g_q+a\}\) est une partie extraite de la partie libre \(\{f_1,f_2,\ldots,f_p,g_1+a,g_2+a,\ldots,g_q+a\}\), elle est libre, donc détermine une base de \(G_a\).
Or \(\{f_1,f_2,\ldots,f_p,g_1+a,g_2+a,\ldots,g_q+a\}\) est une partie génératrice de \(F+G_a\); donc la somme \(F+G_a\) est directe d'après la proposition suivante :
Si \(B_A=(a_1,a_2,\ldots,a_p)\) est une base de \(A\) et \(B_C=(c_1,c_2,\ldots,c_q)\) une base de \(C\), la somme des deux sous-espaces \(A\) et \(C\) est directe si et seulement \((a_1,a_2,...,a_p,c_1,c_2,...,c_p)\) est une base de \(A+C\).
Mais d'après la question \(1.\), \((f_1,f_2,...,f_p,g_1+a,g_2+a,...,g_p+a)\) est une base de \(E\), donc \(E=F\oplus G_a\).
\(G_a\) est bien un supplémentaire de \(F\).
Pour montrer que le sous-espace \(G_a\) est bien distinct de \(G\), il suffit de remarquer que le vecteur \(g_1+a\) appartient à \(G_a\), mais n'appartient pas à \(G\).
En effet, si le vecteur \(g_1+a\) appartenait à \(G\), le vecteur \(a=(g_1+a)-g_1\) appartiendrait aussi à \(G\) comme différence de deux éléments de \(G\), le vecteur \(a\), non nul, appartiendrait alors à \(F\cap G\) or \(F\cap G=\{0\}\), ce qui est contradictoire.
Dans la question \(2.\), on a construit un supplémentaire \(G_a\) de \(F\), distinct de \(G\). En choisissant un autre élément non nul de \(F\), appelé \(b\), on peut aussi construire un supplémentaire de \(F\), distinct de \(G\).
Pour montrer que \(G_a\) est distinct de \(G_b\), on utilise la même méthode que celle utilisée dans la question \(2.\) : le vecteur \(g_1+b\) appartient à \(G_b\), mais n'appartient pas à \(G_a\).
En effet, si le vecteur \(g_1+b\) appartenait à \(G_a\), le vecteur \(b-a=(g_1+b)-(g_1+a)\) appartiendrait
aussi à \(G_a\) comme différence de deux éléments de \(G_a\), ce qui est absurde puisque le vecteur \(b-a\), non nul, appartiendrait à \(F\cap G_a\) et que \(F\cap G_a=\{0\}\).
Donc des éléments distincts de \(F\) permettent de construire des supplémentaires distincts de \(F\).
Le sous-espace \(F\) a une infinité d'éléments : en effet \(\mathbf K\) a un nombre infini d'éléments et si les scalaires \(\alpha\) et \(\beta\) sont distincts, les vecteurs \(\alpha a\) et \(\beta a\) le sont aussi car \(a\) est non nul.
On en déduit que le sous-espace \(F\) a une infinité de supplémentaires.