Equations non résolues en y'
Parfois, une équation différentielle est donnée sous la forme \(F(x, y, y') = 0\), sans que l'on puisse trouver une équation \(y' = G(x, y)\) qui lui soit équivalente.
On appelle encore solution une fonction dérivable \(u(x)\) définie sur un intervalle \(I\) qui vérifie, pour tout \(x\) de \(I\), \(F(x, u(x), u'(x)) = 0\).
Ces équations sont à étudier au cas par cas : même si la fonction \(F\) est très régulière, il n'existe pas toujours de solution vérifiant une condition initiale \(y_0 = u(x_0)\) donnée, et s'il en existe elle n'est pas toujours unique. Nous nous contenterons de traiter un exemple.
Exemple : Equation de Clairaut
Equation de Clairaut : \(\displaystyle{yy' - xy'^ 2 - 1 = 0}\) (1)
L'équation ne peut avoir de solution passant par un point \((x_0, y_0)\) que si l'équation de second degré en \(\displaystyle{y' y_0 y' - x_0 y'^ 2 - 1 = 0}\) a des solutions réelles, soit si \(y_0^ 2 - 4 x_0\) positif ou nul. Par un point intérieur à la parabole (P) : \(y^2 = 4x\), il ne passe aucune solution. Par ailleurs, en dérivant l'équation (1), on trouve \(y" (y - 2xy') = 0\). Il est donc naturel de chercher des solutions vérifiant \(y" = 0\), c'est-à-dire des droites.
Cherchons si \(\displaystyle{u (x) = ax + b}\) peut-être une solution ; en remplaçant \(y\) par \(ax + b\) et \(y'\) par a, on trouve comme condition \(ab = 1\). Les droites \(\displaystyle{y = ax + 1/a}\) sont donc solutions de (1) pour tout a non nul. On peut vérifier facilement que ces droites sont tangentes à la parabole (P) au point \((1/a^2, 2/a)\).
Notons \(D\) l'ensemble des points \((x, y)\) qui vérifient la condition \(\displaystyle{y^2 - 4x > 0}\), c'est à dire l'extérieur de la parabole \(y^2 = 4x\).
Dans \(D\) (et pour \(x\) non nul), on peut résoudre l'équation (1) par rapport à \(y'\), ce qui donne deux équations
\(\displaystyle{y' = (y \pm (y^2 - 4x)^{1/2})/x}\) (2).
Ces deux équations vérifient dans \(D\) les hypothèses du théorème de Cauchy-Lipschitz. On peut en conclure que, "localement", il y a exactement deux solutions de (1) passant par un point \(M\) de \(D\): les deux tangentes menées de \(M\) à la parabole.
Sur la parabole \((P)\) elle même, c'est un peu plus compliqué car le théorème de Cauchy-Lipsichtz ne s'applique plus à l'équation (2), car le second membre n'est pas dérivable aux points de \((P)\).
Les fonctions \(\displaystyle{y \pm 2x^{1/2}}\), dont les graphes sont les deux demi-paraboles constituant \((P)\), ont en chaque point même dérivée que leur tangentes (évidemment !) et cette tangente est solution ; les fonctions \(y \pm 2x^{1/2}\) sont donc elles-mêmes solutions de (1).
Remarque :
Remarquez que, si \(A\) et \(B\) sont deux points de \((P)\) situés du même côté de l'axe des \(x\), on obtient encore une solution de (1) en parcourant successivement :
la demi-tangente à \((P)\) jusqu'à son point de contact avec \((P)\),
la partie \(AB\) de \((P)\),
enfin, la demi-tangente à \((P)\) issue de \(B\).
La morale de l'affaire est que, dans les cas où l'on ne peut appliquer le théorme d'unicité, il faut faire très attention.
Complément :
C'est une situation assez générale lorsqu'on a affaire à une famille de droites possédant une enveloppe (courbe tangente à chacune des droites de la famille) : parmi les solution de l'équation obtenue on obtient aussi l'équation de l'enveloppe, ainsi que toutes les solutions formées comme ci-dessus par "recollement".
Sur la figure ci-dessous, si vous cliquez sur un point \((x, y)\) avec \(\displaystyle{y^2 - 4x > 0}\), vous verrez les deux droites solutions passant par ce point. Si vous le faites suffisamment de fois, vous verrez apparaître la parabole comme enveloppe de toutes ces droites.