Injectivité, surjectivité, bijectivité

Théorème

Soient \(E\) et \(F\) deux espaces vectoriels sur un même corps \(\mathbf K\). On suppose l'espace vectoriel \(E\) de type fini et soit n \((n \ge 1)\) sa dimension. Soit \((e_1, e_2, ..., e_n)\) une base de \(E\) et \(f\) une application linéaire de \(E\) dans \(F\). Alors

\(\begin{array}{rccl}1)& f\textrm{ est injective } &\Leftrightarrow& \{f(e_1), f(e_2), ..., f(e_n)\}\textrm{ est une famille libre de }F\\2)& f\textrm{ est surjective } &\Leftrightarrow& \{f(e_1), f(e_2), ..., f(e_n)\}\textrm{ engendre }F\\3)& f\textrm{ est un isomorphisme de }E\textrm{ sur }F &\Leftrightarrow& \{f(e_1), f(e_2), ..., f(e_n)\}\textrm{ est une base de }F\end{array}\)

Chacune des propriétés intervenant dans cet énoncé est une condition nécessaire et suffisante ; la preuve des deux premières sera donc décomposée en deux parties, la troisième s'en déduisant immédiatement.

PreuvePreuve du 1

  • \(f\) est injective \(\Rightarrow \{f(e_1), f(e_2), ..., f(e_n)\}\) est une famille libre de \(F\).

    Soient des scalaires \(\alpha_1, \alpha_2, ..., \alpha_n\) tels que \(\alpha_1f(e_1) + \alpha_2f(e_2) + ... + \alpha_nf(e_n) =0\).

    Comme \(f\) est linéaire, ceci équivaut à l'égalité : \(f(\alpha_1e_1 + \alpha_2e_2 + ... + \alpha_ne_n) =0\) implique que

    \(\alpha_1e_1 + \alpha_2e_2 + ... + \alpha_ne_n = 0\).

    Or \((e_1, e_2, ..., e_n)\) étant une base de \(E\), \(\{e_1, e_2, ..., e_n\}\) est une partie libre, et tous les scalaires \(\alpha_i\) sont nuls.

  • \(\{f(e_1), f(e_2), ..., f(e_n)\}\) est une famille libre de \(F \Rightarrow f\) est injective .

    Montrer que \(f\) est injective équivaut à démontrer que le noyau de \(f\) est réduit à \(0\).

    Soit donc \(x\) un élément du noyau de \(f\). Comme \((e_1, e_2, ..., e_n)\) est une base de \(E\), il existe des scalaires \(x_1, x_2, ..., x_n\) uniques, tels que \(\displaystyle{ x = \sum_{i=1}^{i = n} x_i e_i}\) . L'égalité \(f(x) = 0\) entraîne donc (comme \(f\) est linéaire) l'égalité \(x_1 f(e_1) + x_2f(e_2) + ... + x_n f(e_n) = 0\).

    L'hypothèse \(\{f(e_1), f(e_2), ... , f(e_n)\}\) famille libre de \(F\) permet d'affirmer que tous les scalaires \(x_1, x_2, ..., x_n\) sont nuls, donc que \(x\) est nul.

PreuvePreuve du 2

  • \(f\) est surjective \(\Rightarrow \{f(e_1), f(e_2), ..., f(e_n)\}\) engendre \(F\)

    L'hypothèse \(f\) surjective signifie que \(\textrm{Im}(f) = F\).

    Or on a vu dans la proposition que si \((e_1, e_2, ..., e_n)\) est une base de \(E\),

    \(f(e_1), f(e_2), ... , f(e_n)\) est une famille de générateurs de \(\textrm{Im}(f)\).

    Donc \(\{f(e_1), f(e_2), ... , f(e_n)\}\) engendre \(F\).

  • \(\{f(e_1), f(e_2), ... , f(e_n)\}\) engendre \(F \Rightarrow f\) est surjective .

    L'image de \(f\) est incluse dans \(F\) et \(F\) est inclus dans l'image de \(f\),

    puisque \(\{f(e_1), f(e_2), ..., f(e_n)\}\) engendre \(F\), donc \(\textrm{Im}(f) = F\).

PreuvePreuve du 3

  • \(f\) est un isomorphisme de \(E\) sur \(F\) \(\Leftrightarrow \{f(e_1), f(e_2), ..., f(e_n)\}\) est une base de \(F\).

    Cette équivalence résulte immédiatement des points \(1)\) et \(2)\).

Conséquence immédiate dans le cas où F est aussi de type finie

  • Le rang de \(f\) est inférieur ou égal à la dimension de \(F\), l'égalité ne pouvant avoir lieu que si \(f\) est surjective.

  • Une condition nécessaire pour qu'il existe une application linéaire surjective de \(E\) dans \(F\) est que la dimension de \(E\) soit supérieure ou égale à celle de \(F\).

  • Une condition nécessaire pour qu'il existe une application linéaire injective de \(E\) dans \(F\) est que la dimension de \(E\) soit inférieure ou égale à celle de \(F\).

CorollaireCorollaire 1

Soient \(E\) et \(F\) deux espace vectoriels sur un même corps \(\mathbf K\), \(E\) de type fini. On suppose qu'il existe un isomorphisme de \(E\) dans\( F\).

Alors \(F\) est de type fini et \(\mathrm{dim} E = \mathrm{dim} F\).

Ce résultat est immédiat si \(E = \{0\}\). Il découle immédiatement du théorème précédent si \(E\) est de dimension finie \(n\) avec \(n \ge 1\).

CorollaireCorollaire 2

Soient \(E\) et \(F\) deux \(\mathbf K\) espaces vectoriels de type fini tels que \(\mathrm{dim}E = \mathrm{dim}F\). Alors \(E\) et \(F\) sont isomorphes. En particulier, tout \(\mathbf K\textrm{-espace}\) vectoriel de dimension \(n\) avec \(n \ge 1\) est isomorphe à \(K^n\) muni de sa structure usuelle.

Preuve

  • Si \(E = F = \{0\}\) le résultat est immédiat.

  • Si \(\mathrm{dim}E = \mathrm{dim}F\), \(n \ge 1\), soit \((e_1, e_2, ... , e_n)\) une base de \(E\), et \((f_1, f_2, ... ,f_n)\) une base de \(F\).

    Soit \(L\) l'application linéaire de \(E\) dans \(F\) définie par \(\forall i \in N, 1 \le i \le n, L(e_i) = f(i)\) (l'existence et l'unicité d'une application satisfaisant aux conditions imposées sont justifiées par le théorème donnant la caractérisation d'une application linéaire d'un espace de type fini dans un espace quelconque).

Comme l'image d'une base de \(E\) est une base de \(F, L\) est un isomorphisme d'après le point \(3\) du théorème précédent.

En particulier comme \(\mathbf K^n\) est un espace de dimension \(n\), tout \(\mathbf K\textrm{-espace}\) vectoriel de dimension \(n\) est isomorphe à \(\mathbf K^n\).

ComplémentCaractérisation d'une application linéaire définie sur un espace vectoriel de type fini

Une application linéaire d'un espace vectoriel de type fini dans un espace vectoriel quelconque est entièrement déterminée par les images des vecteurs d'une base de l'espace vectoriel de départ.