Théorème du rang

De tous ces résultats, on va déduire le théorème dit " Théorème du rang " qui est un résultat tout à fait fondamental dans la théorie des applications linéaires en dimension finie.

On se place toujours dans la même situation : \(E\) et \(F\) sont deux espaces vectoriels sur un même corps \(\mathbf K\). L'espace vectoriel \(E\) est supposé de type fini et \(f\) est une application linéaire de \(E\) dans \(F\).

  • Il résulte des propriétés générales des applications linéaires que le noyau et l'image d'une application linéaire sont des sous-espaces vectoriels respectivement de l'espace de départ et de l'espace d'arrivée.

  • Il résulte des propriétés des sous espaces d'un espace de type fini que le noyau d'une application linéaire d'un espace vectoriel de type fini dans un espace quelconque est de type fini.

  • Enfin, il résulte de la proposition vue au début de ce cours que l'image d'une application linéaire d'un espace vectoriel de type fini dans un espace quelconque est de type fini.

L'objet du théorème du rang est de donner une relation entre la dimension du noyau et la dimension de l'image de \(f\).

ThéorèmeThéorème du rang

Soient \(E\) et \(F\) deux espaces vectoriels sur un même corps \(\mathbf K\), \(E\) de type fini. Soit \(f\) une application linéaire de \(E\) dans \(F\). Alors

\(\textrm{dim Ker}(f) + \textrm{dim Im}(f) = \textrm{dim }E\)

Dans la pratique, il suffit donc de déterminer la dimension du noyau ou celle de l'image d'une application linéaire pour avoir les deux dimensions.

Preuve

  • Si f est injective, en désignant par \((e_1, e_2, ... , e_n)\) une base de \(E\), il résulte du premier résultat du théorème que la partie à \(n\) éléments \(\{ f(e_1), f(e_2), ..., f(e_n)\}\) est une famille libre de \(F\) donc une famille libre de \(\mathrm{Im}(f)\); comme c'est une partie génératrice de \(\mathrm{Im}(f), (f(e_1), f(e_2), ..., f(e_n))\) est une base de \(\mathrm{Im}(f)\).

    La dimension de \(\mathrm{Im}(f)\) est donc égale à \(n\) qui est la dimension de \(E\).

  • Si f n'est pas injective, le noyau de \(f\) est un sous espace de \(E\) de dimension \(p\) avec \(1 \le p \le n\).

    Soit \((\epsilon_1, \epsilon_2, ..., \epsilon_n)\) une base de \(\mathrm{Ker}(f)\).

    D'après le théorème de la base incomplète, il existe \(n - p\) vecteurs \(\epsilon_{p+1}, \epsilon_{p+2}, ..., \epsilon_{n}\) de \(E\) tels que \((\epsilon_1, \epsilon_2, ..., \epsilon_n)\) soit une base de \(E\).

    Alors \(\mathrm{Im}(f)\) est engendrée par les vecteurs \(f(\epsilon_1), f(\epsilon_2), ..., f(\epsilon_n)\).

    Mais comme \(\forall i, 1 \le i \le p, f(\epsilon_i) = 0, \mathrm{Im}(f)\) est engendrée par les vecteurs

    \(f(\epsilon_{p+1}), ... , f(\epsilon_n)\).

    Or ces vecteurs sont linéairement indépendants :

    soient des scalaires \(\alpha_{p+1}, \alpha_{p+2}, ..., \alpha_n\) tels que \(\alpha_{p+1}f(\epsilon_{p+1}) + ... + \alpha_n f(\epsilon_n) = 0\).

    Puisque \(f\) est linéaire cette égalité équivaut à l'égalité \(f(\alpha_{p+1} \epsilon_{p+1}, ..., \alpha_n\epsilon_n) = 0\) qui prouve que le vecteur \(\alpha_{p+1} \epsilon_{p+1}, ..., \alpha_n\epsilon_n\) appartient au noyau de \(f\). Donc il existe des scalaires \(\lambda_1, \lambda_2, ... , \lambda_p\) tels que \(\alpha_{p+1} \epsilon_{p+1} + ... + \alpha_n \epsilon_n = \lambda_1\epsilon_1 + \lambda_2\epsilon_2 + ... + \lambda_p\epsilon_p\) Comme \(( \epsilon_1,\epsilon_2, ..., \epsilon_n)\) sont linéairement indépendants et par conséquent :

    \(\forall i , 1 \le i \le p, \lambda_i = 0\) et \(\forall i, p +1 \le i \le n, \alpha_i = 0\)

    Les vecteurs \(f(\epsilon_{p+1}), ..., f(\epsilon_n)\) définissent donc une base de \(\mathrm{Im}(f)\),

    de dimension \(n-p\).

    Ceci achève la démonstration.

    On remarquera le rôle essentiel joué par le théorème de la base incomplète dans cette démonstration.

ThéorèmeThéorème de la "base incomplète"

Soit \(E\) un \(\mathbf K\textrm{-espace}\) vectoriel de type fini, non réduit à \(\{0\}\).

Soit \(G\) une partie génératrice finie de \(E\) et\( L\) une partie libre de \(E\). Alors il existe une partie \(G'\) de \(G\) telle que, en notant \(\{ v_1, v_2, ..., v_n\}\) la partie \(L \cup G', (v_1, v_2, ..., v_n)\) soit une base de \(E\).

Corollaire

Soient \(E\) et \(F\) deux espaces vectoriels sur un même corps \(\mathbf K, E\) de type fini. Soit \(f\) une application linéaire de \(E\) dans \(F\). Alors \(f\) est injective si et seulement si le rang de \(f\) est égal à la dimension de \(E\).

Cela est immédiat car on a la suite de propriétés équivalentes :

\(\textrm{f est injective } \Leftrightarrow \mathrm{Ker}(f) = \{0\} \Leftrightarrow \textrm{dim Ker}(f) = 0 \Leftrightarrow \textrm{dim Im}(f) = \mathrm{dim}E\)

Le paragraphe suivant traite le cas particulier où les deux espaces vectoriels sont de même dimension. Précédent