Théorème

ThéorèmeCondition nécessaire et suffisante pour qu'un sous-espace de type fini et son orthogonal soient supplémentaires

Soit \(E\) un \(\mathbf K\textrm{-espace}\) vectoriel, \(f\) une forme bilinéaire symétrique sur \(E\), \(F\) un sous-espace vectoriel de \(E\) de type fini et \(F^\perp\) son orthogonal pour \(f\). Les assertions suivantes sont équivalentes :

i) Le sous-espace \(F\) est non isotrope pour \(f\).

ii) La restriction de f à F est une forme bilinéaire non dégénérée.

iii) \(E=F\oplus F^\perp\)

Remarque

  1. Le théorème est énoncé dans le cadre d'un espace vectoriel qui n'est pas nécessairement de type fini car il joue un rôle important en analyse (cas des espaces préhilbertiens).

  2. Lorsque \(E\) est de type fini, les sous-espaces \(F\) et \(F^\perp\) sont supplémentaires si et seulement si \(F\) est non isotrope.

  3. Lorsque \(E\) est de type fini et \(E=F\oplus F^\perp\), en notant \(B_1\) une base de \(F\) et \(B_2\) une base de \(F^\perp\) alors \(B=B_1\cup B_2\) est une base de \(E\) et \(Mat(f,B)=\left(\begin{array}{cc}M&0\\0&N\end{array}\right)\)\(M\) et \(N\) sont des matrices carrées d'ordres respectifs la dimension de \(F\) et la dimension de \(F^\perp\).

  4. Le théorème est faux si \(F\) n'est pas de type fini.

  5. L'égalité \(E=F\oplus F^\perp\) n'implique pas \((F^\perp)^\perp=F\) (rappel : on a toujours \(F\subset (F^\perp)^\perp\)).

ExempleContre-exemple de la remarque 4

Soit \(E=\mathbf R[X]\) l'espace vectoriel des polynômes à coefficients réels et \(f\) la forme bilinéaire symétrique définie sur \(E\) par :

\(\displaystyle{f\left(\sum_{i=0}^n a_i X^i,\sum_{j=0}^n b_j X^j\right)=\sum_{k=0}^{min(n,m)} a_k b_k}\).

Comme \(f\) n'admet que le polynôme nul pour vecteur isotrope, tout sous-espace de \(E\) est non isotrope. Nous donnons ci-dessous un sous-espace \(F\) tels que \(F\) et \(F^\perp\) ne sont pas supplémentaires et un sous-espace \(G\) tels que \(G\) et \(G^\perp\) sont supplémentaires.

  • Considérons le sous-espace vectoriel de \(E\):

    \(F=\{P\in E/P(1)=0\}\),

    on a \(F^\perp=\{0_E\}\). En effet si \(Q\) est un polynôme non nul il existe un entier \(n\) et des réels \(a_i\) tels que \(a_n \neq 0\) et \(Q=\displaystyle{\sum_{i=0}^n a_i X^i}\). Soit le polynôme \(P=X^n-X^{n+1}\). On a \(P(1)=0\)donc \(P\in F\), et \(f(P,Q)=a_n\neq 0\). D'où \(Q\in F^\perp\) et \(F^\perp=\{0_E\}\). Comme \(F\neq E\), les sous espaces \(F\) et \(F^\perp\) ne sont pas supplémentaires.

    On peut remarquer ici que \(F\) n'est pas de type fini car il est égal à l'ensemble des polynômes qui sont divisibles par \(X-1\).

  • Considérons le sous-espace vectoriel de \(E\):

    \(G=Vect\{X\}=\{\lambda X, \lambda \in \mathbf K\}\),

    On a \(G^\perp=\left\{\displaystyle{Q=\sum_{i=0}^n a_i X^i, n\in N, a_1=0}\right\}\). En effet si \(\displaystyle{Q=\sum_{i=0}^n a_i X^i}\) alors \(f(X,Q)=a_1\). Comme \(G^\perp=\{Q\in E, f(X,Q)=0\}\) on a \(G^\perp \left\{Q=\sum_{i=0}^n a_i X^i/ a_1=0\right\}\) et les sous espaces \(G\) et \(G^\perp\) sont supplémentaires.

ExempleContre-exemple de la remarque 5

Dans \(\mathbf R^3\) considérons la forme bilinéaire symétrique \(f\) définie pour tout \(x=(x_1,x_2,x_3)\) et tout \(y=(y_1,y_2,y_3)\) de \(\mathbf R^3\) par \(f(x,y)=x_1y_1-x_2y_2\).

On note \(e_1=(1,0,0),~e_2=(0,1,0),~e_3=(0,0,1)\) et \(F=\mathbf R.e_1\). Comme :

\(y\in F^\perp \Leftrightarrow f(e_1,y)=0 \Leftrightarrow y_1=0\)

on a \(F^\perp=\mathbf R.e_2\oplus \mathbf R.e_3\) et \(\mathbf R^3=F\oplus F^\perp\). Or :

\(y\in F(F^\perp)^\perp \Leftrightarrow \left\{\begin{array}{l}f(e_2,y)=0\\f(e_3,y)=0\end{array}\right.\Leftrightarrow y_2=0\)

donc \((F^\perp)^\perp=\mathbf R.e_1\oplus \mathbf R.e_3\) et \((F^\perp)^\perp\neq F\).

PreuvePreuve du théorème de la remarque 5

Dans la proposition caractérisation des sous-espaces isotropes on a montré que le sous-espace \(F\) est non isotrope si et seulement si la restriction de \(f\) à \(F\) est une forme bilinéaire non dégénérée, par conséquent les assertions i) et ii) sont équivalentes.

Montrons que i) implique iii).

On suppose que \(F\) est non isotrope.

On a \(F\cap F^\perp=\{0_E\}\). On va montrer que pour tout vecteur \(u\in E\), il existe un vecteur \(x_0\in F\) tel que \((u-x_0)\in F^\perp\). Ceci prouvera que tout vecteur de \(E\) est la somme d'un vecteur de \(F\) et d'un vecteur de \(F^\perp\) et par conséquent que \(E=F\oplus F^\perp\). Pour cela on notera \(F^*\) le dual de \(F\), c'est à dire l'ensemble des formes linéaires définies sur \(F\).

Soit \(u\) un vecteur de \(E\) et \(h\) la forme linéaire sur \(F\) définie par :

\(\forall t\in F,~h(t)=f(u,t)\).

On considère l'application :

\(\begin{array}{ccccc}\Phi &:& F &\rightarrow& F^*\\&&x&\mapsto& f_x\end{array}\)

\(f_x\) est la forme linéaire sur \(F\) définie par :

\(\forall t\in F,~ f_x(t)=f(x,t)\).

Comme \(F\) est non isotrope, la forme bilinéaire induite sur \(F\) par \(f\) est non dégénérée et \(F\) étant de plus de type fini, l'application \(\Phi\) est un isomorphisme (d'après les propriétés établies dans la page sur l'application de \(E\) dans son dual).

Comme \(h\in F^*\), il existe un vecteur \(x_0\in F\) tel que \(h=f_{x_0}\). Cela signifie que pour tout \(t\in F\) on a \(h(t)=f_{x_0}(t)\), c'est-à-dire :

\(\forall t\in F,~f(u,t)=f(x_0,t)\).

Cette égalité prouve que pour tout \(t\in F\) on a \(f(u-x_0,t)=0\), donc \((u-x_0)\in F^\perp\). Cette construction est possible pour tout vecteur \(u\) de \(E\), et l'égalité \(u=x_0+(u-x_0)\) montre que \(E=F+F^\perp\).

Montrons que iii) implique i).

Si on a \(E=F\oplus F^\perp\) alors \(F\cap F^\perp=\{0_E\}\), et le sous-espace \(F\) est non isotrope pour \(f\).

Remarque :

Lorsque \(E\) est de type fini on peut montrer autrement que i) implique iii).

Lorsque \(E\) est de type fini, pour tout sous-espace \(F\) on a \(\dim F+\dim F^\perp \ge \dim E\).

Si \(F\) est un sous-espace non isotrope alors \(F\cap F^\perp=\{0_E\}\). On a donc \(\dim (F\cap F^\perp)=0\) et \(\dim(F+F^\perp)=\dim F+ \dim F^\perp\). D'après l'inégalité ci-dessus on obtient \(\dim (F+F^\perp)=\dim E\). Ceci prouve que les sous-espaces \(F\) et \(F^\perp\) sont supplémentaires : \(E=F\oplus F^\perp\).